logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Un marché en devenir

Enquête | publié le : 17.01.2006 | Emmanuel Franck

La complexité du système AT-MP est à l'origine d'une activité de conseil vivant de la réduction des cotisations des entreprises. Les cabinets qui ont investi ce marché se défendent d'aller à l'encontre des politiques de prévention.

Le conseil en réduction des cotisations AT-MP des entreprises est une activité rentable. Depuis une vingtaine d'années, des cabinets se sont installés sur ce marché de niche. Les trois principaux sont Alma Consulting Group, Lowendal Group et ECS-Expertise en coûts sociaux.

Spécialisés dans la réduction des coûts fonctionnels des entreprises, ces cabinets s'occupent, outre d'optimisation des cotisations AT-MP, d'optimisation des charges sociales et fiscales, de récupération de TVA, d'obtention de crédits d'impôts recherche, et d'optimisation des frais généraux. Regroupés, avec une vingtaine d'autres cabinets, dans un syndicat, le Syncost, depuis novembre 2005, ils affichent une belle croissance de 20 % par an, emploient 2 000 salariés et réalisent un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros.

Leur principale source de revenus est le conseil en tarification AT-MP, à destination des entreprises au «coût réel», c'est-à-dire celles, essentiellement de plus de 200 salariés, dont le montant de la cotisation est calculé en fonction du taux d'accidents des années précédentes. Il représente la moitié des 100 millions d'euros de chiffre d'affaires d'Alma Consulting, et 40 % (12,8 millions d'euros) de celui de Lowendal. Au total, l'activité AT-MP des adhérents du Syncost réaliserait 70 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Complexité du système

Les cabinets disposent d'un argument commercial imparable : l'entreprise cliente ne les paie qu'à partir du moment où elle réalise effectivement une économie sur ses cotisations AT-MP. Le risque est, cependant, réduit pour le cabinet, puisqu'Alma Consulting et Lowendal indiquent que, huit à neuf fois sur dix, leurs interventions débouchent sur une facturation.

Pour parvenir à ce résultat, les cabinets disposent de trois atouts : un certain flou dans la définition d'un accident du travail ; la complexité du système de tarification des AT-MP (Alma Consulting a recensé 400 textes et jurisprudences sur ce sujet depuis janvier 2003) ; et le traitement de masse des dossiers par des caisses d'assurance maladie disposant de peu de moyens. Il en résulte de multiples possibilités de contestation, que les juristes et les médecins des cabinets portent devant les tribunaux. Ces contestations peuvent avoir trait, en amont, à la réalité d'un accident du travail, ou, par la suite, à un taux d'incapacité ou à une erreur de procédure...

Ainsi, pour certains cabinets, une crise cardiaque sur le lieu de travail n'est pas forcément un accident du travail, car le salarié peut avoir des antécédents. « Par erreur, un accident de trajet peut être inscrit au «compte employeur», ce qui a un impact sur la cotisation, quand il devrait apparaître dans la rubrique «minoration de trajet», dont la cotisation est forfaitaire, explique, de son côté, Fabienne Christophe, directrice du pôle social de Lowendal Group. Nous ne touchons pas aux droits des salariés, nous n'intervenons que sur le respect des règles techniques, et non sur le fond du dossier. »

Sommes économisées

Pour les professionnels de ces cabinets, les entreprises clientes ne font ainsi que récupérer leur «juste dû» après avoir trop versé, «par erreur», à l'assurance maladie. De même, ils estiment que la recherche de réduction des cotisations ne va pas à l'encontre d'une politique de prévention. « Les entreprises peuvent investir dans de la prévention les sommes qu'elles ont économisées, grâce à l'optimisation de leurs cotisations AT-MP », déclare Solange Rilos-Letourneur, dirigeante de ECS-Expertise en coûts sociaux, et présidente du Syncost. Fabienne Christophe souligne, quant à elle, qu'elle traite des dossiers sur lesquels « les entreprises ne peuvent, de toute manière, pas intervenir, comme ceux des gros accidents imprévisibles ». Enfin, elle estime que son activité ne porte pas préjudice à la branche AT-MP, dont le déficit - environ 500 millions d'euros en 2005 - s'explique, selon elle, « par un transfert des excédents de la branche vers le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ».

Auteur

  • Emmanuel Franck