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COMMENT RÉALISER UNE CHARTE DE SERVICE

Les clés | publié le : 14.07.2015 | MARIE-MADELEINE SÈVE

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COMMENT RÉALISER UNE CHARTE DE SERVICE

Crédit photo MARIE-MADELEINE SÈVE

VIE AU TRAVAIL L’efficacité collective dépend pour beaucoup du “savoir-vivre” et de l’intelligence des situations au sein de l’équipe. Au manager de plancher avec ses membres sur des règles de vie en commun. L’occasion de s’expliquer sur les questions qui fâchent ou qui inquiètent tout en favorisant l’autorégulation.

« On te prend pour une pimbêche dans la boîte ! » Un collègue attentif a fini par alerter cette chef de projet que saluer de loin les gens croisés dans les couloirs passait mal. La jeune femme, débauchée d’une société anglo-saxonne, tombait des nues. Elle ignorait que chez son nouvel employeur, l’usage était de faire le tour des “popotes” le matin et de dire bonjour à chacun. Elle s’y est donc pliée pour apaiser les esprits. Le dirigeant aurait eu avantage à instaurer un texte sur les us et coutumes de sa division et à l’en informer. Car les bévues (anodines ou pas) – comme les retards chroniques, les propos abrupts, le manque d’entraide, les jérémiades constantes, les familiarités, etc. – engendrent à la longue malentendus et conflits.

« Les tensions dans une équipe relèvent de différences de culture et de perception du monde. Car, sur le registre des comportements, l’évidence des uns n’est pas l’évidence des autres », analyse Stéphane Félici, coach et formateur chez Orsys. Autrement dit, ça va mieux en le disant… et en l’écrivant. Un adage populaire que le manager devrait faire sien dès que l’entité traverse un bouleversement majeur. Une fusion d’équipes, des recrutements massifs (dans les SSII ou le conseil en 2015) ou des départs en nombre peuvent « modifier de 30 % à 40 % de l’ADN du service », selon l’expression du coach François Enius. L’arrivée d’un gros projet est aussi un moment propice à repenser les façons de travailler ensemble. « Il faut alors que les échanges soient fluides et la coopération sans faille pour obtenir des résultats », précise-t-il.

BILAN DES FORCES ET FAIBLESSES

L’idée est alors pour le n + 1 d’associer toute l’équipe à la réflexion sur une charte de bon fonctionnement, afin que tout le monde s’implique et s’en approprie les règles, comme l’effectuent divers départements d’EDF ou d’Engie (ex-GDF-Suez). Ou l’agence de communication Achak (9 salariés, à Paris), qui vient d’actualiser sa charte, expérimentée depuis 2012 : « Une telle démarche évite les interprétations erronées de discours ou de gestes et responsabilise les gens », observe la fondatrice, Gaëlle Darmouni. L’étape n + 1 consiste à sonder en amont les collaborateurs sur leurs souhaits, avant de dresser tous ensemble un bilan partagé des forces et faiblesses du collectif – du type “do, don’t’” (à faire, à ne pas faire), l’étape n° 2, la plus importante. Une demi-journée à une journée de brainstorming y sera consacrée. Dès lors, tous les sujets doivent être balayés, le mieux étant de procéder par blocs. Par exemple, le bloc réunion (ponctualité, durée…), le bloc communication (e-mails, écoute, courtoisie…), le bloc vie en open space (cigarette, fenêtres, bruit…), le bloc prise de décision (vote, gestion des désaccords…), le bloc coopération (dépannage, reconnaissance…), etc. Et, au cours des débats, il s’agit d’aller loin dans le concret, en s’appuyant sur le vécu des gens pour en déduire de bonnes pratiques. « Le piège serait de rester sur d’excellentes intentions sans savoir ce qu’on met derrière les mots, comme si ceux-ci étaient magiques », observe François Enius.

VALEURS DE L’ENTREPRISE

À Achak, la charte édicte des règles égrainées par chapitres : la politesse, le soutien et la bienveillance, la manière de se parler, le non-gaspillage, le prêt de matériel, etc., avec une note conviviale : l’anniversaire de chacun est fêté. « Nous avons été dans le détail, souligne Gaëlle Darmouni. Par exemple, le collaborateur doit toujours travailler dans l’hypothèse où il ne serait pas là le lendemain afin que le relais soit aisé à prendre. Et il doit réaliser un “document de passation” par dossier avant une absence de plus de trois jours. Chez nous, il n’y a pas non plus de basses tâches, on met tous la main à la pâte. » « La charte peut s’articuler sur les valeurs de l’entreprise, souligne pour sa part Philippe Bazin, coach et associé chez Krauthammer. Ce qui donnera du sens au texte d’équipe. Plus il y a de cohérence, mieux c’est. »

La qualité du service peut être concrétisée par le principe suivant : laisser au maximum trois sonneries de téléphone sans réponse, comme l’a inscrit sur ses tablettes une PME de biotechnologies à Aix-en-Provence. Ainsi, le client (interne, externe) ne restera pas en plan.

Toutefois, il ne suffit pas que le code de bonne conduite soit accepté, encore faut-il le formuler en positif – l’étape n° 3. Pour le coup, la créativité de tous est bienvenue pour mettre en forme et matérialiser la chose : poèmes, table de la loi, maximes, une série de “j’aime, j’aime pas”, abécédaire… inscrits soit sur un fichier Word, soit sur un calendrier, des post-it affichés partout, voire une BD. L’important, c’est qu’il rentre dans les têtes, y compris celle du manager.

LES CONSEILS DU COACH

VALÉRIE NGOM

Dirigeante du cabinet Heliofelis (conseil et formation)

– 1 –

Demander aux salariés de réfléchir aux améliorations souhaitables

L’objectif étant de trouver les règles qui satisfassent tout le monde, avant toute réunion spécifique, le manager a intérêt à évaluer les principaux points de friction dans l’équipe, et à inciter chacun des collaborateurs à lister ce qu’il voudrait, de son côté, voir changer dans le fonctionnement du service, dont le vôtre. Quatre questions les y aideront : que faut-il continuer à faire ? que doit-on faire différemment ? que doit-on arrêter de faire ? que doit-on faire qu’on ne fait pas ?

– 2 –

Aborder le thème de la “critique constructive”

Ce point est capital, car les jugements de valeur sur autrui, y compris de la part du chef, empoisonnent vite le climat au bureau. Qu’ils soient exprimés face à la personne visée ou via des cancans en son absence, leurs effets néfastes ne sont pas toujours perçus et analysés. Votre rôle consiste à trouver le consensus pour faire valoir la bienveillance et l’objectivité. La règle pourrait être : « Avant d’énoncer un point négatif, j’expose deux points positifs. » Et rappelez que si on peut dénigrer une action, une attitude, on ne dénigre jamais une personne.

– 3 –

Actualiser la charte régulièrement

Il faut 21 jours, admet-on, pour modifier un comportement. Un premier bilan collectif sur la bonne application du texte s’impose donc au bout d’un mois. L’équipe décidera de ce qu’il faut réguler, éclaircir ou préciser. Rebelote tous les mois, puis tous les trimestres Mais une fois les nouvelles habitudes rodées, restez vigilant à faire vivre la charte. Le contexte et les outils bougent, la configuration du service aussi. Chaque année, mettez-la à jour, sinon elle deviendra obsolète et/ou on en oubliera les principes.

Auteur

  • MARIE-MADELEINE SÈVE