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Enquête

La galère à 50 ans

Enquête | publié le : 26.04.2005 | G. L. N.

Ils ont été bons, parfois les meilleurs. Ils se sentent aujourd'hui discriminés dans leur entreprise, par un management plus jeune. Ou se sont retrouvés sur le marché de l'emploi à l'orée de la cinquantaine, avec très peu de chances de récupérer un CDI.

«Mon nouveau directeur a prétexté une faute. J'ai commencé une procédure et on a rapidement négocié sur une enveloppe » : l'histoire de Stéphane est malheureusement banale. Il allait avoir 49 ans quand le fonds de retraite qui l'employait l'a licencié au début de l'année 2002. Il ne sait toujours pas pourquoi. Il accumulait les meilleures performances : 1er sur les fonds actions en 2001, 1er sur les Sicav internationales l'année précédente, toujours au-dessus des indices. Est-ce l'arrivée d'un nouveau patron, moins expérimenté que lui ?

Banale aussi, sa situation, à 52 ans. Il arrivera en fin de droits cet été. Malgré ses résultats, ses lettres de candidature sont restées sans réponse. « Je fais fructifier le petit pactole reçu pour mon licenciement, et je suis plus efficace que les indices, mais il ne me suffira pas pour tenir jusqu'à la retraite », s'inquiète-t-il.

Réduction d'effectifs

Ils sont nombreux dans ce cas. Faites le test : recherchez autour de vous un quinquagénaire au chômage ou qui souffre dans son entreprise. Vous trouverez, à coup sûr. Quelqu'un qui ressemble à Alain, par exemple. Cadre supérieur au siège de Valeo, il a été licencié l'année de ses 50 ans. « A midi, le vendredi de mon entretien préalable, j'étais dans les meilleurs. A 16 heures, j'étais dehors », se souvient-il. Son patron direct avait changé, et le Pdg comptait réduire de 20 % l'effectif du siège. Là encore, une transaction arrachée de haute lutte a permis de faire passer ce licenciement sans cause réelle et sérieuse. C'était en 2001.

Depuis, Alain a trouvé un CDD de six mois en intérim de direction, et quelques missions. Il a abandonné l'idée d'un « job traditionnel » et s'oriente vers l'intérim de direction et le consulting, en direct ou en sous-traitance. Ses droits aux Assedics ont pris fin en février dernier. Mal conseillé par l'administration, il n'a pas pu utiliser son CDD pour les réactiver.

Nouvelle direction

Le dénominateur commun de tous ces licenciements est souvent l'arrivée, à la tête d'un service ou d'une direction, d'un nouveau patron, plutôt «quadra» que quinqua. Il veut imposer son style en faisant table rase du passé, parfois installer son équipe, et il ignore l'expérience des seniors qu'il va diriger. François-Henri, 54 ans, le sait bien, lui qui avait pourtant réussi l'exploit d'être recruté à 50 ans, par une PME de distribution de matériel scientifique. « Je suis entré dans cette entreprise familiale quand la mère la dirigeait, une personne de ma génération, nous avions de bons rapports, indique-t-il. Entre temps, la fille a pris les rênes, c'est une autre gestion. » Son chiffre a baissé avec le départ de plusieurs gros clients de son secteur géographique. Mais il ne comprend pas le choix de la direction : « Mon licenciement et le recrutement d'un jeune moins formé vont coûter plus que mon maintien dans le poste avec réaménagement des secteurs de vente. »

L'éviction des seniors ne répond pas souvent à la raison. Pas plus que leur management. Martine, cadre au service informatique d'un parc de loisirs de la région parisienne, vit ainsi, au quotidien, ce qu'elle appelle une « discrimination larvée ». Des RTT ou des congés difficilement acceptés, des collaborateurs qui affectent de s'adresser aux plus jeunes en entrant dans un bureau. Très déprimée, elle s'est vu proposer un licenciement avec indemnités négociées. Ce qu'elle a écarté. Elle a 53 ans et la réforme Fillon a repoussé son horizon de retraite.

Facilités réglementaires

En revanche, si on peut disposer de facilités réglementaires, mieux vaut accepter. Ainsi, François, cadre en organisation de la production chez un équipementier automobile international, a-t-il payé son refus de quitter l'entreprise. « Un préavis de six mois, plus le maximum d'indemnisation chômage, et je pouvais rejoindre le cadre des «départs amiante», à 54 ans et demi », explique-t-il. Il n'a pas voulu. Destination les «projets spéciaux», un placard. Il en a profité pour se resyndiquer, a été élu délégué du personnel. « On vient de me faire une proposition dans la nouvelle organisation du groupe. C'est qu'avec mon mandat, la direction est un peu coincée, explique-t-il. En restant dans ce semi-placard, j'ai du temps pour aider les autres, c'est intéressant aussi. »

Victimes des fusions

Loïc Scouarnec, président de l'association Harcèlement moral stop, voit les dossiers de harcèlement ou de discrimination de «quinquas» se multiplier. « Ces populations sont les premières victimes des fusions, explique-t-il. Les commerciaux de plus de 50 ans en bavent : changements de secteur, objectifs irréalistes... » Quant aux cas de licenciements pour faute, qui se multiplient aux prud'hommes, il affirme que les quinquas en sont les principales victimes.

« Dans les entreprises, le pouvoir est exercé par des gens de 35 à 45 ans. Mais ils ne sont pas formés pour gérer des salariés plus expérimentés qu'eux », se désole Jean, 61 ans, consultant en organisation bancaire dans une société de conseil internationale. Dans son entreprise, un dossier mature workforce, lancé par la DRH, sur le rôle des seniors, reste coincé dans un tiroir depuis dix-huit mois.

Auteur

  • G. L. N.