Les différentes mesures de contrôle du marché du CPF mises en place en 2022-2023 ayant réduit de presque 400 millions la dépense de France compétences, l’instauration du reste à charge sur l’usage du compte personnel de formation est « moins urgente », affirme Olivier Dussopt. Mais elle reste cependant une possibilité de régulation à la main des pouvoirs publics.
C’est un petit espoir que le ministre du Travail vient de susciter pour les acteurs de la formation actifs sur le marché du compte personnel de formation. Eux qui vivaient depuis presque un an sous la menace de la mise en place d’un reste à charge pour tout achat de formation par l’intermédiaire du CPF peuvent pousser un « ouf » de soulagement.
La raison ? Jeudi dernier, dans les colonnes de nos confrères de L’Opinion, Olivier Dussopt leur promettait un nouveau sursis dans l’application du ticket modérateur : « Grâce au nettoyage du catalogue des formations, à la lutte contre les fraudes et à la sécurisation du portail d’inscriptions, le CPF devrait finalement coûter un plus de 2 milliards d’euros en 2023, soit 400 millions d’euros de moins que prévu initialement. » Dans ces conditions, la mesure d’économie est jugée « moins urgente ».
Pas d'application dans le PLF 2024
En clair : l’épée de Damoclès restera encore suspendue en l’air pour un temps indéterminé. Car l’annonce du locataire de l’hôtel du Châtelet n’a pour autant rien d’un rétropédalage sur le fond. « Ce que le ministre nous dit, c’est que les textes existent, mais qu’au vu des économies réalisées, ils ne devraient pas être appliqués dans le prochain projet de loi de finances 2024. En revanche, si la trajectoire financière du CPF devait à nouveau sortir des clous, elles pourraient ressortir », décrypte Guillaume le Dieu de Ville, cofondateur de l’organisme de formation en langues Lingueo.
N’empêche. Les organismes de formation vivaient avec cette incertitude depuis maintenant dix mois. Introduit en catimini un soir de décembre 2022 par un amendement au projet de loi de finance de l’année suivante, le reste à charge ambitionnait de permettre à France compétences, plombé par ses dépenses au titre du CPF, de réaliser une économie annuelle de 370 millions d’euros sur l’année 2023. Mais faute de décret d’application idoine et, surtout, d’entente sur le montant de la fraction du prix d’une formation qu’il appartiendrait au consommateur de régler lui-même, le dispositif n’est jamais rentré en vigueur en dépit de quelques petits coups de panique provoqués par quelques « fuites » et autres déclarations malheureuses. La dernière en date en mai dernier, avec l’annonce par Bruno Le Maire de la mise en place d’un reste à charge fixé à 30 % du prix d’une formation. Panique de la profession suivie d’une rapide marche arrière de Bercy.
Un marché plus régulé... et plus difficile d'accès
Il faut dire qu’entretemps, les diverses mesures de régulation du marché mises en place ont produit leur effet. L’interdiction du démarchage par mail ou par téléphone, le renforcement de l’identification numérique par le biais du service France Connect + ou la traque aux organismes de formation bidon menée par les agents de la Caisse des dépôts et consignations ont assaini l’écosystème du CPF. Et entraîné une économie de presque un milliard d’euros pour France compétences, soit « environ l’équivalent des 30 % du reste à charge dont avait menacé Bruno Le Maire », calcule Natanael Wright, patron de Wall Street English et coprésident de la commission des langues de la fédération des Acteurs de la compétence. Un arsenal répressif qui devrait encore s’étoffer dans les semaines à venir avec l’interdiction attendue de faire aux organismes de formation disposant d’une certification Qualiopi (indispensable pour l’accès aux fonds mutualisés de la formation) de sous-traiter leurs prestations à des prestataires non labellisés. La décision est à l’heure actuelle examinée par le Conseil d’État.
L’annonce d’Olivier Dussopt est aujourd’hui bien accueillie. Même si, selon nos sources, aucun arbitrage n’a encore réellement définitivement été tranché entre les ministères du Travail et des Finances. « À ce stade, il y a un ministre qui menace et un autre qui rassure », résume Natanael Wright. Et pendant ce temps-là, le marché du CPF souffre et les consommateurs ont été refroidis par la nouvelle difficulté des conditions d’accès au compte personnel de formation. Ainsi, les données de l’open data de la Caisse des dépôts et consignations révèlent une diminution de 30 % des dossiers de formation professionnelle déposés sur les six premiers mois de l’année 2023 par rapport à la même période en 2022. Une baisse relativement marquée mois après mois, même si elle semble désormais fléchir (- 21 % pour le mois de juin 2023). Pour Guillaume le Dieu de Ville, il n’est plus temps pour les pouvoirs publics de souffler le chaud et le froid, mais d’engager la « phase 2 » du CPF : « Celle de son déploiement dans les entreprises avec coconstruction entre employeurs et salariés ». Car sur ce plan, il y a encore du retard.