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Seniors : les défis à relever pour augmenter le taux d’activité

Homepage | publié le : 04.04.2024 | Gilmar Sequeira Martins

Les seniors sont appréciés à plusieurs titres dans l'entreprise : pour leur expérience (74 %), leur capacité à transmettre leurs savoirs (49 %), leur bienveillance (40 %), leur fiabilité (40 %) et leur… patience (33 %).

Crédit photo Mikolette Moller/peopleimages.co/Adobe Stock

Comment faire passer de 38 % à 65 % d’ici 2030 le taux d’activité des seniors ? Plusieurs sondages auprès des salariés permettent de cerner les difficultés à surmonter, mais aussi les attitudes ambivalentes que suscite cette catégorie d’actifs et les attentes vis-à-vis des entreprises.  

Depuis vingt ans, le taux d’activité des seniors âgés de 60 à 64 ans a fortement progressé. En 2000, il se situait entre 10 % et 11 %. Il a ensuite plus que doublé sur les quinze années suivantes. En 2016, il se situait à 28,4 % pour les femmes et 27,7 % pour les hommes. Moins de cinq ans plus tard, en 2022, il était à 38,9 %. Pour atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement, soit 65 % en 2030, le taux d’activité des 60-64 ans va devoir encore progresser de 26 points. Cela suppose une progression annuelle moyenne du taux d’activité de 3,7 points durant une période de sept années, soit plus du double de la moyenne annuelle observée depuis deux décennies. Un tel défi ne relève-t-il pas déjà de la gageure ?

Deux sondages récents permettent d’avoir quelques indications intéressantes sur la probabilité de réussite de ce projet. La 4e édition du baromètre « Inclusion : le regard des Français sur les seniors en entreprise », réalisé en février par OpinionWay pour le groupe de protection sociale Apicil1, détaille l’opinion des Français sur la capacité des entreprises à intégrer différentes catégories de salariés… dont les seniors. Leur présence pose-t-elle problème ? Bien au contraire, puisque 9 sondés sur 10 (90 %) considèrent les seniors comme une richesse pour l’entreprise. Plus de 7 salariés sur 10 (71 %) déclarent travailler régulièrement avec des personnes âgées de 50 ans ou plus et 69 % précisent même que certains de leurs collègues dont ils se sentent le plus proches sont des seniors.

Les seniors largement appréciés...

Assez logiquement, une très large majorité (92 %) estime que la collaboration intergénérationnelle est indispensable à la transmission des savoirs, favorise l’innovation (87 %) et le développement du mentorat des jeunes (90 %). Les seniors sont appréciés à plusieurs titres : pour leur expérience (74 %), leur capacité à transmettre leurs savoirs (49 %), leur bienveillance (40 %), leur fiabilité (40 %) et leur… patience (33 %). Une large majorité des sondés (67 %) regrette même que les compétences de ces salariés seniors ne soient pas assez bien exploitées.

Selon un autre sondage mené en mars par Review.jobs auprès de salariés2, les seniors sont considérés comme compétents (76 %) et soigneux dans leur travail (69 %), les actifs de moins de 25 ans se montrant encore plus positifs avec des taux de, respectivement, 78 % et 71 %. Les cadres dirigeants se montrent encore plus enthousiastes : 79 % estiment que les seniors sont compétents.

Certains paramètres viennent nuancer cette vision très positive. Selon le sondage mené par Review.jobs, 40 % des salariés et 48 % des cadres dirigeants pensent que les seniors sont « démunis » face aux nouvelles technologies, alors que les plus de 55 ans ne sont que 37 % à partager cet avis. Pour près d’un tiers des jeunes salariés (31 %), les seniors sont « incapables de s’adapter aux nouvelles façons de travailler (télétravail, projets collaboratifs, assouplissement des rôles hiérarchiques…) ».

… mais très souvent discriminés...

Paradoxalement, ce sont les cadres dirigeants, dont beaucoup sont des... seniors, qui se montrent les plus sévères à l’égard des... seniors : 51 % les jugent plus souvent fatigués ou malades, soit plus du double de la moyenne des répondants (24 %). Près de 4 cadres dirigeants sur 10 (39 %) estiment que les seniors ne sont pas en mesure de comprendre les attentes des salariés plus jeunes alors qu’une minorité seulement parmi ces derniers partage cet avis (13 %).

Le baromètre publié par Apicil relève aussi la persistance des stéréotypes. L’âge reste un facteur de discrimination pour 81 % des salariés et 65 % se disent inquiets du traitement réservé aux seniors ainsi que du manque d’actions en faveur de leur inclusion dans la société. Selon le baromètre Apicil, 89 % des salariés estiment qu’il est difficile de trouver un emploi pour une personne âgée de 50 ans ou plus. Près d’un sondé sur deux (45 %) déclare par ailleurs avoir constaté qu’un candidat n’était pas recruté en raison de son âge ou avoir été « mis au placard » pour ce même motif (42 %) ou avoir essuyé un refus de promotion (33 %).

… et pas franchement attendus

Les entreprises sont jugées sévèrement puisque 83 % des salariés (+ 18 points par rapport à 2023) estiment insuffisantes les actions lancées pour mieux inclure les seniors. Ils sont encore plus nombreux (86 %) à considérer que l’employabilité des seniors est « un enjeu important » pour surmonter les difficultés de recrutement. Le sondage de Review.jobs indique de son côté que 59 % des salariés pensent que les seniors apportent un regard intéressant dans l’entreprise et qu’augmenter leur taux d’emploi constituerait un progrès.

Oui, mais… Près d’un tiers des jeunes salariés (30 %) et près de 4 cadres sur 10 (38 %) estiment que leur métier ou leur entreprise n’est pas propice à l’accueil des seniors. Un paradoxe que Nicolas Marette, le dirigeant de Review.jobs, explique par le manque d’échanges : « Plus de 4 salariés sur 10, soit 44 %, déclarent que les seniors représentent moins de 10 % des effectifs de leur entreprise. Ils les côtoient donc peu. Travailler ensemble au quotidien permettrait sans doute à tous de se forger une vision plus réaliste de la place des seniors au travail. »

Une conclusion de bon sens qui risque de se heurter au phénomène bien connu de la bonne volonté qui préfère laisser autrui prendre les devants. Les difficultés de recrutement parviendront-elles à modifier les idées toutes faites ? L’hypothèse peut fonctionner à condition que la demande des entreprises se maintienne. Or, le climat économique se dégradant, les besoins de main-d’œuvre risquent de se réduire aussi, compromettant du même coup la hausse du taux d’activité des seniors que le Gouvernement appelle de ses vœux.


(1) 4e édition du baromètre « Inclusion : le regard des Français sur les seniors en entreprise », réalisé en février 2024 par OpinionWay pour le groupe de protection sociale Apicil. 

(2) Étude publiée le 28 mars 2024 et menée par Review Jobs, spécialiste du recueil et de l’analyse d’avis de salariés : « Plus de seniors en entreprise ? C’est bien, mais pas dans la mienne ».

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins