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La réforme de la formation n’enthousiasme pas les RH

Actualités | publié le : 15.04.2014 | LAURENT GÉRARD

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La réforme de la formation n’enthousiasme pas les RH

Crédit photo LAURENT GÉRARD

Une étude de Cimes et une enquête Cegos affirment que peu de DRH et surtout de responsables formation sont optimistes sur les effets de la réforme de la formation professionnelle. Pourtant, 42 % des salariés disent vouloir utiliser leur compte personnel de formation.

Un doute important sur les chan­ces de succès et une position d’attentis­me. Les conclusions de l’étude réalisée par le cabinet d’externalisation de la formation Cimes et celles de l’enquête menée par l’organisme de formation Cegos, rendues publiques toutes deux le 8 avril, sont concordantes : les DRH et responsables formation (RF) sont très dubitatifs sur les chan­ces de la réforme en cours de « développer les compétences nécessaires à la compétitivité de leur entreprise », et d’« améliorer la capacité des salariés les plus fragiles à se maintenir dans l’emploi ».

Davantage de complexité

Pour ces professionnels, et particulièrement pour les responsables formation qui ont une analyse plus technique, cette réforme exprime de « bons principes, mais qui amèneront cependant à plus de complexité dans la formation en entreprise », « entraînera à terme une diminution de l’effort de formation dans une majorité d’entreprises », et mènera à une « réorientation des priorités de la formation vers les demandeurs d’emploi au détriment des salariés ».

« Seuls 13 % des RF et DRH pensent que la réforme aura un impact positif, constate Bertrand Milas, directeur commercial de Cimes. Les RF et les RH n’ont pas encore tous une vision claire de ses impacts, et des sujets centraux restent largement méconnus à ce stade, notamment l’entretien professionnel et le compte personnel de formation (CPF) dans sa mise en place opérationnelle. Mais il est clair que les RF et les DRH s’attendent à une complexité accrue, alors que la réforme a vocation à simplifier les processus. »

Un modèle économique à trouver

« Ce n’est pas gagné, confirme Jacques Coquerel, Pdg de Cegos. Que ce soit sur la réforme du financement ou la mise en place du compte personnel de formation. Certes, former un maximum de personnes est un objectif louable et on ne peut que le partager. Mais l’optimisme n’est pas de mise vu les résultats de l’étude. Le CPF vient après l’échec du DIF, en partie imputable à une absence d’intérêt des institutions représentatives du personnel sur ce droit : elles ne s’en sont pas emparées et ce n’est pas simple pour le CPF de pousser sur ce terreau. Par ailleurs, le CPF va nécessiter la création d’une offre de formation adaptée à un public qui ne se forme pas et qui n’en ressent pas vraiment le besoin. Il faudra en trouver le modè­le économique. Quant à la suppression du 0,9 % plan de formation, pour l’heure, nos clients n’expriment pas encore trop d’inquiétude sur les impacts de cette disparition. Ils font l’analyse qu’en mesurant les effets qualitatifs de la formation, ils peuvent défendre une vraie logique d’investissement, et que les budgets n’ont pas de raison de baisser. »

Paradoxe : les salariés sont plus optimistes que les professionnels des RH, puisque 67 % d’entre eux (étude Cegos) pensent que la réforme leur permettra de « développer leur capacité à se maintenir dans l’emploi ou à s’adapter à ses évolutions ». Mieux, 42 % déclarent envisager d’utiliser leur CPF pour suivre une formation qualifiante dans les trois prochaines années. Et 70 % de ceux-ci ajoutent même qu’ils sont « prêts à le faire en dehors de leurs temps de travail ».

En réalité, à en croire Mathilde Bourdat, responsable à Cegos des formations s’adressant aux formateurs et aux responsables formation, ce chiffre de 42 % s’affiche en trompe-l’œil, car il agglomère les réponses des salariés formés et de ceux non formés durant les trois dernières années. Or, si 47 % des salariés bénéficiaires de formation sont partants pour utiliser leur CPF, seuls 27 % des non-formés partagent cet avis. C’est dire combien les salariés qui « en auraient le plus besoin » et pour lesquels ce compte a principalement été créé ne sont pas particulièrement motivés par le CPF.

D’où l’analyse des RF et RH esti­mant que ce compte ne va pas changer grand-chose. D’autant plus qu’il est complexe à construi­re et à mettre en œuvre (listes éligibles, suivi par la Caisse des dépôts, multiples abondements possibles…).

Une différence majeure sépare en fait salariés formés et non formés. En déclaratif, ces deux populations affichent les mêmes objectifs et attentes. Mais quand on les questionne sur leur capacité d’investissement personnel, c’est le fossé : 63 % des formés sont prêts à recommencer en dehors du temps de travail, contre 41 % pour les non-habitués à la formation. De même, 42 % des premiers seraient prêts à financer tout ou partie d’une formation choisie, contre seulement 21 % des seconds.

Convaincre les salariés non formés

Les salariés non formés font finalement peu le lien entre formation et sécurisation de l’emploi : la moitié d’entre eux (49 %) affirment encore que ne pas avoir suivi de formation durant trois ans ne compromet nullement leurs chances de promotion sociale, et une bonne majorité (57 %) leur employabilité. Les faire changer de point de vue est un enjeu politique, économique et social fort, on peut le comprendre, mais, via le CPF, ce n’est pas évident.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD