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Les Pratiques

Hémorragie de compétences en Pologne

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 27.06.2006 | François Gault, à Varsovie

Depuis l'ouverture partielle ou totale des marchés de l'emploi européens, les employeurs polonais constatent une hémorragie parmi les salariés les plus formés. Le pays tente de les faire revenir et les salaires montent.

Cela ressemble à un début d'hémorragie : selon le ministère du Travail polonais, depuis 2004 - et l'entrée du pays dans l'Union européenne -, un million de Polonais ont immigré et trouvé des emplois légaux, dont 250 000 en Grande-Bretagne (d'autres y ont trouvé du travail «au noir» permanent). Et l'ouverture totale des marchés du travail finlandais, espagnol, portugais, grec (et limitée pour les marchés belge et français) va provoquer une deuxième vague d'immigration, plus large et plus forte. Selon les experts, elle doit atteindre 2 millions supplémentaires de Polonais, surtout des jeunes. Perspective inquiétante pour les chefs d'entreprise : la Pologne risque d'être privée d'une partie de sa main-d'oeuvre la plus qualifiée.

Plus d'offres que de candidats qualifiés

« Il nous manque 26 000 travailleurs !, constate Rafal Dutkiewicz, le maire de Wroclaw (650 000 habitants). Dans la région, à cause du boom des investissements, il y a, aujourd'hui, plus d'offres que de candidats qualifiés. » De fait, des contrats d'investissements pour 1,5 milliard d'euros sont d'ores et déjà signés, avec, entre autres, Bosh, Volvo, Toyota, Whirlpool... Alors, à l'intention des Polonais immigrés, Wroclaw lance une vaste campagne publicitaire en Grande-Bretagne. Objectif : les attirer pour qu'ils reviennent à Wroclaw. Les affiches géantes sont explicites : « Rentrez, nous avons besoin de vous dans le pays ! A Wroclaw, il y a du travail pour vous ! ».

Marek, chef d'entreprise, explique : « Dans le bâtiment, il manque 4 000 personnes ! Et cela touche tous les secteurs : informatique, finances, charpenterie, maçonnerie, peinture ! » Or, Wroclaw n'est pas une exception : d'autres bassins d'emploi en puissance (Lodz, Szczecin) sont concernés.

Mieux payés ailleurs

Le ministère du Travail annonce la création d'un département des migrations pour faciliter le retour des immigrés. Mais le mouvement d'immigration est-il réversible ? D'autres critiquent : « Crier victoire, comme nos dirigeants, parce que les marchés du travail de l'UE s'ouvrent est choquant ! Le devoir était de prévoir et d'offrir une alternative : partir ou rester ! » Aujourd'hui, à travail égal, les Polonais sont payés quatre à cinq fois plus dans les autres pays de l'UE que chez eux (salaire moyen de 600 euros). Or, les Polonais n'ont pas peur des migrations et savent s'adapter. Cela crée une situation tout à fait nouvelle.

D'une part, les chefs d'entreprise polonais savent, aujourd'hui, qu'ils doivent augmenter sensiblement les salaires pour conserver la main-d'oeuvre qualifiée. « Chez nous, dit encore Marek, la hausse est déjà de 10 % à 15 % par an. » D'autre part, l'urgente nécessité de l'harmonisation sociale rattrape ainsi l'UE. Bruxelles va devoir appuyer sur l'accélérateur.

Auteur

  • François Gault, à Varsovie