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Des accords de méthode en expérimentation

SANS | publié le : 20.04.2004 |

Depuis un an et demi, les entreprises engagées dans une restructuration peuvent légalement expérimenter les accords de méthode. Une centaine d'entre elles ont déjà testé cet outil, utilisé de manière très disparate.

Le 3 janvier 2003, la loi Fillon inscrivait les accords de méthode dans un cadre légal. Elle permettait aux entreprises de signer, jusqu'au 2 juillet 2004 et pour une durée maximale de deux ans, des accords expérimentaux aménageant la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise, dans la perspective d'une restructuration ayant des incidences sur l'emploi. Particularité de ces accords : ils peuvent déroger au Code du travail, notamment sur le calendrier des réunions, à condition qu'ils soient majoritaires.

Au ministère de l'Emploi, on estime qu'une centaine d'accords de ce type ont été signés, essentiellement dans le courant de l'année 2003. « La loi Fillon a entraîné un petit effet de mode, les accords de méthode ont connu un regain de notoriété, et pas mal de propositions allant dans ce sens ont fleuri en 2003. Depuis, on en voit moins », confirme Frédéric Bruggeman, responsable de la cellule restructurations et licenciements de Syndex. Ce cabinet de conseil aux CE a « vu passer une vingtaine d'accords de méthode négociés et signés, et une vingtaine d'autres abandonnés en cours de route ».

« Selon les éléments transmis par les DRTEFP (Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle), il s'agit plutôt d'accords conclus à chaud, signés pour deux ans, surtout dans des grands groupes, mais aussi dans des entreprises moyennes de 300 salariés », indique Jean-Denis Combrexelle, directeur des relations du travail.

Ses services travaillent, actuellement, avec la Direction générale de l'emploi, à l'élaboration d'un bilan. Il doit "prochainement" être soumis à la Commission nationale de la négociation collective, avant d'être présenté au Parlement. « Avant le 4 juillet 2004, date à laquelle se termine la période d'expérimentation prévue dans le cadre de la suspension de la loi de modernisation sociale », précise Jean-Denis Combrexelle.

Accords de contenus

D'après les premiers éléments de ce bilan, il ressort que la majorité des accords ont un double objet : ils organisent la méthode et le calendrier d'information des représentants du personnel sur le projet de licenciement économique collectif en autorisant la discussion conjointe des livres III et IV du Code du travail, et ils détaillent les mesures d'accompagnement que pourrait comporter le futur plan de sauvegarde de l'emploi. « En fait, ces accords qui, selon la loi, avaient vocation à dire comment les partenaires sociaux allaient négocier, ont spontanément changé de nature et sont tout de suite devenus des accords de contenus, des pré-PSE », estime Frédéric Bruggeman. Ainsi, l'accord de méthode, signé, le 3 avril 2003, entre la direction de Vivendi Universal Networks, la CFDT et la CGC, qui, sur 12 pages, détaille les « mesures de mobilité et de reclassement au sein du groupe Vivendi Universal [qui] seraient proposées aux salariés concernés par le projet de licenciement économique ».

Groupes paritaires

Un certain nombre d'accords vont un peu plus loin en se traduisant par la création de groupes paritaires, dont ils définissent la composition, les moyens et la mission. Chez DHL, le groupe de concertation « a vocation à avoir connaissance de tous les futurs projets de la direction ayant une incidence sur l'emploi, et à être associé à la recherche de solutions sociales et économiques », explique Patrice Huart, délégué syndical CFDT de DHL. Avec les autres syndicats, la CFDT a négocié, successivement, un accord de méthode, conclu pour une durée de deux ans, et un PSE, signés tous deux le 11 mars dernier. « Nous avons commencé par nous méfier. Puis nous avons compris que la direction, de peur de faire des faux pas sur le plan juridique, souhaitait sécuriser les procédures et voulait nous associer aux réorganisations à venir. »

Outils de GPEC

C'est à peu près l'esprit qui présidait à la signature d'un accord de méthode, en juin 2003, chez Schneider Electric, qui venait d'annoncer un plan de restructuration devant conduire à la suppression d'un millier d'emplois en France sur deux ans. « Le groupe d'information, de concertation et de négociation, le GICN, avait pour mission de créer des outils pérennes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences visant à préparer l'évolution à long terme de la société dans les années à venir. Il a, ainsi, signé un accord de mobilité individuelle s'appliquant aux 30 filiales du groupe », explique Marc Bochirol, DRH France.

Mais l'ouverture du PSE, en janvier dernier, reste mal acceptée par les syndicats. FO, majoritaire, puis la CFDT ne voient plus l'intérêt de participer au GICN. Du coup, ses travaux ont été suspendus. « Nous nous sommes peut-être mal compris, le lancement en parallèle de la procédure de licenciement collectif a peut-être brouillé le message que nous voulions faire passer. Mais, si cela est possible, nous comptons bien relancer ce groupe qui pourrait travailler sur la politique de formation et sur des outils de gestion des seniors et des fins de carrière. »

Dialogue social

L'accord de méthode de Schneider était l'un des rares à porter sur une gestion prévisionnelle de long terme. « C'était, tout de même, un objectif important du législateur, avec l'idée d'anticiper à froid les futures restructurations et de définir des règles de gestion des emplois et pas seulement des licenciements. De ce point de vue, cette expérimentation n'a pas servi à grand-chose », explique Frédéric Brugemann, qui tire d'autres enseignements : « Cet outil ne possède pas une vraie dynamique en soi. Il n'a d'impact positif que s'il existe déjà un dialogue social de qualité dans l'entreprise et parce qu'il existe un Code du travail par rapport auquel il peut proposer un contenu plus favorable. Chacun y trouve alors son avantage : l'employeur, qui sécurise sa procédure de licenciement, le syndicat, qui l'utilise comme monnaie d'échange contre l'étude d'alternatives économiques et des mesures d'accompagnement social. »

Ce n'est pas toujours l'avis de la CGT, qui a plus souvent que les autres refusé de signer les accords de méthode. « Oui, il est nécessaire de favoriser dans l'entreprise un véritable dialogue social et de mieux informer les syndicats, estime Jacques Tord, conseiller confédéral CGT en charge de l'emploi. Mais les accords de méthode que nous avons décortiqués, chez Valeo, Alcatel ou encore Baccarat, confirment nos craintes : ils peuvent déroger au Code du travail et ils risquent de priver les salariés de tout recours juridique possible. C'est d'ailleurs pour clarifier ces points qu'un bilan est nécessaire. »

La CGT non signataire

Chez Clemessy, la CGT n'a pas apposé sa signature au bas de l'accord de méthode, conclu en juin 2003, dans le cadre d'un plan d'amélioration de la performance économique passant par la mobilité. Elle s'en félicite encore aujourd'hui : « Les CE et les organisations syndicales se voient privés de leurs prérogatives et la direction fait l'économie d'un PSE, estime Patrick N'Go, délégué syndical CGT du site de Mulhouse et secrétaire du comité de groupe. Le groupe de concertation paritaire créé par cet accord n'est qu'une boîte aux lettres qui se borne à enregistrer les sureffectifs. A la fin de l'année, il a signé un accord "gestion, emplois et compétences" qui organise la mobilité interne, a priori sur la base du volontariat. A part qu'en cas de refus, c'est le licenciement individuel, sans ouverture de PSE. La direction a les coudées franches. »

L'avenir des accords de méthode est, aujourd'hui, lié à l'issue de la négociation interprofessionnelle sur le traitement social des restructurations. Si elle échouait, le dernier mot reviendrait au nouveau ministre de l'Emploi Jean-Louis Borloo, en charge, désormais, du projet de loi de mobilisation pour l'emploi initié par son prédécesseur.

L'essentiel

1 Une centaine d'accords de méthode ont été signés dans le courant de l'année 2003, surtout dans des grands groupes, mais aussi dans des entreprises moyennes de 300 salariés.

2 Ces accords répondent à un double objectif : organiser la méthode et le calendrier d'information des représentants du personnel et détailler les mesures d'accompagnement que pourrait comporter le futur PSE.

3 L'avenir des accords de méthode est lié à l'issue de la négociation interprofessionnelle sur le traitement social des restructurations, qui a lieu actuellement.

La loi Fillon, extrait de l'article 2

« A titre expérimental et, le cas échéant, par dérogation aux dispositions des livres III et IV du Code du travail, des accords d'entreprise peuvent fixer les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement pour motif économique d'au moins 10 salariés sur une même période de trente jours. Ces accords peuvent fixer les conditions dans lesquelles le comité d'entreprise est réuni, a la faculté de formuler des propositions alternatives au projet économique à l'origine d'une restructuration ayant une incidence sur l'emploi [...]. Ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles un plan de sauvegarde de l'emploi [...] fait l'objet d'un accord. »