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La négociation d'entreprise ne décolle pas

Entreprise & Carrières | Relations Sociales | publié le : 23.03.2017 | Emmanuel Franck

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La loi Travail a pour ambition de libérer la négociation collective dans les entreprises. Mais ces dernières peinent à signer des accords en appliquant la nouvelle majorité de 50 % et ne veulent pas entendre parler des référendums. Quant aux PME, elles attendent toujours les accords type des branches.

Cent quatre-vingt-onze pages, 54 articles, des décrets à venir, de nouvelles habitudes à prendre. Il fallait s’attendre à ce que les entreprises aient besoin d’un peu de temps pour maîtriser la loi « travail » du 8 août 2016 relative à la « modernisation du dialogue social ». De fait, sept mois après son adoption, la libération de la négociation collective n’a pas encore eu lieu.

« Les DRH sont saturés et ils l’étaient déjà avant la loi Travail », note Sylvain Niel, avocat associé au cabinet Fidal et président du Cercle des DRH. Stéphanie Guedes da Costa, avocate associée chez Flichy Grangé avocats, confirme : « Les entreprises se conforment aux obligations imposées par la loi du 8 août et commencent à utiliser les nouvelles possibilités qu’elle ouvre en matière de dialogue ­social ; on sent toutefois pour beaucoup d’entre elles qu’elles continuent d’absorber la loi Rebsamen » de 2015.

Droit à la déconnexion. Les entreprises s’acquittent en effet sans trop de difficultés de leurs nouvelles obligations, comme de négocier sur le droit à la déconnexion. Plusieurs entreprises ont rapidement signé sur ce sujet peu après la promulgation de la loi.

« Elles ont une obligation de négocier mais c’est aussi un sujet tendance, explique Stéphane Béal, directeur du département droit social du cabinet Fidal, par ailleurs responsable de la commission juridique de l’ANDRH. Cela dit, nous tâtonnons encore sur ce qu’il convient de faire figurer dans les chartes de déconnexion. L’erreur serait de croire que le droit à la déconnexion signifie l’obligation de se déconnecter. »

Préambule et commission de suivi. Nombreux sont également les accords d’entreprise qui comportent un préambule et une commission de suivi, comme l’exige désormais le législateur. L’accord d’Orange du 20 février 2017 sur la reconnaissance des compétences satisfait ces deux obligations. Celui de l’Unetel (branche des télécommunications) du 3 février crée, comme demandé par la loi Travail, une commission permanente de négociation et d’interprétation. Il est vrai que beaucoup d’entreprises et de branches n’avaient pas attendu d’en avoir l’obligation pour négocier ce type de disposition.

Les entreprises éprouvent en revanche quelques difficultés à se saisir des nouvelles marges de négociation qui s’offrent à elles. Et quand il leur arrive d’exercer ces libertés, elles le font sur des points mineurs.

Durée des accords. Les partenaires sociaux de Groupama se sont par exemple appuyés sur la loi Travail pour inverser l’ordre de consultation des comités d’établissement et du comité central d’entreprise. C’est un détail, mais la loi du 8 août fourmille de ces petites dispositions qui, mises bout à bout, contribuent à fluidifier le dialogue social.

« La loi Travail porte la volonté d’imposer la négociation d’entreprise mais le législateur a également fonctionné de manière empirique en sollicitant les praticiens du droit social afin qu’ils lui remontent les blocages rencontrés sur le terrain, relève Déborah David, avocate associée chez Jeantet. C’est une façon intéressante de procéder. »

Plus important, Stéphane Béal relève un « changement d’attitude des entreprises » à propos de la durée des accords qu’elles négocient. La question ne les intéressait pas vraiment jusqu’à présent car les textes qu’elles signaient continuaient de produire leurs effets quelle que soit la durée décidée par les signataires. Avec la loi Travail, la durée d’un accord et de ses effets devient une variable contrôlable et donc un enjeu de négociation.

Des accords majoritaires difficiles à signer. Comme pour s’en convaincre, les signataires de l’accord d’Orange évoqué plus haut écrivent qu’il « cessera de produire définitivement et irrévocablement ses effets à la date du 31 décembre 2021 ». Les vraies difficultés des entreprises commencent dès qu’elles abordent une des dispositions majeure de la loi : la majorité de validation des accords à 50 % (et non plus 30 %). Depuis le 1er janvier 2017, cette règle s’applique aux accords relatifs au temps de travail et à ceux relatifs à la préservation de l’emploi ; en janvier 2019, elle s’imposera quel que soit le thème traité. Logiquement, les entreprises éprouvent davantage de difficultés à signer à 50 % qu’à 30 %.

Chez Dassault Aviation, un projet de modulation du temps de travail n’a pas pu aboutir pour cette raison. Et lorsqu’elles y parviennent, c’est parfois sur le fil du rasoir, laissant augurer de textes à la légitimité faible [...]

 

Auteur

  • Emmanuel Franck