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Enquête

Un bilan mitigé pour le CPE local

Enquête | publié le : 23.05.2006 | Cyprien Chetaille, à Bruxelles

Le Contrat premier emploi, qui existe depuis sept ans, fait l'objet d'un jugement mitigé de la part des syndicats comme des entreprises.

Depuis 1999, la Belgique a son CPE. Il s'agit du Contrat premier emploi*, CDD ou CDI, né dans le cadre du «plan Rosetta». Le film éponyme des frères Dardenne, primé à Cannes, venait alors de pointer brutalement les difficultés d'une jeunesse privée d'emploi dans une Wallonie peu à peu désertée par son industrie. Le gouvernement de l'époque a décidé de frapper fort : dès qu'elles comptent plus de 50 salariés, les entreprises se voient contraintes de faire monter le nombre de jeunes de moins de 26 ans, à hauteur de 3 % de leurs effectifs, par le biais de CPE. Objectif : les insérer dans la vie professionnelle au cours des six mois qui suivent la fin de leurs études. En échange, les sociétés bénéficient d'allègements de charges de 1 000 euros par embauché dans ce groupe cible, pour des durées variables selon l'âge des salariés.

Remontée du chômage

Sept ans après l'adoption de ce mécanisme, le bilan est mitigé. Notamment en raison d'une remontée du taux de chômage des jeunes, entre 2001 et 2004. Pour l'ensemble du Royaume, il atteint 22 % en moyenne sur la catégorie des moins de 25 ans. Mais, dans les régions francophones (Wallonie et Bruxelles), il dépasse les 30 %. « Le problème, c'est que l'on ne dispose toujours pas d'éléments d'évaluation de l'impact réel du CPE », regrette Claire Delobel, responsable nationale des Jeunes CSC, la confédération des syndicats chrétiens.

Dispositif peu lisible

L'absence d'un Etat centralisé tend, en effet, à compliquer la mise en oeuvre de telles mesures, et rend plus difficile la collecte statistique. « En outre, le dispositif d'origine a été compliqué par une multitude d'ajouts qui le rendent aujourd'hui peu lisible », relève la syndicaliste. Les «allochtones» (immigrés) ont été inclus dans le système de décompte des 3 %. Et, récemment, un accord paritaire baptisé «pacte de solidarité entre les générations» a ajouté une série de couches aux dispositifs dédiés aux jeunes. Un «bonus de démarrage» est octroyé à ceux qui suivent une formation pratique, sous forme de prime de 500 à 750 euros. Un «bonus de tutorat» est instauré, par le biais d'un dégrèvement fiscal au bénéfice des employeurs qui forment les jeunes peu qualifiés.

Effet d'éviction

Les entreprises ont, elles aussi, un regard hésitant sur le plan Rosetta. « Du point de vue sociétal, ce choix d'encourager l'emploi des jeunes est indéniablement le bon », relève ainsi Michel Gustin, DRH du groupe de fabrique d'armes Herstal, près de Liège. Après une série de plans sociaux, la société a amorcé un ferme redressement. « Mais le CPE crée deux types de problèmes. D'abord, le manque de qualification peut se faire sentir chez les jeunes que nous recrutons afin de tenir nos 3 %, continue Michel Gustin. D'autre part, il ne faut pas se faire d'illusions, cela crée un effet d'éviction à l'autre bout de la chaîne. Aujourd'hui, si un employé qualifié de 40 ans se présente à l'embauche, je suis parfois obligé de dire «non» car il ne fait pas partie des «groupes cibles». »

Les recruteurs affirment, en tout cas, n'être pas demandeurs d'un système d'embauche plus flexible pour les jeunes. « Se donner deux ans pour vérifier l'aptitude d'un nouvel employé, comme le proposait le CPE français, n'a pas de sens, explique le responsable des ressources humaines d'une grande société. Devoir rompre un contrat six mois après une embauche, c'est un échec pour l'employeur. »

Batteries de tests

Au sein de la banque belgo-française Dexia, quatrième employeur du Royaume, on relève que les pratiques d'embauche diffèrent d'un côté à l'autre de la frontière. « Les stages non rémunérés, notamment au cours des études, sont peu courants en Belgique, relève Lutz Nothbaum, de l'équipe mobilité et recrutement chez Dexia. Ils ne constituent pas une voie d'accès privilégiée à l'emploi. Nous préférons mettre en place de puissantes batteries de tests afin d'opérer la juste sélection. » De fait, les contrats temporaires sont également moins utilisés pour les jeunes en Belgique qu'en France : 35 % des moins de 25 ans sont en emploi temporaire outre-Quiévrain, contre plus de la moitié dans l'Hexagone.

* Comme pour les autres contrats, l'employeur n'a officiellement pas à motiver sa décision en cas de licenciement individuel d'un salarié.

Belgique

> Taux de chômage : 22 %.

> Principale mesure : obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d'inclure 3 % de jeunes de moins de 26 ans dans leurs effectifs.

Auteur

  • Cyprien Chetaille, à Bruxelles