Avant de rétropédaler, Bercy a annoncé la mise en place d’un reste à charge de 30 % sur l’usage du CPF. De son côté, Carole Grandjean annonce que le sujet sera débattu par les partenaires sociaux.
Un coup de stress pour rien ? En annonçant le 9 mai au micro de France Culture la mise en place prochaine d’un reste à charge de 30 % sur l’usage du compte personnel de formation – comprendre : l’acheteur d’une action de formation mobilisant son CPF devra régler de sa poche 30% de la somme –, Bruno Le Maire a provoqué un petit vent de panique chez les organismes de formation. D’autant que les représentants de ces organismes ferraillent pied à pied depuis le mois de janvier avec le cabinet de Carole Grandjean, ministre de l’Enseignement et de la Formation professionnels, pour aboutir à la rédaction d’un décret le moins douloureux possible concernant cet investissement personnel de l’usager à l’achat de formation, acté dans le PLF 2023. Avec pour objectif de soulager la trésorerie de France Compétences, l’organisme en charge de la ventilation des fonds de la formation professionnelle.
Le soir même, Bercy rétropédalait, affirmant que le ministre s’était exprimé un peu trop rapidement. Et du côté du cabinet de Carole Grandjean, on assurait le damage control : « À ce stade, rien n’est arbitré sur la participation financière de l’usager à sa formation. Les concertations seront lancées avec les partenaires sociaux dans le cadre de l’agenda social à venir », avant une décision attendue pour novembre 2023. Ouf de soulagement chez les Acteurs de la compétence, la fédération professionnelle regroupant les grands organismes de formation. Si celle-ci ne s’oppose pas à l’idée d’un « reste à charge », elle milite pour un montant raisonnable – 10 à 15 % de la facture finale – afin de ne pas décourager les candidats à la mobilisation de leur CPF, dont le nombre a déjà chuté de 40 à 50 % après le renforcement de l’identification numérique des acheteurs en 2022. Patron de Wall Street English, Natanael Wright déplore une annonce qui pourrait « dénaturer » le CPF et « priver de son bénéfice les classes les moins favorisées ».
Mais pour les organismes de formation, c’est surtout l’invocation des dérives budgétaires du CPF pour justifier un nouveau serrage de vis qui agace. Si le déficit de France Compétences lié au compte personnel de formation s’élevait effectivement à 3,3 milliards en 2020, les différents coups de rabot successifs de l’année passée – interdiction du démarchage, éjection des certificateurs douteux des bases de données de la Caisse des dépôts, renforcement de l’identification numérique à travers France Connect… – ont ramené le coût annuel du CPF à 1,5 milliard mi-2023. « Pour 26 millions potentiels d’utilisateurs, c’est un bon ratio », estime Natanael Wright. Reste désormais à savoir si ce seuil de 30 % ne ressurgira pas comme proposition du Gouvernement lors de la concertation. Le coup de stress est peut-être surtout un coup de sonde…
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