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DROGUES EN MILIEU DE TRAVAIL : LES STRATÉGIES CANADIENNES

Pratiques | International | publié le : 04.02.2014 | LUDOVIC HIRTZMANN

Les employeurs ont mis en place des stratégies de prévention et d’accompagnement pour lutter contre la drogue en milieu de travail. Une nécessité dans un pays où sa consommation demeure élevée.

Fumeur de crack dans son hôtel de ville, le maire de Toronto, Rob Ford, n’a cessé de défrayer la chronique en Amérique du Nord depuis qu’il a avoué être drogué et alcoolique, et ce dans ses fonctions de maire d’une ville de 5 millions d’habitants. Au-delà de l’anecdote, l’affaire Rob Ford est très symbolique. Le Canada a toujours fait preuve d’un certain libéralisme par rapport aux stupéfiants. Les effluves de marijua­na sont fréquentes dans les rues du pays. Bon an mal an, plusieurs études évaluent qu’entre 13 % et 15 % de la population consomme des drogues.

La mesure de la toxicomanie en environnement professionnel est plus difficile. La sociologue Marie-France Maranda, professeure de l’université Laval à Québec, spécialiste des questions de toxicomanie, souligne que la définition des termes englobant les substances illégales est complexe : entre psychotropes, alcool, antidépresseurs et drogues de synthèse, les frontières sont minces.

Deux fois plus d’accidents du travail

Selon le Centre patronal de santé et sécurité du travail du Québec, la prise de drogues entraîne deux à trois fois plus d’accidents de travail chez ses consommateurs que la normale, et « un rendement de 30 % inférieur à la moyenne ». « Le Québec a été un pionnier et a mis en place des pratiques novatrices dans la lutte contre la drogue en milieu de travail », explique Marie-France Maranda. L’un des deux grands syndicats québécois, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), a mis en place des réseaux d’entraide dans les entreprises il y a plus de trente ans. Des salariés sont chargés de détecter leurs collègues en difficulté. Cette surveillance est nécessaire pour aider les salariés concernés et les orienter vers des programmes de désintoxication car, selon la FTQ, seul un tiers des salariés toxicomanes demande de l’aide. Si ces programmes ont permis de réduire la consommation de drogues dans la majorité des secteurs d’activité, les résultats sont plus mitigés dans les domaines du bâtiment, du pétrole ou des mines.

En Alberta par exemple, la région des sables bitumineux de Fort McMurray, où la pétrolière Suncor a ses quartiers, est particulièrement exposée à la consommation de stupéfiants. Les travailleurs des champs pétroliers vivent dans des campements où la drogue circule assez facilement. Suncor compte plus de 14 000 employés. « Depuis 2000, nous avons eu sept accidents du travail mortels, dont trois liés à la consommation de drogue et d’alcool dans la région de Fort McMurray », confie Sneh Seetal, porte-parole de Suncor. Depuis plusieurs années, la société et d’autres compagnies pétrolières ont tout d’abord tenté d’imposer des tests de dépistage de drogue. Elles ont été régulièrement déboutées par la justice. La législation canadienne concernant cette pratique est très restrictive et les salariés concernés peuvent intenter un procès pour atteinte à leur liberté. Les tests de dépistage ne sont permis que dans les cas où le collaborateur a une responsabilité sur la sécurité d’autres personnes, comme dans les compagnies aériennes. L’addiction est d’autre part considérée comme un handicap. L’employeur doit aider son salarié drogué avec des programmes de désintoxication.

Assister les employés toxicomanes

Suncor a mis en place en 2012 une procédure généralisée de lutte contre la toxicomanie. « Notre programme inclut de la prévention, de la formation – pour les contremaîtres – et des dépistages pour ceux qui ont besoin d’aide. Nous avons embauché un consultant externe spécialiste des questions de toxicomanie pour écouter les salariés et leur donner des conseils. S’il le recommande, les cures de désintoxication sont prises en charge par Suncor », souligne Sneh Seetal.

La société pétrolière a aussi conçu un guide à l’attention des contremaîtres pour les aider à détecter les comportements suspects et pour assister les employés toxicomanes. La direction, elle, encourage la délation auprès des supérieurs, une pratique assez courante au Canada. Sneh Seetal juge que, s’il reste encore beaucoup à faire, son entreprise est désormais sur la bonne voie. Entre 2011 et 2012, le nombre d’accidents du travail a diminué notablement, de l’ordre de 19 %.

Auteur

  • LUDOVIC HIRTZMANN