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Les entreprises passent mollement aux actes

Liaisons Sociales Magazine | Relations Sociales | publié le : 23.03.2015 | Florence Puybareau

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L’usage des outils numériques interpelle les entreprises françaises. Quelques-unes se sont dotées de chartes ou de principes. Reste à changer véritablement les pratiques en interne.

Beaucoup de bruit pour rien? Faux. En matière de droit à la déconnexion, les dirigeants français ne restent pas totalement les bras croisés. En témoigne l’accord signé voilà onze mois dans la branche Syntec, qui marque une étape importante dans le ­processus. Ou les préconisations de l’Observatoire de l’équilibre des temps et de la parentalité en entreprise.

Cette asso­ciation créée en 2008, qui regroupe une vingtaine de grandes entreprises telles qu’Axa, Bouygues, Casino, Ernst & Young ou la ­Société générale, recommande, parmi 15 engagements, de  limiter les envois de mails hors des heures de bureau ou le week-end», mais aussi «de planifier les réunions dans la plage 9 heures-18 heures, sauf urgence ou activités spécifiques».

Règles de bonne conduite

Dans le cadre de la négociation ou de la refonte de leur accord pour l’égalité professionnelle ou pour la qualité de vie au travail (QVT), certaines organisations hexagonales ont édicté des règles de bonne conduite dans l’utilisation des outils numériques. À l’image d’Air France et d’EDF en 2010, d’Areva en 2012, de Thales en 2014, qui traitent de la question dans leur accord QVT.

Ainsi, chez Areva, une charte indique que l’usage des technologies de l’information ne doit pas «devenir un mode exclusif d’animation managériale et de transmission des consignes de travail». Par ailleurs, le texte précise que «le salarié dispose d’un droit à la déconnexion. La hiérarchie s’assurera par son exemplarité du respect de cette mesure». Tout en prévoyant, quand même, des exceptions «en cas de circonstances particu­lières nées de l’urgence et de l’importance des sujets traités».

Mails interdits le week-end

Chez Renault, c’est dans l’accord en faveur de l’égalité professionnelle qu’il est question de technologies de l’information. Mais avec des recommandations qui peuvent être là aussi levées pour les cas exceptionnels : limitation des envois de mails ou d’appels téléphoniques le soir et le week-end ; pas d’obligation pour les salariés de répondre aux mails en dehors des heures de travail ; encoura­gement à l’envoi différé des messages… D’autres sociétés, comme Sodexo, Alcatel ou Canon, ont institué des journées sans mails. Une solution qui, ne recueillant pas l’unanimité, a parfois été abandonnée ­depuis. L’Orse est d’ailleurs dubitatif, jugeant ces dispositifs comme des «actions de communication symbolique qui doivent permettre aux salariés de recourir à d’autres formes de dialogue».

En 2013, le mutualiste Reunica a édicté une charte du bien-être au travail qui stipule que les mails de l’entreprise ne sont plus reroutés sur les terminaux –personnels et professionnels– entre 20 heures et 7 heures du matin dans la semaine et du vendredi soir au lundi matin. Une initiative plutôt bien accueillie en interne et qui commence même à faire des envieux dans la maison… du côté des salariés de La Mondiale, qui appartiennent désormais au même groupe mais qui ne bénéficient pas du dispositif.

Le secteur public s'y met

Le droit à la déconnexion n’est pas l’apanage des grandes entreprises privées. «À la SNCF, nous avons fait des recomman­dations aux managers pour qu’ils n’envoient pas de mails entre le ven­dre­di 17 h 30 et le lundi matin. La mesure est assez bien respectée», explique Anne Decressac, directrice du lab développement RH à la SNCF. La société a d’ailleurs mis en place un groupe de travail pour réfléchir sur les liens entre QVT et outils numériques.

Dans l’administration aussi, la question se pose. Ainsi, une charte du temps a été mise en place par la direction générale du Trésor. Elle rappelle qu’«en dehors des horaires de travail et dans tous les cas après 20 heures en semaine, le week-end ou pendant une période de congé du destinataire, les courriels ne sont pas présumés être lus». Un projet d’accord-cadre sur la QVT dans la fonction ­publique, prévoyant un droit à la déconnexion, est également en discussion avec les partenaires sociaux. La CFDT reconnaît d’ailleurs que l’encadrement «s’avère difficile à mettre en œuvre».

Le groupe Orange en pointe

Mais, au-delà des chartes et des grands principes, plus faciles à rédiger qu’à respecter, beaucoup reste à faire pour changer les habitudes. Aujourd’hui, seules quel­ques entreprises, principalement tech­nologiques, comme Microsoft et surtout Orange, ont mené une vraie réflexion sur l’usage des outils numériques pour leur activité et par leurs salariés.

«La transformation numérique que nous vivons modifie les relations au travail. Il nous faut des règles et des repères», explique Bruno Mettling, directeur général adjoint chargé des RH au sein du groupe. Selon lui, le droit à la déconnexion doit impliquer tout le corps social: «Si l’on veut bien protéger les salariés, il faut que tout le monde soit concerné.

Journée sans mails

Il est important de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs aux usages du numérique et aux enjeux associés.» Orange a pris plusieurs initiatives: Mooc, for­mation des managers aux risques de la connexion permanente – avec coaching personnalisé sur les outils et les postures – et même journée sans mails.

Pour cette dernière, le succès a été très relatif. «Cela ne fonctionne pas très bien. L’approche normative n’est pas vraiment acceptée, surtout par les jeunes. Ils n’imaginent pas que l’entreprise décrète la déconnexion. En ­revanche, ils ne veulent pas d’une dis­ponibilité permanente pour l’entreprise. Aujourd’hui cela fait même partie de la promesse employeur», remarque Bruno Mettling.

Le débat est donc largement ouvert. Si les DRH ont un rôle essentiel à jouer, ils ne peuvent cependant porter seuls le message. Pour éviter l’échec, la décision doit appartenir à la direction générale et être partagée. Par les instances représentatives du personnel, mais aussi par les métiers et la DSI qui, techniquement, est maîtresse d’œuvre du dispositif.

Auteur

  • Florence Puybareau