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Tableau de bord

Faut-il encadrer le partage des richesses ?

Tableau de bord | publié le : 01.04.2009 |

Rémy Prud’homme Économiste, professeur émérite à l’université Paris XII

Les bénéfices des sociétés françaises, environ 150 milliards d’euros par an, sont actuellement partagés à raison d’environ 50 milliards pour l’État, 10 milliards pour les salariés (participation et intéressement, soit 1 % du total des salaires français), 40 milliards pour les actionnaires (dividendes) et 50 milliards pour l’investissement. La règle des trois tiers soulève au moins quatre problèmes. Elle oublie le tiers que prélève déjà l’État. Donner le tiers du reste aux salariés revient, du point de vue des entreprises, à porter à plus de 50 % le taux de l’impôt sur les bénéfices. Elle traite de façon identique des entreprises bien différentes. Les bénéfices d’une société d’autoroutes (beaucoup de capital, peu de travail) ne peuvent pas être partagés comme ceux de Carrefour (peu de capital, beaucoup de travail). Elle traite des salariés identiques de façon différente. Le jackpot pour certains. Rien du tout pour d’autres, qui travaillent dans des institutions (les administrations, par exemple) qui ne font pas de bénéfices. Elle ne traite pas de la même façon les bénéfices, qui sont partagés, et les pertes, qui ne le sont pas. Si aucun autre pays au monde n’a introduit une telle règle, c’est que les problèmes qu’elle pose sont sérieux.

Alexandre Delaigue Économiste aux Écoles spéciales militaires de Saint-Cyr Coëtquidan

La répartition des profits dans une entreprise répond avant tout à une logique d’efficacité économique et dépend de la nature de l’activité. Par exemple, dans un secteur très intensif en capital, la part des profits à consacrer au renouvellement du capital sera forte ; une rémunération importante des actionnaires peut être la contrepartie d’un secteur dans lequel le risque est élevé ; enfin, si la performance des salariés a un impact direct sur celle de l’entreprise, il pourra être judicieux de redistribuer les profits vers eux. En somme, il n’y a pas de règle unique qui pourrait s’appliquer à toutes les entreprises. Il est certain qu’en pratique cette logique d’optimisation n’est pas la seule et que le partage des bénéfices concrets résulte en partie de jeux de pouvoir dans les entreprises, mais ceux-ci sont limités par la concurrence. Et on voit mal comment les pouvoirs publics pourraient mieux savoir que les principaux concernés quel est le partage des bénéfices adapté à chaque entreprise. Le partage des profits est un faux débat, une mauvaise réponse au problème des inégalités de revenu qui proviennent avant tout de l’augmentation des hauts salaires, pour laquelle il existe une solution simple : l’impôt sur le revenu.

Olivier Passet Chef du département des affaires économiques et financières du CAS

La participation et l’intéressement des salariés aux bénéfices de l’entreprise permettent de transférer les gains de productivité à l’ensemble des parties prenantes, et non plus seulement aux actionnaires ou aux dirigeants. Mais, d’un autre côté, cette part variable peut minorer, in fine, les rémunérations fixes. La part de la valeur ajoutée dévolue aux salariés est en effet singulièrement stable au fil du temps dans les pays industrialisés. Cela incite à penser que l’introduction d’une part variable dans les rémunérations, à partir du profit net de l’entreprise, pourrait se traduire par un changement de structure de la rémunération des salariés et entre salariés plutôt que par un gain global en faveur de l’ensemble des salariés. En bas de cycle, ce changement de structure pourrait contribuer à protéger l’emploi. Toutefois, la formule des trois tiers permet surtout de poser la question d’un risque de « hold-up » de la performance collective par les dirigeants à travers des bonus excessifs. Comment redistribuer plus équitablement les gains qui relèvent de l’organisation entre les individus ? Par la fiscalité, l’extension des régimes d’intéressement ou le plafonnement réglementaire de certains avantages.

Pour en savoir plus

Insee Méthodes n° 118, « Vers une théorie du partage de la valeur ajoutée », de Philippe Askenazy.

Quarterly Journal of Economics, « Why has CEO Pays increased so much ? », d’Augustin Landier.

Blog éconoclaste.

http://econoclaste. org.free.fr.

Débat&co, « Partage de la richesse produite : de quoi parle-t-on ? », de Rémy Prud’homme.

www.debateco.fr.

Centre d’analyse stratégique, la Note de veille n° 120.

www.strategie.gouv.fr.