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Opérations de recrutement : un bilan décevant

Enquête | publié le : 20.04.2010 |

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Opérations de recrutement : un bilan décevant

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Sur le terrain, syndicats, préfets et réseaux consulaires tentent d'agir pour encourager l'embauche des jeunes diplômés de banlieue en organisant diverses opérations de mise en relation. Avec de maigres résultats.

CFDT : Forum pour l'emploi des jeunes des quartiers populaires

11 février 2009. Opération inédite au siège de la CFDT qui organise, pour la première fois, un forum de recrutement dédié aux jeunes issus des quartiers sensibles avec le cabinet APC recrutement, spécialisé dans la promotion de la diversité. « Nous avions notre rôle à jouer pour réparer l'injustice qui pénalise les jeunes diplômés issus de quartiers difficiles, qui ont le plus grand mal à trouver un emploi. Or nos syndicalistes connaissent leur entreprise, sa politique de recrutement et ont accès aux DRH. Nous les avons donc sensibilisés pour qu'ils incitent les entreprises à s'impliquer dans notre opération », explique Anousheh Karvar, secrétaire nationale de la CFDT en charge de la politique de la ville et de la lutte contre les discriminations. Une action qui n'allait pas de soi : « Les DRH ont été surpris de cette démarche émanant de syndicalistes. Mais certains ont accepté de jouer le jeu. »

Sur le terrain, syndicats, organisations professionnelles, associations et collectivités territoriales dressent le même constat : ce qui pénalise avant tout l'emploi des jeunes des banlieues, c'est leur absence de réseau professionnel. D'où des tentatives d'ouvrir localement les portes des entreprises, d'organiser des opérations de prérecrutement. De gros efforts pour peu d'effets...

Dix embauches

Concernant le forum de la CFDT, centré sur les banques et les assurances, 115 CV de jeunes diplômés (bac + 2 à bac + 5) ont été sélectionnés par APC recrutement, en fonction de la localité et des critères de recrutement des entreprises, mais seuls 99 jeunes se sont déplacés pour passer un premier entretien avec de grands groupes comme la Société générale ou Generali. Et sur 163 entretiens réalisés pendant le forum, seules 10 embauches en CDD ou en CDI ont finalement été conclues. Maigre bilan, que la CFDT attribue à la crise financière qui a secoué les banques l'automne dernier. Elle attendra de meilleurs jours pour renouveler l'opération dans d'autres régions.

CCIP : Emplois et Divers'Cité

La crise économique serait-elle seule en cause dans ces semi-échecs ? Pas vraiment. En octobre 2007, dans une situation de l'emploi plutôt porteuse, et alors que les PME des zones urbaines sensibles des Hauts-de-Seine (Nanterre, Colombes, Gennevilliers...) ont d'importants besoins, la chambre de commerce et d'industrie de Paris a, elle aussi, testé un forum baptisé Emplois et Divers'Cité, à La Défense (92), avec la préfecture des Hauts-de-Seine. Le parti pris ? Présenter aux entreprises (des PME locales, mais aussi de grands groupes comme L'Oréal ou Schneider Electric) de jeunes diplômés sortant de leurs critères classiques de recrutements (bac + 3 à bac + 5 littéraire ou en sciences humaines par exemple), dotés d'excellentes capacités d'adaptation.

Speed dating

La formule retenue était celle du speed dating d'un quart d'heure avec des recruteurs. Il s'agissait de permettre à ces jeunes d'accéder à ces personnes, en les préparant en amont à se présenter. Le résultat est, là aussi, décevant. Sur 323 rencontres, 46 candidats ont bénéficié d'entretiens de recrutement dans ces entreprises, pour seulement 8 embauches au final. « C'est peu, admet sans détour Guillaume Malbert, chargé de projets à la chambre de commerce des Hauts-de-Seine. Nous aurions peut-être dû affiner davantage les profils des candidats avec l'ANPE et les missions locales, mais ce sont des projets très lourds à organiser. »

Il n'est pas non plus certain que les entreprises jouent le jeu. « La diversité, ça reste souvent une affaire d'engagement moral, parfois d'image. Il n'est pas sûr que les RH ou les opérationnels acceptent de revoir leurs exigences de recrutement », estime-t-il.

Medef : Nos quartiers ont des talents

Le Medef, lui aussi, s'intéresse à la question, mais sous un angle très différent : celui du parrainage entre cadres d'entreprises et jeunes issus des banlieues, titulaires au minimum d'un bac + 4. L'activité a été confiée à une association émanant du syndicat patronal. Nos quartiers ont des talents a été créé il y a quatre ans à l'initiative de patrons d'entreprises installées à la Plaine Saint-Denis (93). Dans cette banlieue difficile en plein essor, « les entreprises ont compris qu'elles n'avaient pas intérêt à s'enfermer dans une citadelle, mais plutôt à aller chercher leurs futurs cadres dans les banlieues de proximité ; au moins de leur donner leur chance », explique François-Xavier Huard, secrétaire général de l'association.

L'opération, aujourd'hui élargie à toute l'Ile-de-France, mais aussi, depuis peu, à Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées, est simple : via 500 entreprises adhérentes à l'association, un réseau de 1 800 parrains (cadres ou managers volontaires) accompagne un ou deux jeunes diplômés dont le profil correspond à leur métier (cadre marketing, juriste, etc.). Le parrain s'engage «au minimum» à rencontrer le jeune de visu, voire à le suivre régulièrement pour l'aider à adapter son CV et son projet, à se préparer aux entretiens, et pour l'orienter vers d'autres contacts... Si l'association considère qu'elle contribue à accélérer l'insertion (sur les 2 500 jeunes de banlieue parrainés en 2009 en Ile-de-France, 60 % ont trouvé un emploi dans un délai moyen de six mois, mais pas dans l'entreprise de leur parrain), il reste très difficile d'isoler l'impact du parrainage. Un coup de pouce sans doute.

Trouver un parrain

Mais, là aussi, certains problèmes d'organisation demeurent, notamment dans l'adéquation entre le profil du jeune et du parrain. Dans le fichier des candidats envoyés pour moitié par Pôle emploi, « 40 % ont suivi des études de communication ou de marketing, les autres viennent d'écoles de commerce, ou de masters scientifiques. Il n'est pas toujours évident de leur trouver le parrain idoine », avoue François-Xavier Huard. Et, là aussi, tout dépend de la bonne volonté de ces professionnels.

LYDIE COLDERS