logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Roumanie : les fruits de la grande grève chez Dacia

Entreprise & Carrières, 2/02/2010 | Dialogue Social | publié le : 04.02.2010 |

Image

Les grèves d’avril 2008 chez Dacia, soutenues par les syndicats français, ont modifié les relations patrons-employés au sein de la filiale de Renault.

 

Vingt-huit pour cent d’augmentation des salaires, soit 98 euros par mois en moyenne : c’est le résultat de la grande grève menée en 2008 par les salariés de Dacia en Roumanie. Quand le mouvement éclate, en mars 2008, sur le site de Pitesti, c’est même une hausse de 50 % que réclament les ouvriers roumains. La Logan est devenue, grâce à eux, "LA voiture démocratique", mais ils se sentent exclus de cette réussite. « Après cinquante ans de communisme, les salariés étaient étrangers à toute velléité de rébellion », explique Dana Gruia-Dufaut, avocate spécialisée dans le droit des affaires franco-roumain.

 

Victime de son succès

Pourtant, le conflit social va durer trois semaines et coûter des millions d’euros de perte pour Dacia, filiale du groupe Renault, actuellement sermonné par le gouvernement pour son projet de délocalisation de production de la Clio en Turquie. « Dacia a, d’une certaine manière, été victime de son succès. Les ouvriers ont voulu calquer leurs revenus sur ceux de leurs voisins européens. Mais tout ne peut pas se faire aussi rapidement, estime, aujourd’hui, Ion Liviu, directeur de la communication.
Ils sont dans la moyenne supérieure des salaires de l’industrie automobile, de l’industrie tout court et de l’économie roumaine en général. » Le salaire moyen plafonne à 350 euros ; ils gagnent, désormais, un peu moins de 400 euros.

 

«Le plus grand restaurant de Roumanie »

Ion Liviu met surtout l’accent sur le transfert des compétences : « En dix ans, nous comptabilisons 5 millions d’heures de formation. » Et il voit l’avenir en grand, avec la création d’un centre de design et d’un autre, d’ingénierie, qui rassemblera 2 000 à 3 000 ingénieurs. L’explication de ces initiatives : « Dacia a réinvesti les bénéfices gagnés. Pour l’instant, les actionnaires n’ont pas touché de dividendes. » Et de mentionner fièrement l’existence sur le site du « plus grand restaurant de Roumanie », la cantine de l’usine, qui fournit gratuitement 12 000 repas par jour, ainsi que « des vestiaires neufs ».

 

Meilleure communication

Avec le succès, le rythme d’assemblage s’est accru pour atteindre 1 340 véhicules par jour, et la direction a institué une communication interne « plus active ». Avec 33 téléviseurs, à tous les points de passage, qui diffusent une chaîne interne, un magazine et un portrait d’ouvrier du mois, impossible pour les salariés d’échapper à l’actualité du groupe.
Une meilleure communication que reconnaît le syndicat BNS, implanté chez Dacia et impliqué dans le mouvement de 2008. « La grève a modifié nos relations avec la direction, et le dialogue social en a été amélioré, informe Dumitru Costin, président du BNS, faisant allusion à la récente collaboration patrons-syndicats pour un programme national anticrise. Nous apprécions aussi les efforts effectués sur les questions de santé et de sécurité au travail pour les ouvriers. »


Solidarité syndicale

Les syndicats français de Renault ne restent pas insensibles à l’action de leurs confrères roumains ; la CGT et la CFDT avaient même organisé une collecte à leur intention en 2008. Au-delà de cette solidarité, ils savent que, dans le grand Monopoly de la recomposition de l’industrie automobile en Europe, l’élévation du niveau de vie, et du coût du travail, dans les pays émergents ne pourra que réduire les écarts de compétitivité.

 

Coup d’accélérateur

« La Logan est fabriquée en Roumanie, mais ça ne serait pas envisageable en Turquie, du point de vue de la rentabilité [où un ouvrier est payé trois fois plus, ndlr], explique Fred Dijoux, le DSC CFDT de Renault. Mais, comme elle est vendue principalement dans les pays émergents, elle n’est pas une menace pour les entrées de gamme Renault, au contraire de la Sandero, qui cannibalise la Twingo, par exemple. » Et pourtant, à l’origine, les Dacia ne devaient même pas être importées en France, avait assuré Louis Schweitzer, alors patron du losange.
Enorme succès low cost du groupe, la Logan a donné « un coup d’accélérateur à Renault. Et, en tant que groupe qui se dit socialement responsable, il a des droits et des devoirs par rapport aux ouvriers roumains », juge Fred Dijoux.

 

Delphine Bauer, à Pitesti

 

A lire aussi…