Le projet de décret qui devait réformer les règles de l’assurance-chômage n’a pas été publié. Les règles en vigueur sont reconduites jusqu’au 31 juillet, ce qui conduira les prochains gouvernants à devoir se prononcer sur cette question.
Le président de la République avait défendu la réforme de l’assurance-chômage avec conviction, assurant qu’elle était « importante pour le pays » et « indispensable ». En dépit de la dissolution prononcée le soir même des élections européennes, le 9 juin, le ministère du Travail indiquait le 11 juin que la mouture du décret avait été transmise aux partenaires sociaux et au Conseil d’État.
Les services de Catherine Vautrin avaient indiqué que cela ne modifiait pas le trajet du décret et qu’il serait publié avant la date butoir du 1er juillet. Les résultats du premier tour des élections législatives ont changé la donne puisque les services du Premier ministre ont fait savoir que le décret était « suspendu ». Lundi 1er juillet est paru au Journal Officiel un décret précisant que la date butoir du maintien en vigueur des règles actuelles de l’assurance-chômage est repoussée d’un mois. Elles cesseront d’être applicables à compter du 1er août.
Une troisième réforme depuis 2019
Le projet de réforme initial prévoyait des conditions d’accès plus restrictives et des durées d’indemnisation plus courtes qu’actuellement. À partir du 1er décembre, pour être indemnisé, il aurait fallu travailler au moins 8 mois sur les 20 précédents, soit 2 mois de plus sur une période plus courte de 4 mois (6 mois sur les 24 mois précédents). Par ailleurs, le projet de décret prévoyait de réduire la durée maximale d’indemnisation pour les demandeurs d’emploi âgés de moins de 57 ans. Elle serait passée de 18 mois à 15 mois.
Le projet supprimait par ailleurs les deux paliers encore en vigueur dont bénéficient les demandeurs d’emploi âgés d’au moins 53 ans ou d’au moins 55 ans, ne laissant plus qu’une « filière senior », accessible uniquement à partir de 57 ans et dont la durée d’indemnisation devait aussi être réduite par rapport aux règles en vigueur actuellement.
Selon Bruno Coquet, président d’un cabinet de conseil et chercheur associé à l’OFCE, cette réforme aurait « évidemment affect[é] les personnes qui ont des contrats courts et en particulier les jeunes et les étudiants qui ont aussi souvent des contrats saisonniers ». Il indiquait par ailleurs que l’impact serait « d’autant plus fort sur les seniors que leurs chances de retrouver un emploi sont plus faibles du fait de la forte discrimination à l'embauche qu’ils subissent ».
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Les seniors sous pression
Par ailleurs, le chercheur rappelait que les membres de cette catégorie de demandeurs d’emploi « sont contraints de faire de fortes concessions sur l'emploi qu’ils retrouvent ». Autant de facteurs qui réduisent leur pouvoir de négociation « en les contraignant à accepter plus rapidement des postes à des conditions qu’ils n’auraient sans doute pas accepté dans d’autres circonstances ».
La réforme est-elle enterrée pour autant ? Pas pour Gabriel Attal, dont l’entourage a indiqué que le projet de décret pour « faire l'objet d'aménagements, de discussions entre forces républicaines » après le second tour des élections législatives. Les autres partis en lice, Rassemblement national et Nouveau Front populaire, ont en revanche annoncé leur volonté d’abroger ce projet.
De leur côté, les syndicats, opposants de la première heure à cette modification des règles de l’assurance-chômage, ont bien accueilli cette décision. Ils estimaient en effet que cette nouvelle réforme, la troisième après celles déjà mises en œuvre en 2021 et 2023, allait précariser une nouvelle fois les franges les plus fragiles, en l’occurrence les jeunes et les seniors.
Revalorisation de 1,2 %
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, avait dénoncé une réforme qui avait un objectif « uniquement budgétaire ». Après l’annonce de sa suspension, Sophie Binet, son homologue de la CGT, a appelé à « abandonner définitivement cette réforme injuste et violente qui menace de faire basculer dans la pauvreté plus d'un million de travailleurs et de travailleuses ».
Si le 1er juillet a donc cessé d’être le jour d’entrée en vigueur de la nouvelle réforme, il sera celui de la revalorisation des allocations versées aux demandeurs d’emploi qui ont cumulé les conditions pour être indemnisés, soit près de deux millions de personnes. Les versements seront revalorisés de 1,2 %, suite à une décision du conseil d’administration de l’Unedic.
L’organisme précise que cette revalorisation « intervient après deux autres en 2023 (+ 1,9 % au 1er avril, puis + 1,9 % au 1er juillet) » et que la moyenne de progression annuelle sur les cinq dernières années a atteint 1,68 %. L’allocation minimale pour un demandeur d’emploi n’ayant eu aucune activité durant le moins se monte désormais à 991,07 € bruts.