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Des débuts encourageants

Enquête | publié le : 22.09.2009 |

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Des débuts encourageants

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Le CV anonyme reste peu utilisé par les entreprises. Celles qui y ont recours font pourtant valoir que sa mise en oeuvre n'est pas si compliquée, pour peu qu'elle soit progressive. La multiplication des testings pourrait inciter les entreprises à s'intéresser davantage à cet outil.

Les entreprises n'accrochent décidément pas avec le CV anonyme. Cet outil, dont l'objet est de faire disparaître tout ou partie des informations sans rapport avec l'exigence des postes à pourvoir, reste marginale, « balbutiant », selon une analyse des sites de recrutement des entreprises du CAC 40, publiée en avril 2009 par l'Observatoire des discriminations du professeur Jean-François Amadieu (université Paris-1). Certaines entreprises « pourraient, à l'évidence, gagner à rendre anonymes les candidatures, compte tenu du niveau important de discrimination constaté au stade du premier tri des CV », relève l'étude. Des testings ont ainsi démontré qu'un candidat aux nom et prénom africains a jusqu'à trois fois moins de chances de recevoir une réponse positive, à CV égal, qu'un candidat au patronyme français.

Une pratique rarissime

Dans la même étude, Jean-François Amadieu relève que quelques rares entreprises pratiquent, « semble-t-il », une anonymisation complète pour tous leurs recrutements : Unibail Rodamco, PSA et Sanofi Aventis. C'est également le cas chez Accor depuis le mois de juillet (lire p. 23). D'autres recourent au CV anonyme pour une partie de leurs recrutements, comme AXA, avec ses commerciaux ; l'assureur a prévu de généraliser cette procédure d'ici à la fin de l'année (lire p. 22).

S'il n'existe pas de recensement des entreprises pratiquant l'anonymisation des candidatures, il est cependant évident que celles-ci n'ont pas d'appétence pour l'outil, sans qu'on sache exactement pourquoi, faute d'études ou de sondages sur la question. Une quarantaine de cabinets de recrutement, regroupés dans une association baptisée A compétences égales, ont, en revanche, été interrogés, au mois de mai, sur ce qu'ils pensent du CV. Une partie d'entre eux estiment - apparemment, seuls deux l'avaient effectivement testé - que cet outil est difficile à mettre en oeuvre techniquement et qu'il coûte cher.

Une mise en place plus simple que prévu

Ce n'est pas ce qu'en retiennent les utilisateurs que nous avons interrogés. AXA souligne qu'il ne lui a pas fallu plus de quelques semaines pour mettre en place l'anonymisation grâce à une application développée en interne. De son côté, Accor fait appel à un prestataire pour 20 000 euros par an (lire p.23). Il en coûte 150 euros au conseil régional d'Aquitaine par tranches de cinq candidatures (lire p. 25).

En fait, les craintes de ces utilisateurs, avant de se lancer, étaient que l'anonymisation des CV n'entraîne une surcharge de travail et une baisse d'attractivité du site de recrutement. A l'arrivée, leurs craintes ne sont pas fondées. Ils n'évoquent pas, non plus, de résistance de la part des recruteurs, qui auraient pu se sentir mis en cause. En revanche, le Leem (Les entreprises du médicament) constate un allongement des délais de traitement (lire p. 24). Le point commun de ces entreprises est d'avoir testé l'outil sur une partie des recrutements avant, éventuellement, de le généraliser.

L'expérimentation du CV anonyme dans des entreprises, proposée au mois de mai par Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances, et dont les résultats sont attendus dans six mois, doit permettre d'identifier les principaux freins techniques à la mise en oeuvre de cet outil. Interrogé par Entreprise & Carrières, ce dernier déclare qu'une cinquantaine de grandes entreprises ont donné leur accord pour participer à cette expérimentation, qui sera officiellement lancée fin septembre (lire p. 26).

Il s'exprime également sur d'autres outils comme la mesure de la diversité (les statistiques ethniques), le testing, les études patronymiques, le Label diversité ; et en faveur d'une loi « assez semblable, mais plus complète » que la proposition de loi, toujours en cours d'examen, déposée en décembre 2008, qui prévoyait, notamment, de prendre en compte la lutte contre les discriminations dans l'attribution de marchés publics, d'inclure cette question dans le bilan social, de renforcer les pouvoirs de la Halde et de rendre publics ses travaux...

Absence des décrets d'application

Rien ne dit, cependant, qu'une fois ces freins identifiés et levés, les entreprises recourront davantage au CV anonyme. Rien ne les y contraint. Une loi a bien été votée, en 2006, qui oblige les entreprises de plus de 50 salariés à utiliser le CV anonyme, mais les décrets d'application n'ont jamais été publiés.

En fait, l'avenir du CV anonyme est peut-être à rechercher dans le développement du testing. Cette technique pour repérer les discriminations consiste à envoyer, à un recruteur, deux CV équivalents sauf sur un point (l'âge, le sexe, l'origine du nom...), et à vérifier s'ils sont traités différemment. SOS Racisme, le Bureau international du travail (BIT), l'Observatoire des discriminations, la Halde y ont recours.

Or, le CV anonyme est un excellent moyen de se prémunir contre le testing dont les résultats, s'ils sont portés à la connaissance du public, comme l'a fait la Halde en juin 2008, peuvent sérieusement écorner l'image de l'entreprise. Un argument qui n'a pas échappé aux éditeurs de solutions d'anonymisation de CV (lire p. 26), ni à ce DRH qui racontait l'anecdote suivante au cours d'un colloque sur le CV anonyme, organisé par IMS Entreprendre pour la cité, en février dernier : « Un candidat nous fait parvenir son CV que nous refusons parce que les candidatures sont fermées. Quelques mois plus tard, raconte-t-il, nous recevons une lettre de la Halde. Le candidat en question avait postulé deux mois après sa première tentative, sous un nom européen. Sa candidature avait été retenue car, à ce moment-là, nous avions besoin de gens. Si nous avions utilisé le CV anonyme, nous aurions été couverts. »

L'essentiel

1 Le CV anonyme a pour ambition - modeste - de supprimer les discriminations au moment de la présélection des candidats.

2 Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux tentent, sans succès pour le moment, d'intéresser les entreprises à cet outil.

3 Le développement du testing pourrait inciter davantage d'entreprises à y recourir.