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« C'est à la société de définir la responsabilité de l'entreprise et non l'inverse »

Enjeux | Plus loin avec | publié le : 29.01.2008 |

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« C'est à la société de définir la responsabilité de l'entreprise et non l'inverse »

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Convaincu que les entreprises ont un rôle à jouer dans le progrès social mondial, Guy Rider, secrétaire général de la jeune Confédération syndicale internationale, se déclare inquiet de la remise en cause du modèle social européen.

E & C : Quel bilan tirez-vous de la première année d'existence de la CSI ?

Guy Rider : La création de la Confédération syndicale internationale répondait, tout d'abord, à une opportunité, car la CISL (Confédération internationale des syndicats libres) et la CMT (Confédération mondiale du travail) ne présentaient plus beaucoup de différences de fond et étaient donc prêtes à fusionner ; puis à une nécessité, car il devenait urgent de fonder un nouveau syndicalisme international, à la hauteur de la mondialisation. Le bilan de cette première année est très positif. Nos organisations affiliées se sont montrées très impliquées ! Et la CSI a immédiatement acquis assez de notoriété pour être reçue et écoutée par les acteurs politiques et sociaux, notamment les instances internationales, les gouvernements et les ONG.

E & C : La CFDT, la CGT-FO, la CFTC et FO se sont affiliées à la CSI. Estimez-vous que leur présence a été positive pour la Confédération... et pour elles-mêmes ?

G. R. : La situation de ces quatre centrales est unique au sein de notre confédération puisqu'elles sont les seules, d'un même pays, à venir des trois grands groupes qui sont à l'origine de la CSI : la CISL (CFDT et CGT-FO), la CMT (CFTC) et les non-affiliés (CGT). Elles ont très bien compris l'intérêt d'un syndicalisme mondial. Elles se sont organisées entre elles : la CFDT et la CGT partagent un siège au bureau de la CSI, tandis que FO conserve son siège à l'OIT. Elles sont très impliquées sur de nombreux dossiers, comme ceux du Zimbabwe ou de la Guinée.

E & C : Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour l'année 2008 ?

G. R. : La CSI doit contribuer à impulser des changements, à créer un modèle alternatif. Nous travaillons pour cela en lien avec les ONG et les partis politiques - tout en restant indépendants, bien sûr. Nous avons, ainsi, déterminé des dossiers prioritaires. Parmi eux, la Chine. Il s'y passe tant de choses ayant des implications non seulement pour les travailleurs locaux mais aussi ailleurs dans le monde, que la CSI a décidé d'explorer les possibilités de dialogue avec les syndicats chinois. Bien sûr, c'est très difficile.

Nous voulons également insister sur les effets énormes que les changements climatiques vont avoir sur l'emploi, et nous souhaitons que les politiques de l'emploi accompagnent, désormais, la lutte pour l'environnement. Par ailleurs, nous tenons à agir pour la protection des droits des travailleurs migrants, les plus vulnérables et les plus exploités. Nous voulons aussi, entre autres sujets importants, développer la présence syndicale dans les zones franches, comme au Nicaragua, où les organisations sont peu ou pas présentes pour le moment.

Pour réaliser ces objectifs, la communication est essentielle. Nous devons démontrer aux militants que ce qui se passe au niveau international a des implications nationales : salaires, conditions de travail, négociation collective. Ces exemples concrets feront comprendre que nous n'avons pas le choix : nous devons être plus solidaires. Nous y gagnerons davantage qu'en considérant que les travailleurs de différents pays sont en concurrence les uns avec les autres.

E & C : Les employeurs peuvent-ils faire progresser les droits des salariés dans le monde ?

G. R. : Ils ont évidemment un rôle à jouer. Mais nous ne croyons pas qu'il revient à l'entreprise de définir sa responsabilité vis-à-vis de la société : c'est, au contraire, à la société de définir la responsabilité de l'entreprise. Bien entendu, nous voulons développer les relations avec les grands groupes. La cinquantaine d'accords-cadres internationaux qui ont été signés à ce jour sont un premier pas vers l'internationalisation des relations sociales. Ils montrent, d'ailleurs, que c'est au niveau des fédérations ou des entreprises elles-mêmes que l'on peut avoir le dialogue le plus clair et le plus concret. Mais, avant de multiplier ce genre d'accords, il serait bon de se pencher sur leur efficacité : sommes-nous en mesure de les faire appliquer ? Dans tous les cas, il est important de développer des habitudes de dialogue à tous les niveaux : par branche, par pays, par région, par entreprise. J'espère que les employeurs verront que nous avons tout à gagner à réaliser ce genre de démarche.

E & C : L'approbation du traité de Lisbonne par les 27, en octobre dernier, vous semble-t-elle une bonne ou une mauvaise chose sur le plan social ?

G. R. : Nous laissons bien sûr à la Confédération européenne des syndicats [CES] le soin de s'exprimer sur le détail du traité. Au niveau de la CSI, nous considérons que le modèle social européen est d'autant plus important qu'il est opposé à celui des Etats-Unis. Il a donc un rayonnement au-delà de nos frontières et représente un exemple à suivre. Or, il est peu à peu remis en cause. De ce point de vue, nous partageons l'inquiétude de la CES.

Son Parcours

• Le Britannique Guy Rider est le premier secrétaire général de la CSI, créée le 1er novembre 2006 (170 millions de travailleurs dans 157 pays). Il était, auparavant, secrétaire général de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL).

• Il a été directeur du cabinet du directeur général de l'OIT. Il a également été secrétaire de la section industrie de la Fédération internationale des employés, techniciens et cadres (aujourd'hui Union Network International) à Genève, après avoir travaillé au sein de la Confédération des syndicats britanniques (Trades Union Congress-TUC).

• Il est intervenu devant l'Association française d'étude des relations du travail (Aferp), le 18 décembre 2007.

Ses Lectures

Mondialisation et progrès social : rôle et portée des normes internationales du travail, par Werner Sengenberger. Rapport téléchargeable sur le site de la Fondation Friedrich Ebert < library.fes.de/pdf-files/iez/04306.pdf >

Private Equity, Hedge Funds and the New Casino Capitalism, rapport de l'International Trade Union Confederation. Téléchargeable sur < ituc-csi.org/IMG/pdf/ITUC_casino.EN.pdf >.