logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

«Les cadres risquent de particulièrement pâtir de cette réforme» (Jean-François Foucard, CFE-CGC)

Assurance chômage | publié le : 22.11.2022 | Benjamin d'Alguerre

« Avec une durée d’indemnisation réduite de 25%, les cadres, qui tombent au chômage plus tard que les autres catégories, risquent d’être les grands pénalisés de la réforme », juge Jean-François Foucard, secrétaire national emploi-formation de la CFE-CGC.

La réforme de l’assurance-chômage marquée par une modulation de la durée d’indemnisation peut-elle avoir des conséquences particulières pour les cadres?

Jean-François Foucard: Oui. Les cadres risquent de particulièrement pâtir de cette réforme. Il s’avère qu’il s’agit d’une population qui, lorsqu’elle subit le chômage, y tombe plus tard que les autres catégories, aux alentours de la cinquantaine. Dans ces conditions, le retour à l’emploi leur prend davantage de temps, car il exige souvent un changement de carrière – et donc de la formation – et parfois de région géographique, ce qui n’est pas sans conséquences sur la cellule familiale. Contrairement à ce que l’on imagine, les cadres constituent déjà l’une des populations les plus mobiles et la réduction de 25% de la durée d’indemnisation risque d’aggraver les problèmes qu’ils connaissent en matière de changement de métier, voire de vie. Un nombre conséquent de cadres risque donc de devoir solliciter l’allocation de solidarité spécifique de Pôle emploi, qui n’est que de 489 euros par mois, et même le RSA!

Si l’âge est un frein au retour à l’emploi, n’aurait-il pas fallu exclure les seniors des catégories concernées par la réforme, comme d’autres populations l’ont été ?

J-F. F.: Le Gouvernement a eu un réflexe populiste en épargnant des catégories qui peuvent se faire entendre dans la rue, comme les intermittents du spectacle ou les dockers. Mais il existe un risque de rattrapage en 2024, puisqu’il apparaît que cette réforme n’est que le prélude à un grand remaniement de l’Unédic et au passage d’un système assurantiel à un système de solidarité…

Justement, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux à une négociation sur la gouvernance de l’Unédic. Où en êtes-vous?

J-F. F.: Le ministère du Travail doit nous adresser incessamment ses projets en ce sens et sa lettre d’orientation. À ce stade, j’ai du mal à croire que cette négociation puisse aboutir à un accord. Nous n’y étions pas parvenus en 2018 alors que l’État avait réduit les droits des chômeurs à hauteur de 2 milliards d’euros. Il est difficile d’imaginer que l’on y parvienne lorsque cette diminution des droits est passée au double…

Pensez-vous cependant que la réforme aura des effets sur l’atteinte du plein-emploi?

J-F. F.: Ce que je sais, c’est que la réforme va surtout frapper les plus faibles. Le ministre nous explique que les nouvelles règles de l’assurance-chômage inciteront au retour rapide à l’emploi, mais elles vont aussi entraîner, pour ceux qui prennent les premiers emplois se présentant, un retour tout aussi rapide au chômage. Autre conséquence: les mieux qualifiés prendront des emplois inférieurs à leur niveau de qualification, pour ne pas se retrouver sans droits, et les moins qualifiés qui auraient dû postuler à ces emplois resteront bloqués. La notion de « période rouge » et de « période verte » en matière de taux de chômage n’a aucun sens. La seule contracyclicité qui vaille est à observer en matière de cycles économiques, pas de trimestres. C’est ce que les partenaires sociaux faisaient déjà en modifiant les paramètres de l’assurance-chômage tous les six ou neuf ans pour tenir compte de la situation économique globale. Le seul critère pertinent pour juger de la situation de l’emploi aurait été de procéder à une analyse par métiers, et peut-être même bassin d’emploi par bassin d’emploi. Probablement le pourra-t-on un jour avec les développements de l’IA, mais aujourd’hui, l’exercice risquerait de tourner à l’usine à gaz intenable. Au final, c’est une réforme purement adéquationniste que le Gouvernement a menée, et qui n’était en outre pas nécessaire. Si on regarde ce qui se passe au niveau européen, les tensions sur l’emploi en France sont tout à fait normales, sauf pour les secteurs de l’hôtellerie-restauration et de la logistique. Mais dans le premier cas, c’est davantage la question des horaires qui fait fuir les salariés, et dans le second, parce que beaucoup de sociétés de transport en Europe recouraient à des chauffeurs ukrainiens aujourd’hui mobilisés dans la guerre opposant leur pays à la Russie.

Les organisations syndicales se sont prononcées unanimement contre cette réforme. Quelle suite entendez-vous donner?

J-F. F.: Nous sommes en train de regarder d’éventuelles suites juridiques, comme le recours devant le Conseil d’État ou le Conseil Constitutionnel dans le cadre d’une QPC, par exemple.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre