logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Retraites : Olivier Dussopt sonde les partenaires sociaux sur le rapport du COR

Retraites | publié le : 16.09.2022 | Maxime François

Réforme des retraites et des régimes spéciaux.

Olivier Dussopt convie ce matin les partenaires sociaux à une première rencontre d'analyse sur les prévisions financières du Conseil d’orientation des retraites  alors qu’Emmanuel Macron veut accélérer le tempo de la réforme face à un monde syndicale hostile.

L’exécutif n’a pas renoncé à faire aboutir cette réforme, en partie votée en mars 2020 avant d’être suspendue du fait de la crise sanitaire. La volonté d’Emmanuel Macron qui entend déposer un amendement dès le projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS) provoque un tollé chez les syndicats et jusque dans son camp. Elle court, elle court, la mère de toutes les réformes, mais sera-t-elle cette fois définitivement droit devant nous ? Emmanuel Macron, qui entend déposer un amendement dès le projet de loi finance de la sécurité sociale (PLFSS ; qui doit être présenté en Conseil des ministres le 26 septembre) souhaite voir aboutir la réforme des retraites « dès cet été », au risque de diviser au sein de son propre camp et de brusquer les syndicats, dont 13 ont réaffirmé lors d’une intersyndicale leur opposition sur un dossier qui n’a jamais été aussi brûlant.

Le chef de l’État, qui avait maintes fois prévenu qu’il « n’y aurait pas d’abandon » de son projet de système universel, ne compte pas renoncer au sujet phare censé incarner sa capacité réformatrice. Il a ainsi demandé, lundi dernier, à ses troupes de jouer prestissimo leur partition. Car s’il a déjà obtenu gain de cause pour ce qui est des régimes spéciaux, le chef de l’État n’a pu en revanche faire reculer l’âge légal de départ, toujours officiellement fixé à 62 ans en France. « Ce sur quoi je me suis engagé, c’est de dire qu’on doit progressivement décaler l’âge de départ légal jusqu’à 65 ans à l’horizon 2030 », avait expliqué le président fraichement réélu dans son interview du 14 juillet. L’idée ? Travailler plus longtemps pour avoir une retraite pleine et ainsi résorber les déficits.

Régime temporairement excédentaire

La fuite, opportune, du rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) ce lundi, jour où Emmanuel Macron rencontrait les journalistes de la presse présidentielle pour leur réaffirmer sa volonté « d’aller au bout », tombe à pic. Car le texte débute sur une prévision d'excédent pour le régime de près de 900 millions d’euros alors que le COR, l'an passé, anticipait un déficit de 7 à 9 milliards d’euros. Les choses se gâtent cependant plus loin dans le document. Selon les analyses des experts du Conseil, le système devrait rapidement replonger dans le rouge. « Dès 2023, le solde se dégraderait sensiblement », et dans tous les cas, « le système de retraites serait déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années », prédit l’organisme rattaché à Matignon. Le déficit, s’établirait ainsi entre 7,5 milliards d’euros en 2027 pour grimper entre 12, 5 et 20 milliards à l’horizon 2032.

L’accélération politique de ce chantier, impopulaire, suscite un tollé général et des critiques. Au sein du gouvernement, où plusieurs ministres, dont Élisabeth Borne - ont été mis devant le fait accompli, on s’interroge sur la nécessité de mener aussi rapidement la bataille, rapportait Le Monde jeudi dernier. D’autant que ni les modalités de vote, ni son contenu – report de l’âge légal de départ ou allongement de la durée de cotisation – ne sont officiellement actés.

Mercredi 14 septembre, Élisabeth Borne, qui sans surprise défend auprès de ses ministres une réforme nécessaire pour financer le modèle social, a d’ailleurs écouté les réserves de Stanislas Guerini, délégué général du parti présidentiel et des principaux alliés de Renaissance à l’Assemblée nationale, Edouard Philippe et François Bayrou. Ce dernier, notamment qui s'indigne contre une façon de faire "archaïque". Au sein du camp présidentiel, l'ambiance est tendue. Mardi dernier, la présidente macroniste de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et le chef de file des députés Horizons, Laurent Marcangeli, ont exprimé leur réticence en réunion des dirigeants de la coalition majoritaire. Pour les uns, la méthode d’une réforme par le biais du PLFSS est jugée « d’une brutalité sans nom » ; pour les autres, le moment est inopportun et peut « bien attendre trois mois ».

Chez les syndicats, pas question d’entendre parler de nouveau de cette réforme.

La concertation s’annonce très ardue, d’autant que le rapport du COR est à prendre avec des pincettes tant il est établi à partir d’hypothèses mouvantes -démographie, emploi, croissance. « Soit on se fout sur la gueule, soit on discute », a lancé, comme ultimatum, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a par ailleurs invité Emmanuel Macron à « éviter toute mesure brutale ».Et d'agiter la menace d'une opposition syndicale unie en cas de présentation du texte dès l'automne. D'autant que les prévisions du COR sont loin de convaincre. La CGT dénonce ainsi des hypothèses prévisionnelles « revues sous la pression d’un gouvernement en manque d’argument pour faire passer une nouvelle réforme des retraites rejetée très majoritairement par l’ensemble des Français ». Et d'expliquer par un calcul savant:  « le COR a, en effet, fait le choix de réviser à la baisse ses hypothèses de croissance. Il privilégie dans la pratique un scénario caractérisé à la fois par un taux de croissance très faible (1 % par an), associé à un taux de chômage élevé (7 %). Ce taux de croissance est inférieur à celui retenu par le COR depuis plusieurs années (un scénario central de croissance de la productivité de 1,3 %, avec une fourchette allant de 1 % à 1,8 %, contre 0,7 % à 1,6 % dans les scénarios actuels) », développe le syndicat. Dans un texte publié le 15 avril, Force Ouvrière (FO) poursuit, dénonçant « l’instrumentalisation » du rapport : « La réalité est très loin de la situation alarmante que nous présentent certains commentateurs et les pouvoirs publics, écrit l’organisation syndicale. La part des dépenses de retraites dans le PIB resterait stable ». En résumé:  « les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite », tempête FO.

Face aux réticences de tous bords, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a dû temporiser, jeudi à la sortie du Conseil des ministres : « Les modalités opérationnelles, à commencer par les modalités législatives, ne sont pas à ce jour connues » mais « toutes les pistes sont à l’étude, y compris la piste qui nous conduirait à proposer une réforme à travers le projet de loi de financement de la Sécurité sociale PLFSS », a-t-il affirmé. Une éventualité qui « n’exclurait pas qu’il y ait une concertation large de l’ensemble de la société civile et des partenaires sociaux ». Il peut compter sur le soutien du Medef, qui, après des réserves sur le calendrier et la priorité à donner à cette réforme plutôt qu’à celle de l’assurance-chômage, affiche désormais sa volonté de mener à bien la réforme le plus rapidement possible. 

 

Auteur

  • Maxime François