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Premier bilan pour les cellules d'écoute

Enquête | publié le : 16.09.2008 |

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Premier bilan pour les cellules d'écoute

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En neuf mois, la situation de 54 salariés sur les 166 pris en charge par les cellules d'écoute a été «résolue». Ecartés du dispositif, les syndicats dénoncent une approche individuelle de la souffrance au travail et le manque de transparence dans la composition des cellules.

Changement d'activité, d'équipe ou de lieu de travail, intervention sur l'organisation de travail, dispense d'une nouvelle formation : en neuf mois d'existence, les «cellules d'écoute, de médiation et d'accompagnement» de France Télécom ont «résolu» la situation de 54 salariés sur les 166 pris en charge par le dispositif.

Mises en place en novembre 2007 dans chacune des onze directions territoriales et composées de responsables RH, médecins du travail, assistantes sociales et de deux salariés, ces cellules sont la nouvelle mesure du groupe pour lutter contre la souffrance au travail.

Cinq facteurs

Dans sa structuration, le dispositif a de fortes similitudes avec les «outils de veille et d'enquête» recommandés par les avocats en droit social en matière de prévention du harcèlement moral. Dans près de deux tiers des cas, le dispositif a été saisi à l'initiative du salarié lui-même. Soixante-cinq personnes ont cependant été reçues sur recommandation de leur manager ou du médecin du travail.

Présenté début juillet au CNHSCT, ce premier bilan identifie également cinq facteurs déclenchants du mal-être des salariés. Trois d'entre eux relèvent du vécu quotidien : manque d'autonomie ou isolement, difficultés relationnelles, attitude négative du manager. Les deux derniers sont directement liés à la transformation du groupe et, en particulier, au vaste mouvement de reconversion interne - 10 000 personnes concernées - réalisé ces deux dernières années.

« Les actions de formation à mettre en oeuvre ont parfois été mal évaluées, précise Olivier Barberot, DRH groupe. Il arrive également qu'en dépit d'un accompagnement adéquat, l'adaptation au nouveau poste soit mal vécue par un salarié. »

Pour Fabienne Viala, représentante CGT pour le CNHSCT, ce premier bilan est « une goutte d'eau au regard de la souffrance entraînée par la transformation du groupe ». La représentante pointe également le ratio négatif entre le nombre de personnes impliquées dans les cellules - environ 70 - et le nombre de cas résolus.

Des solutions individuelles

Ecartées de la gestion du dispositif, qui n'a fait l'objet d'aucun accord, les organisations syndicales n'ont, de fait, jamais vu d'un bon oeil la nouvelle mesure. « Il s'agit d'une solution individuelle à un problème collectif, souligne Fabienne Viala. La politique du groupe n'est jamais remise en cause et tout le poids de la solution repose sur le salarié. » Après avoir vu son «Observatoire du stress et des mobilités forcées»*, lancé en juin 2007 avec la CFE-CGC, critiqué par la direction sur le plan méthodologique, le syndicat SUD renvoie l'ascenseur : « Non seulement la nomination des membres participants est entièrement laissée à la discrétion des directeurs territoriaux, mais si, d'aventure, un représentant des salariés est amené à y participer, il se voit prié d'oublier son étiquette syndicale », relève Patrick Ackermann, délégué central adjoint du syndicat, dont les préventions sur la légitimité des membres participants rejoignent largement celles des syndicats confrontés à la mise en place d'un dispositif similaire de lutte contre le harcèlement moral.

Dans le cas de France Télécom, la participation d'un médecin du travail aux cellules d'écoute reste également un point d'achoppement. « La direction a besoin d'eux pour légitimer son dispositif, mais n'ayant pas obtenu l'assentiment du conseil national de l'ordre, elle les appelle à y participer non pas ès qualité, mais à titre personnel », ajoute Fabienne Viala.

L'ordre des médecins fort réservé

Selon la CGT, le conseil national de l'ordre, contacté par la direction elle-même, aurait, en effet, émis de fortes réserves au regard des modalités de mise en oeuvre du dispositif. « L'écoute d'un salarié en détresse est un acte médical », précise un courrier daté du 22 novembre 2007 et dévoilé par le syndicat. Le même avis rappelle qu'en vertu du droit du travail, proposer des mesures individuelles telles que mutation ou transformation du poste au regard de la situation psychique d'un salarié entre déjà dans les fonctions du médecin du travail.

En juillet, 10 cellules d'écoute sur les 11 initialement prévues avaient été activées, l'existence de la onzième ayant justement été remise en cause par la non-adhésion d'un médecin.

Les syndicats craignent, enfin, que le dispositif ne serve, in fine, à soutenir les plans de reconversion interne de la direction : « Avec ces cellules, le salarié en souffrance a toutes les chances de se retrouver face à son gestionnaire RH. Dans le contexte actuel, nous craignons un moyen supplémentaire de contraindre les salariés à accepter des mobilités », souligne Patrick Ackermann.

Au cours du mois de septembre, les directeurs territoriaux sont attendus par le DRH avec des propositions d'amélioration du dispositif. Les organisations syndicales, de leur côté, continuent de réclamer l'ouverture d'un CNHSCT sur les risques psychosociaux et suicidaires. Un septième suicide, depuis le début de l'année, aurait eu lieu cet été.

*<www.observatoiredustressft.org/spip/>

FRANCE TÉLÉCOM

• Secteur : télécommunications.

• Effectifs : 108 000 salariés.

• Chiffre d'affaires 2007 : 26,3 milliards d'euros.

Initiatives locales à Marseille

Outre les cellules d'écoute, des initiatives locales de prévention des risques psycho-sociaux se développent dans les directions territoriales de France Télécom.

C'est le cas dans le Sud-Est. Suite à la fermeture d'un service à Martigues (13) et à la relocalisation de l'équipe, le CHSCT de l'unité d'intervention de Marseille a voulu proposer des actions d'accompagnement. Objectif : réduire les difficultés d'ordre psycho-social engendrées par cette réorganisation.

Avec l'aval de la direction, le soutien de Michel Boulay, psychologue du travail à la Cram Sud-Est, et l'animation de Christine Milani, préventeur de France Télécom, un groupe de travail s'est mis en place, constitué de membres du CHSCT, du médecin du travail, d'une assistante sociale et de deux cadres.

Remontée des difficultés

Ils ont interviewé des salariés de l'entreprise pour faire remonter leurs difficultés, et les ont classées en trois familles. Ainsi, les réorganisations font augmenter la productivité, réduisent et dégradent la relation individuelle, et font évoluer le management vers moins de valeurs humaines et sociales.

Pour y remédier, le groupe de travail a suggéré plusieurs pistes : davantage de tutorat pour les salariés qui changent de métier, des objectifs revus à la baisse lors de la prise d'un nouveau poste, l'instauration de moments conviviaux de type petit-déjeuner, ou encore une formation des managers sur les risques pyscho-sociaux. Selon la direction, ces pistes sont devenues une réalité de terrain. La formation des managers, par exemple, aura lieu en novembre.

MARIE-PIERRE VEGA

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