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Controverse sur le "CDI de chantier"

SANS | publié le : 17.02.2004 |

L'accord d'entreprise de juillet 2003 instituant un "contrat de chantier" pour une centaine d'intérimaires du site de STM, à Rousset (13), a été contesté par la CGT. Saisie, l'inspection du travail vient de déclarer ces contrats illégaux.

Un intérimaire qui arrive au terme de dix-huit mois de mission sur l'unité de fabrication 6 pouces (taille des tranches de semi-conducteurs) du site ST Microelectronics de Rousset (13) se voit automatiquement proposer un "CDI de chantier", avec la perspective de travailler jusqu'en décembre 2007, si la production ne passe pas en dessous des 3 000 plaquettes par semaine - la production actuelle étant de 8 000. Ils sont déjà une centaine à avoir accepté cette forme de CDD. Et, sur les 350 intérimaires qui travaillent sur l'unité 6 pouces, la DRH table sur le transfert en "CDI de chantier" de 150 d'entre eux.

Signature d'un accord d'entreprise

La convention collective de la métallurgie, dont dépend STM, ne prévoit pas cette forme de contrat, contrairement à celle du BTP. Pour la mettre en place, un accord d'entreprise a donc été signé, le 17 juillet 2003, par la CFDT, FO, la CFTC et la CGC. « Ce dispositif répond à une problématique spécifique et ne vise pas à faire école au niveau de la convention collective. Nous avons informé l'inspection du travail dès le début des négociations », explique François Suquet, DRH du site de Rousset, qui emploie environ 3 000 personnes, dont 1 500 au niveau de l'unité de fabrication 6 pouces, le reste du personnel travaillant sur la seconde unité de fabrication dévolue aux 8 pouces.

L'objectif de ce "CDI de chantier" consiste, principalement, à pérenniser les emplois des actuels titulaires de CDI "traditionnels", leur permettant de passer de l'unité 6 pouces, qui sera délocalisée d'ici à 2007 dans le Sud-Est asiatique, vers la 8 pouces, qui table sur une augmentation de la production. L'accord prévoit que les personnes en "CDI de chantier" soient prioritaires dès qu'une ouverture de poste en CDI est signalée. Reste que ces ouvertures de poste seront marginales. Pour la plupart des personnes en "CDI de chantier", les licenciements sont actuellement programmés sans motif économique.

Le caractère local et non reproductible de ce dispositif "exploratoire" dans la métallurgie a été intégré dans le texte de l'accord, afin de ne pas voir ce type d'accord se multiplier, sans apporter les mêmes contreparties aux bénéficiaires. « C'est un point que nous avons tenu à verrouiller, en concertation avec notre fédération. Nous avons beaucoup hésité avant de signer », confie Anne-Marie Torregrossa, déléguée FO.

Si son "CDI de chantier" ne se convertit pas en CDI, l'ex-intérimaire peut prétendre à 21 000 euros d'indemnités, en moyenne, ou à la prise en charge de 70 % de son salaire pendant dix mois par le Fongecif, dans le cadre d'une formation. Plébiscite du côté des intérimaires concernés.

Contrats sans existence légale

« Ce contrat est illégal. La direction fait passer pour un chantier un plan de mutation technologique. C'est la porte ouverte à la remise en cause du CDI », avance, de son côté, Pierre Deligny, délégué CGT. Dans un courrier, daté du 20 janvier dernier, l'inspection du travail a signifié qu'en « engageant du personnel, par application d'un accord d'entreprise, au moyen d'un contrat de travail atypique censé être à durée indéterminée, mais contraire aux dispositions du Code du travail qui régissent la rupture de ce type de contrat pour motifs économiques » [...], la direction propose des contrats sans existence légale. Ce courrier précise également que « l'illégalité de ces contrats au regard des dispositions de l'article L.321-12 du Code du travail ne dispense pas l'employeur du respect des procédures relatives aux licenciements pour motifs écono- miques à l'échéance de ces contrats ».

En attendant, ces contrats "atypiques" doivent être considérés comme de véritables CDI, note l'inspection du travail. Cependant, la DRH continue à les faire signer, en escomptant une évolution de la jurisprudence et du cadre juridique en matière de négociation collective, concernant l'inversion de la hiérarchie des normes, d'ici à 2007. En revanche, rien à espérer, d'ici là, du côté du "contrat de mission" proposé par la commission de Virville, qui ne s'appliquait qu'aux experts. « Cet accord est fait pour répondre avant l'heure à une situation transitoire et exceptionnelle sur le site. Cette solution est donc bien différente d'un plan social qui a pour objet de remédier à une situation a posteriori », explique François Suquet, tout en précisant que « la fin des contrats s'effectuera dans le respect de la loi ».

Coût plus avantageux

Une chose est certaine : le coût d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour les 150 "CDI de chantier" concernés serait bien plus important que les modalités de sortie prévues dans l'accord, qui ne propose, notamment, ni mise en place d'une antenne emploi, ni primes à l'embauche, ni aucune aide à la mobilité géographique... Pour Sylvain Niel, avocat en droit du travail au cabinet Fidal, « au moment de l'échéance de l'accord, les salariés seraient en droit d'exiger un plan social ». La CGT entend impulser des démarches individuelles aux prud'hommes ou une procédure de substitution lui permettant d'agir pour le compte de salariés, afin de demander la requalification de ces contrats en CDI, avec plan social à la clé.