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Codir, bas les masques ! (1/2)

La chronique | publié le : 20.06.2017 |

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Codir, bas les masques ! (1/2)

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Philippe Détrie La maison du management

Les codirs (comités de direction)

sont quelquefois des saynètes de théâtre affligeantes. Les trois coups sont frappés toujours en retard, le rôle-titre se prend pour un cador, les participants sont soit des spectateurs zélés et acquis soit des acteurs qui se perdent dans le jeu du pouvoir et de la séduction, le scénario répète les obsessions du patron, la mise en scène et les décors sont immuables, les dialogues sont écrits d’avance, le rideau tombe dans la précipitation laissant un sentiment d’inachevé. C’est l’éternel remake de mon roman policier Le codir m’a tuer.

Avez-vous remarqué l’étrange disproportion des investissements managériaux qui consiste à privilégier la cible des managers de service et de proximité au détriment de ceux de direction ? Les cordonniers seraient-ils les plus mal chaussés ? Combien de codirs investissent sur eux-mêmes ?

Mon expérience d’animation de plusieurs centaines de codirs conclut à un enseignement brutal : leur efficacité pourrait être grandement améliorée. Posons-nous une question toute simple : à quoi sert un codir ? Il est très troublant d’interroger chaque membre d’un codir et de lui faire classer les objectifs habituels assignables à un tel comité : informer, échanger, partager, débattre, confronter, coordonner, fédérer, organiser, animer, arbitrer, décider, réfléchir, mûrir, entraîner, piloter, réguler, contrôler… Les résultats montrent une hétérogénéité incroyable. Comment alors être efficace quand l’objectif est confus ? Un état des lieux s’impose ici, il sera complété dans ma prochaine rubrique.

Un flou qui coûte cher

On ne peut s’empêcher de regretter, pour le bien de l’entreprise, que ces structures de direction se remettent aussi peu en cause. Car elles coûtent cher. Estimons le coût annuel moyen d’un codir hebdomadaire : 7 participants x 2 heures x 100 euros de l’heure chargée x 50 semaines = 70 000 euros. Sans compter les ordres du jour et les comptes rendus. Face à cet investissement, quel est le budget maintenance ? Zéro.

Alors bien sûr, personne ne se plaindra ouvertement d’un mauvais fonctionnement de son codir. Le DG est trop heureux de disposer d’une cour régulière et attentive, le participant se flatte d’appartenir au cénacle, il se présente d’ailleurs comme un membre, comme si le titre suffisait à souligner le privilège de l’appartenance exclusive à un club fermé de happy few. Mais combien de fois avons-nous recueilli des propos désabusés ? « On perd notre temps, ça n’est pas préparé, on rediscute sans arrêt des mêmes points, on ne décide jamais rien, ou on décide et puis plus rien, ou on change d’avis le codir d’après… »

La ritualisation étouffe la remise en cause.

Une addition de directeurs

Le codir est plus souvent le fruit d’un regroupement de représentants de fonction que de contributeurs à une stratégie globale. Le Petit Robert montre déjà le flou structurel du mot comité : “réunion de personnes prises dans un corps plus nombreux (assemblée, société) pour s’occuper de certaines affaires, donner un avis”. Vive l’imprécision ! On conviendra que l’élasticité organisationnelle ne facilite pas la focalisation. L’humour britannique résume bien la situation : “A committee is a group of the unwilling, chosen from the unfit, to do the unnecessary”.

Verbatim du directeur général d’un grand établissement : « J’ai une bande de directeurs, en aucun cas une équipe de direction. » À l’analyse, le patron a constitué son codir comme un ppch : plus petit commun hiérarchique. Il ne veut oublier personne, le principe organisationnel de rattachement l’emporte sur la valeur ajoutée de réflexion stratégique. C’est même parfois la volonté de gratification ou la crainte d’une démotivation qui conduit à accroître la taille et la lourdeur du codir : les décisions se prennent alors en amont, on assiste à une revue de direction sans synergie car une succession de propos individuels ne constitue pas un discours cohérent, une somme d’interventions ne crée pas une pensée consistante.

Alors comique ou tragique ? Comment faire ? Réponse dans deux semaines !