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Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 16.02.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Haro sur les experts !

Je tiens à préciser en préambule que je n’ai a priori rien contre les experts. Il ne s’agit pas ici de s’inscrire dans la rengaine populiste du “tous pourris”, de “l’ENA = bêta” ou encore de la moquerie facile contre les experts, qui croient tout savoir depuis leur tour d’ivoire alors qu’ils ne connaissent en fait rien à rien. Si cela peut vous rassurer, je suis moi-même considéré comme un expert et je ne pense pas avoir spécialement un penchant prononcé pour l’autoflagellation.

Ces précautions étant prises, force est de constater que l’expert a plutôt mauvaise presse au sein du grand public. En revanche, il a une meilleure cote auprès des DRH, si l’on en juge la facilité avec laquelle certains d’entre eux sont prêts à ouvrir leur porte-monnaie pour assister à des conférences ou faire appel à tel ou tel consultant renommé.

Alors, a-t-on raison de crier haro sur les experts ? Victor Ottati et ses camarades de recherche ont beau être rattachés aux universités de Loyola et de Notre-Dame, aux États-Unis, leur conclusion est plus claire qu’un discours de jésuites : oui. Ou, plus exactement, oui, les experts ont des travers… mais pas nécessairement ceux que l’on croit !

On pourrait penser que les experts, du fait de leur expérience et de leur connaissance, font preuve d’une certaine intelligence et d’une grande ouverture d’esprit. Or les diverses expériences menées par nos auteurs tendent à prouver le contraire. L’expertise rend paresseux intellectuellement, elle n’engage pas à écouter l’opinion d’autrui et elle débouche sur une certaine fermeture d’esprit. Rien que ça !

On aurait pu espérer que les experts sachent que l’expertise d’aujourd’hui n’est pas forcément celle d’hier et encore moins celle de demain. De même, on aurait pu espérer qu’ils se souviennent, avec Montaigne, qu’expertise en deçà des Pyrénées peut être erreur au-delà. On aurait encore pu souhaiter que, du fait de leur position sociale avantageuse, ils se sentent suffisamment à l’aise et en sécurité pour s’ouvrir aux autres, notamment à leurs contradicteurs.

Malheureusement non. Les experts tendent à camper sur leurs positions et à faire preuve de dogmatisme. Curieusement, ils adoptent ainsi des comportements qui ne sont pas sans rappeler ceux de personnes peu éduquées et en difficulté sociale, qui tentent alors de se rassurer derrière des positions tranchées et le repli sur leurs idées.

Experts et incultes, même combat ? Pas tout à fait. Car Victor Ottati et ses collègues précisent que leurs expériences ne portent pas sur des experts certifiés, mais sur des personnes qui se sentent expertes. La nuance est de taille et a de quoi nous rassurer. Le véritable expert, lui, a sans doute compris, comme Socrate, qu’il ne sait qu’une chose : il ne sait rien.

Bref, méfions-nous de ceux qui se présentent comme des experts. Ils risquent surtout de s’avérer dogmatiques. Mieux vaut se tourner vers ceux qui, malgré leur expérience, doutent toujours de leurs connaissances. À l’image des jolies femmes (ou hommes) qui ignorent leur beauté, rien de mieux qu’un expert qui s’ignore !

Auteur

  • Denis Monneuse