Alors que la négociation sur l’emploi des seniors a mis un terme aux échanges sur le « pacte de vie au travail », des représentants du GIE Les entreprises s’engagent remettaient à la ministre du Travail Catherine Vautrin une série de propositions sur le même sujet. Avec l’espoir de relancer un nouveau cycle de négociations ?
Après trois mois de négociations sur le « pacte de vie au travail », c’est sur l’emploi des seniors que la dernière nuit de pourparlers a buté. Organisations patronales et syndicales se sont séparées le 10 avril sur l’impossibilité de parvenir à conclure un accord. En parallèle, des représentants du GIE Les entreprises s’engagent, lancé en 2018 à l’initiative du président de la République Emmanuel Macron, remettaient à la ministre du Travail Catherine Vautrin une série de dix propositions sur ce sujet, fruit de la réflexion d’un groupe de représentants de 16 entreprises parmi lesquelles Air France, l’Apec, BNP Paribas, CRIT, Keolis, Saint-Gobain ou encore Villages Nature.
Chômage de longue durée : hystérèse en hausse
D’emblée, les représentants du GIE ont souligné la difficulté de l’exercice. Constatant que le taux d’emploi des seniors (55-64 ans) plafonnait en 2021 à 56 %, soit 4 points de moins que la moyenne de la zone euro (60,5 %), où certains pays parviennent à des taux bien plus élevés. La tendance doit être d’autant plus rapidement transformée que la moitié des habitants résidant en France aura plus de 50 ans avant... 2034 ! Autre constat tout aussi alarmant : la durée du chômage de longue durée parmi les plus de 50 ans a connu une forte augmentation depuis 2008 puisqu’il atteint désormais 673 jours en moyenne, contre 388 jours pour l’ensemble des actifs.
Les représentants du GIE soulignent que « la chance de retrouver un emploi est corrélée négativement avec la durée du chômage en raison de l’effet d’hystérèse ou du découragement qui peut survenir ». Dernier constat qui confirme la mise à l’écart des seniors en France : en 2016, 35 % des salariés de plus de 55 ans ont bénéficié d’une formation, alors que c’est le cas pour 62 % de leurs homologues suédois, dont le taux d’emploi qui culmine à… 77 %.
Des « besoins de recrutement »
Le document remis à la Ministre souligne que les entreprises « ont exprimé leur volonté d’agir pour l’emploi des seniors, au nom de l’inclusion intergénérationnelle, mais aussi en vue des évolutions à prévoir de la pyramide des âges et de leurs besoins en recrutement ». Les représentants du GIE ajoutent qu’il est nécessaire de « libérer la parole » au sujet des seniors, « non seulement à propos de la gestion du vieillissement (perçu comme tabou par plus d’un senior en emploi sur deux), des besoins supplémentaires en formation et en aménagement du travail, mais aussi de la question du coût de l’emploi des seniors pour une entreprise ».
Et de poursuivre en ajoutant qu’il s’agit « à la fois de valoriser l’employabilité des seniors, eux qui souffrent régulièrement de préjugés quant à leurs compétences réelles, de renforcer ces compétences en les alignant [sur les] besoins des entreprises, et de mieux organiser leur travail selon leurs besoins ».
Changer le « regard » sur les seniors
Le GIE a ventilé ses propositions sur trois axes :
- sensibiliser et changer le regard sur l’emploi des seniors ;
- préparer et renforcer l'employabilité des seniors ;
- enfin, adapter les deuxièmes parties de carrière à leurs spécificités.
Sur le premier, le GIE propose une série de mesures qui invitent les entreprises à objectiver la question (développer l’usage d’indicateurs spécifiques à l’emploi des seniors) ; lutter contre les discriminations à l’embauche (proposition n°2) ; faciliter le maintien en emploi avec un « kit » et développer « l’offre associative d’accompagnement à l’inclusion professionnelle des seniors ».
Selon le GIE, l’État pourrait jouer un rôle moteur en s’inspirant des politiques qu’il a déjà menées vis-à-vis des jeunes avec un « appel à projet national pour structurer et développer l’offre associative d’accompagnement des seniors dans l’emploi ».
Renforcer « l'employabilité » des seniors
Le deuxième axe vise à renforcer « l’employabilité » des seniors avec deux propositions. D’abord en renforçant la notoriété et l’usage des dispositifs publics de formation. Sont notamment mis en exergue la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI), les périodes de mises en situation professionnelles (PMSMP) et le CPF, « voire l’apprentissage »… Pour y parvenir, les représentants du GIE soulignent la nécessité de promouvoir « plus activement » des dispositifs préalables à l’embauche auprès des seniors demandeurs d’emploi, mais aussi des... recruteurs !
Ensuite, le GIE cible les incitations financières à l’embauche (primes à l’embauche, réduction des cotisations sociales sur une durée donnée, suppression intégrale ou partielle de la part employeur sur les cotisations retraites ou chômage, etc.). Compte tenu de l’état des finances publiques, c’est la mesure qui a évidemment le moins de chances d’être mise en œuvre.
Adapter les deuxièmes parties de carrière
Dernier versant des propositions : adapter l’emploi aux « deuxièmes parties » de carrière. Comment ? D’abord en développant des formes d’emploi « plus flexibles et adaptées au vieillissement des seniors » (proposition n°8). Les représentants du GIE Les entreprises s’engagent notent que le compte professionnel de prévention (C2P) reste « largement sous-exploité », bien qu’il soit « un dispositif précieux » dans les postes présentant des risques pour la santé (travail de nuit, répétitif, exposition au bruit ou à des températures extrêmes, etc.).
Autre proposition mise en avant : inciter les entreprises à proposer le dispositif de retraite progressive aux collaborateurs volontaires. Si les représentants des entreprises le perçoivent comme « très bénéfique pour faciliter le maintien à l’emploi des seniors », ils déplorent qu’il soit peu déployé et méconnu de la part des salariés.
Dixième et dernière proposition : encourager le « statut d’aidant », très courant parmi les seniors de 55 ans et plus, qui doivent prendre en charge des parents entrés dans le quatrième âge et souvent dépendants. Une telle mesure permettrait d’adapter les conditions de travail des salariés avec des aménagements des temps d’activité (jours de congé supplémentaires, horaires aménagées, modalités élargies au télétravail, etc.).