La perspective de la mise en place d’un reste à charge sur les achats de formation en passant par le CPF panique le secteur de la formation professionnelle. Le président de la commission des langues de la fédération des Acteurs de la compétence propose une alternative moins punitive.
Pas de ticket modérateur pour le CPF, mais un système de caution sur le même modèle que celui existant dans l’immobilier locatif. C’est, en substance, l’alternative de la commission des langues – celle où siègent les organismes de formation en linguistique – de la fédération des Acteurs de la compétence (l’ancienne Fédération de la formation professionnelle) en guise de parade à l’introduction par le Gouvernement d’un amendement au projet de loi de finances 2023 mettant en place un « reste à charge » pour l’acheteur d’une action de formation au travers de son CPF. En clair: une fraction de la facture finale à régler par le client. Pour l’exécutif, il s'agirait d'un moyen de soulager la trésorerie de France Compétences, l’organisme en charge de la ventilation des fonds de la formation et de l’apprentissage, dont le déficit s’accroît année après année depuis sa création en 2019 et qui contraint l’État à remettre au pot à chaque fois. Pour les professionnels de la formation, en revanche, une catastrophe à venir qui restreindrait un marché s'étant largement ouvert depuis la monétisation du CPF en 2018.
« L’introduction d’un reste à charge serait une hérésie. Les premiers utilisateurs du CPF monétisé sont aujourd’hui les ouvriers et les employés. La mise en place d’un ticket modérateur reviendrait à redonner l’accès à la formation aux seuls cadres supérieurs pouvant se permettre d’en assumer le prix », explique Benoît Jaffeux, dirigeant de Neobridge, un prestataire de formations linguistiques. Du côté des deux grandes fédérations professionnelles – les Acteurs de la compétence et le Synofdes pour les organismes relevant de l’économie sociale et solidaire –, on accepte du bout des lèvres l’idée d’un reste à charge pour « limiter l’achat compulsif », mais dans des limites raisonnables. Pas de reste à charge pour les demandeurs d’emploi, les ouvriers et les employés côté Acteurs de la compétence. Pas de ticket modérateur pour les catégories sociales les moins privilégiées ou ayant recours à leur CPF dans le cadre d’un parcours coconstruit (avec l’employeur, Pôle emploi…) ou du conseil en évolution professionnelle, selon le Synofdes. Et surtout pas à hauteur de 20 à 30% de la facture finale comme l’ont annoncé nos confrères des Echos. Pour les Acteurs de la compétence, le reste à charge ne saurait excéder les 10% du prix final, sauf à vouloir tuer le marché.
Pour Natanael Wright (photo), président de la commission des langues des Acteurs de la compétence et patron de Wall Street English, l’exécutif s’emballe. « On vient seulement de mettre en place un système d’identification électronique sécurisé pour éviter les arnaques, la loi anti-démarchage n’est pas encore votée. Il aurait fallu attendre six mois avant d’aller plus loin », plaide-t-il. Et il suggère la mise en place d’un système de « reste à charge intelligent » pour limiter la casse. Ce système? Proche de celui de la caution locative. En clair, une somme d’argent bloquée grâce à l’empreinte de la carte bancaire du client qui ne serait débitée que si celui-ci ne va pas au bout de sa formation ou du processus de certification. « La Caisse des dépôts et consignations attendrait la réception de l’attestation finale de certification pour donner le "go" au prélèvement. Et la somme ne dépasserait pas le montant du reste à charge. » Une forme d’épée de Damoclès qui ne s’appliquerait qu’aux mauvais élèves qui se sentent déresponsabilisés dans leur achat de formation depuis l’introduction du CPF monétisé. À voir si cette alternative pourrait convaincre le cabinet de Carole Grandjean de revoir sa copie de façon moins punitive pour les OF.