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Les transports de voyageurs prêts pour le service minimum

Les pratiques | publié le : 29.01.2008 |

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Les transports de voyageurs prêts pour le service minimum

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La loi dite sur le service minimum dans les transports terrestres réguliers de voyageurs est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Elle concerne la SNCF, la RATP et une myriade de transporteurs urbains et interurbains. Pour appliquer cette loi, qui vise à renforcer le dialogue social afin de prévenir les conflits, les entreprises ont dû engager la négociation avec les syndicats.

Elle a été médiatisée comme étant la loi sur le service minimum. Dans son intitulé exact, la loi du 21 août 2007 porte sur «le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs». Répondant à un engagement de campagne du président de la République Nicolas Sarkozy, elle vise à « garantir aux usagers, en cas de grève, un service réduit mais prévisible ». Le dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2008.

D'abord, il impose aux entreprises de conclure un accord-cadre de prévention des conflits. Celui-ci doit organiser la tenue obligatoire de négociations avant tout dépôt d'un préavis de grève, à l'instar du système d'alarme sociale créé à la RATP en 1996, et repris par la SNCF en 2004. Le deuxième volet concerne la définition d'un plan de transport, qui prévoit les conditions de desserte les jours de grève, en termes de fréquence et de personnel nécessaire. Cette partie-là se joue avec les autorités organisatrices de transport, telles que la communauté d'agglomération pour le réseau de bus urbain. Bien sûr, pour prévoir le trafic, les exploitants doivent savoir qui fera grève. La loi impose ainsi aux salariés de se déclarer grévistes 48 heures à l'avance, sous peine de sanctions disciplinaires, et autorise la réaffectation des non-grévistes. Par ailleurs, au-delà de huit jours de grève, une consultation des salariés peut être organisée sur la suite à donner au mouvement, par un vote à bulletin secret.

SNCF

Le volet prévention est réglé depuis la fin de l'année, avec un accord d'entreprise signé par la CFDT, la CFTC, l'Unsa, la FGAAC et la SNCS. Il prévoit huit jours de discussion à compter de la notification d'un préavis de grève, lui-même de cinq jours, soit le maximum prévu par la loi. Depuis 2004, la SNCF est déjà dotée d'une procédure visant à réduire le nombre de conflits, dite de «concertation immédiate». En 2007, elle a recensé 690 demandes de concertation immédiate, dont 40 se sont soldées par une grève. Mais cette procédure n'était pas obligatoire. Résultat : en 2006, 84 % des préavis déposés n'ont pas été précédés d'une concertation.

Risque de radicalisation

Le plan de transport est également bouclé. Une ultime réunion était prévue le 25 janvier avec les fédérations de cheminots, pour tenter de parvenir à un accord signé, même si la loi ne le réclame pas. Le plan prévoit trois niveaux de service, recense les ressources nécessaires à leur exécution et définit les principes et conditions de réaffectation des personnels. « Il y a une limite à l'exercice de la réaffectation, c'est de disposer de conducteurs et d'aiguilleurs non grévistes formés à l'itinéraire et au type de matériel qui lui est associé, tempère-t-on à la direction de la communication. On peut imaginer de former des agents de manière préventive, mais cela a un coût. »

L'obligation de se déclarer gréviste 48 heures à l'avance fait grincer les dents de plus d'un syndicat. La CFDT parle d'une « atteinte au droit de grève », estimant que « chacun a le droit d'attendre la dernière minute de la négociation avant de se décider ». « Il y a un risque de radicalisation, les salariés seront tentés de se déclarer grévistes pour éviter les sanctions, quitte à se décider à travailler au dernier moment. Ce n'est pas comme ça que l'entreprise va améliorer la prévisibilité du trafic », note Dominique Aubry, secrétaire exécutif de la CFDT cheminots.

RATP

Tout est prêt pour appliquer la loi. Le plan de prévisibilité, qui définit le périmètre de personnel concerné par la réalisation du plan de transport et l'affectation des agents non grévistes, a été acté par les syndicats le 4 janvier. Il prévoit, en cas de grève, un service de 50 % ou de 25 % par réseau, et met en conformité avec la loi le dispositif d'alarme sociale. En 2006, il avait été déclenché 580 fois, et l'entreprise avait enregistré 173 préavis de grève, soit le plus bas niveau observé depuis 1990. Avec 0,4 jour de grève par agent et par an, contre une moyenne nationale dans le secteur de 0,8, le dispositif s'est avéré efficace, mais insuffisant, car 70 % des préavis de grève ne sont pas précédés d'une alarme sociale. C'est pourquoi, explique Alain Ternois, président de la CFE-CGC de la RATP, signataire de l'accord, « nous trouvions normal de rendre obligatoire l'alarme sociale. Avant d'arriver à un préavis de grève, il est nécessaire d'en discuter avec l'entreprise ». Autre point positif : « La possibilité pour l'entreprise de faire un «constat de désaccord» pour des sujets qui ne sont pas du ressort même de l'entreprise, comme pour les retraites, par exemple. Ce qui donne la possibilité de faire grève. » Mais, pour la CGT (à l'exception de la CGT maintenance), qui n'a pas signé le texte, « la direction cherche ici à restreindre notre droit de grève. Pour nous, cette alarme sociale ne fait que rallonger la durée de préavis », commente Joël Joseph, secrétaire de la CGT métro/RER.

Transports urbains de province

Un accord de branche sur la prévention des conflits et la prévisibilité a été signé par quatre syndicats (CFDT, CFTC, Unsa et CFE-CGC) et l'UTP (Union des transports publics). Son extension à toutes les entreprises du secteur devrait être prononcée dans les semaines à venir. Le texte définit, notamment, les modes de déclaration préalable des grévistes, les modalités de demande et d'organisation d'une négociation préalable, et celles de révision de l'organisation du travail pour établir un plan de transport.

Observatoire paritaire du dialogue social

L'accord crée, par ailleurs, un « observatoire paritaire du dialogue social et de la négociation collective » et un fonds de financement du dialogue social de branche. « Nous améliorons sensiblement notre dispositif de dialogue social avec un observatoire qui analysera les résultats du dialogue social d'entreprise, les thèmes de négociation, mais aussi les motifs des conflits et leur suivi. Et les délégués syndicaux travaillant dans les différentes commissions de la branche seront désormais rémunérés », explique Bruno Gazeau, délégué général de l'UTP. A cet égard, Patrick Maillier, secrétaire général du syndicat national des transports urbains CFDT, considère l'accord comme « un formidable outil de dialogue social, une pratique jusqu'ici moribonde ». Il salue aussi la possibilité de se déclarer gréviste ou non auprès d'un binôme composé d'un représentant des salariés et d'un représentant de l'employeur, ce qui permettra d'« éviter toute pression », et la limitation des sanctions à un avertissement. Mais, pour la CGT, majoritaire et non signataire, ces « garde-fous ne contrebalancent en rien » un accord qui « ouvre la porte à de nombreuses dérives », allant à l'encontre du droit de grève, « seul moyen pour les salariés de s'opposer au moins-disant social, de plus en plus développé dans notre profession », relève Richard Jaubert, secrétaire fédéral. Plusieurs réseaux ont déjà décliné l'accord de branche dans des accords d'entreprise, comme Troyes, Rennes, Toulouse ou Grenoble. Le mouvement est plus lent du côté des autorités organisatrices. Beaucoup de municipalités sont réticentes à définir des priorités de desserte à quelques semaines des municipales.

Transports interurbains

Aucun accord de branche n'a été trouvé avec les syndicats, qui n'ont pas voulu négocier. Un décret, qui devait être publié la semaine dernière, s'imposera aux 1 500 entreprises et 75 000 salariés de ce secteur. Là aussi, les autorités organisatrices doivent définir leur service prioritaire. Mais l'enjeu est « moindre, selon Gérard Perre, président de la commission sociale de la FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs). Nous sommes un secteur artisanal, sans réelle marge de manoeuvre pour organiser un plan de transport et réaffecter le personnel en cas de grève. Il est impossible de demander à un chauffeur d'assurer une liaison qui se situe à 100 ou 200 km de la sienne. »

La Régie des transports marseillais joue le jeu

Les Marseillais revivront-ils les 46 jours de grève qui ont paralysé la cité phocéenne fin 2005 ? La direction de la Régie des transports marseillais (RTM) espère bien que non. Sans attendre l'accord de branche, elle a élaboré un protocole d'accord de prévention des conflits qui instaure un système de demande de concertation immédiate. Les syndicats devaient encore le signer, mais, dans les faits, il est déjà mis en oeuvre. « On pratique déjà ainsi depuis cet automne. Nous avons traité une dizaine de demandes, qui ont permis d'éviter plusieurs préavis de grève », affirme Josiane Beaud, la nouvelle directrice générale, nommée en mai dernier. « Bien sûr, nous n'éviterons pas tous les conflits, notamment d'ordre politique, mais la création d'un véritable espace de dialogue social permettra d'effacer les blocages qui pourraient dégénérer. »

Un nouveau plan en trois scénarios

Côté plan de transport, un service garanti est déjà inscrit, depuis fin 2006, dans le contrat qui lie la régie à son autorité organisatrice, la communauté urbaine de Marseille. En cas de grève, la RTM doit assurer 30 % du service sur l'ensemble du réseau (bus, métro et tramway), sous peine d'une pénalité financière. Un nouveau plan, en voie d'achèvement, sera bientôt annexé au contrat. Il prévoit trois scénarios, déclinés en fonction du taux de grévistes.

La RTM mettra la loi à profit pour changer de ligne les chauffeurs et même pour affecter à la conduite le personnel technique possédant un permis «transport en commun». « Nous ne recourrons à cette solution qu'en cas de gros blocages », tempère Josiane Beaud. Elle soumettra le volet mise en oeuvre plan de transport à l'avis du CE. S'il le rejette, il reviendra au préfet de le rendre, malgré tout, exécutoire, comme le prévoit la loi.

M.-P. V.

L'essentiel

1 La loi sur le service minimum, entrée en vigueur le 1er janvier, impose aux entreprises de transport de voyageurs de conclure un accord-cadre de prévention des conflits et de définir un plan de transport applicable en cas de grève.

2 Elle prévoit la tenue obligatoire de négociations avant tout dépôt d'un préavis de grève, oblige les salariés à se déclarer grévistes 48 heures à l'avance et autorise la réaffectation des personnels non grévistes.

3 La SNCF et la RATP sont en ordre de marche. Les transports urbains de province ont abouti à un accord de branche, en cours de déclinaison dans les entreprises. Les négociations ont échoué dans le transport interurbain, et un décret va s'imposer.