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LE MANAGEMENT DE TRANSITION s’installe dans le paysage

Pratiques | publié le : 17.04.2012 | SABINE GERMAIN

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LE MANAGEMENT DE TRANSITION s’installe dans le paysage

Crédit photo SABINE GERMAIN

Quasi inconnu il y a dix ans, le management de transition enregistre une forte croissance. Il reste toutefois un micromarché de 300 millions d’euros, qui concurrence davantage le conseil que l’intérim ou le recrutement.

L’image du mercenaire appointé quelques mois pour fermer une usine ou mener un plan social leur colle à la peau. « À peine un quart des missions confiées à des managers de transition sont liées à des situations de crise, dément Pierre van den Broek, président de l’Association française du management de transition (AFMDT). Les trois quarts restants s’inscrivent dans des opérations de développement : gestion de projet, introduction en bourse, intégration d’une société, implantation à l’international… »

Autre poncif : tous les managers de transition sont des quinquagénaires qui, après un « accident de carrière », gèrent la pénurie d’emploi séniors en prenant leur destin en main. « C’est vrai, la crise a mis de nombreux cadres séniors sur le carreau, admet Karina Sebti, directrice associée de Robert Walters en charge du management de transition, qui reçoit plus d’une centaine de CV chaque mois. Mais un bon manager de transition choisit cette façon d’exercer son métier par goût, et non par dépit. »

Un vrai métier

« C’est un vrai métier, ajoute Karine Doukhan, directrice associée de la division Robert Half Management Resources. Un bon manager de transition a au moins quinze ans d’expérience dans la compétence technique ou le champ d’activité requis, mais il n’est pas dans une logique de construction de carrière. Il sait qu’à la fin de sa mission, il ne sera pas – sauf exception – embauché. » « Dès lors qu’un manager commence à se projeter dans son poste, je sais que ça va mal se finir », sourit Karina Sebti.

« Un manager de transition n’a ni passé, ni avenir », conclut Patrick Laredo, président de X-PM Transition Partners. Fondé en 2001, ce cabinet est considéré comme l’inventeur du marché français du management de transition. Un marché en forte croissance (entre 20 et 30 % par an), mais encore embryonnaire : « Seulement 300 millions d’euros de chiffre d’affaires, alors qu’en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, il est 10 fois plus important », observe Pierre van den Broek.

Il garde donc un potentiel de croissance important… à condition de mieux affirmer sa vocation et son positionnement. « Le management de transition, ce n’est pas de l’intérim haut de gamme, estime Patrick Laredo. Raisonner ainsi revient à se focaliser sur la “ressource” – c’est-à-dire le manager en transition professionnelle – et non sur le projet – une entreprise en phase de transition. » Les quinze associés de X-PM ne sont pas des agents de placement : « Ce sont des managers chevronnés, reconnus pour leur expérience et leur éthique. Ils conseillent l’entreprise cliente, cadrent clairement la mission, accompagnent le manager de transition et gèrent la phase de retrait, pour s’assurer que les résultats s’inscrivent dans la durée. » Numéro un du marché (14,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011), X-PM se veut un cabinet haut de gamme, avec des missions de haut niveau : implantation à l’international, création d’une usine, restructuration d’une division…

Définir clairement les objectifs et la durée de la mission

Certains cabinets se situent parfois à la charnière de l’intérim, quand ils gèrent le remplacement d’un responsable RH ou d’un chef comptable, par exemple. Mais ils considèrent tous qu’ils ont une véritable mission d’accompagnement de leurs managers de transition. « Nous ne prenons jamais de mandat par téléphone, explique Karine Doukhan. Nous rencontrons systématiquement le client pour cadrer la mission, définir clairement ses objectifs et sa durée. »

Contrairement aux cabinets de conseil, « les managers de transition ont une obligation de moyens et non de résultat, observe Karina Sebti. Mais ils ne se contentent pas de faire du conseil : ils doivent aussi mettre leurs préconisations en œuvre et avoir une approche très opérationnelle. Bref : mettre les mains dans le cambouis ! » Plus que l’intérim, le management de transition concurrence directement le conseil et l’audit. « Disons que nous permettons à nos clients d’avoir un consultant senior à plein temps pour le prix d’un consultant junior », s’amuse Karina Sebti.

Leurs missions durent en moyenne huit mois : jamais moins de trois mois, jusqu’à douze, voire vingt-quatre mois pour les missions les plus complexes. Pour fidéliser les bons managers, les cabinets doivent faire en sorte que leurs missions s’enchaînent et que les périodes d’entre deux contrats soient les plus courtes possibles. Il est néanmoins rare que les managers de transition soient en activité 12 mois sur 12 : la moyenne tourne plutôt autour de six à huit mois par an. « Le management de transition est plus rémunérateur que le salariat, commente Karine Doukhan. Mais il faut être capable de gérer les périodes d’inter-contrats. »

De fait, la plupart des managers expérimentés sont référencés par au moins quatre ou cinq cabinets.

Élargir son horizon

Selon les statistiques de l’AFMDT, ils sont rémunérés en moyenne 1 253 euros par jour en honoraires (lire l’encadré p. 12). Charges diverses déduites, cela représente 20 % à 30 % de plus qu’un manager salarié de niveau équivalent. Mais avec un niveau de risque et de responsabilité nettement plus élevé. « Les cadres frustrés, qui ont le sentiment de stagner dans une entreprise ne leur offrant pas assez de perspectives d’évolution, peuvent faire rebondir leur carrière et élargir leur horizon grâce au management de transition », observe Karina Sebti.

Cette stratégie est toutefois risquée si le cadre en question n’a pas d’éléments de différenciation : « Les entreprises françaises vont chercher leur croissance sur les marchés émergents, observe Patrick Laredo. 30 % de nos missions sont donc à l’international, en Inde, en Russie ou au Brésil notamment. » Parler russe ou portugais, avoir déjà travaillé à l’international ou géré des opérations de fusion ou d’acquisition, maîtriser le lean management ou la méthode Six Sigma sont incontestablement des « plus », qui permettent aux managers de transition d’enchaîner les missions.

Dans de grands groupes aussi bien que dans des PME : « Toutes les entreprises, quelles que soient leur taille et leur activité, peuvent, au cours de leur cycle de vie, être confrontées à des situations relevant du management de transition », estime Karina Sebti. Certains secteurs d’activité restent toutefois réticents : la banque et l’assurance, par exemple, continuent à privilégier les cabinets de conseil. Question de culture…

L’ESSENTIEL

1 Le management de transition est encore embryonnaire mais en forte croissance. Les missions se développent notamment dans les pays émergents.

2 Le manager de transition est avant tout un professionnel expérimenté qui n’intervient pas toujours en situation de crise.

3 Aux confins du conseil et de l’audit, le management de transition nécessite des profils d’expertise. Le manager doit mettre en œuvre ce qu’il préconise.

UN MARCHÉ EN FORTE CROISSANCE

Chiffre d’affaires 2011 : 300 millions d’euros (+ 22 % par rapport à 2010).

Activité 2011 : 1 500 missions (+ 9 % par rapport à 2010).

Prix moyen facturé : 1 253 euros HT par jour (+ 14 % par rapport à 2010).

Cabinets de placement : 20.

Durée moyenne des missions : 8 mois.

Source : Association française du management de transition (AFMDT).

Pas de contrat de travail

Les managers de transition ne sont pas liés par un contrat de travail. Dans la plupart des cas, ils créent leur société (une EURL) et facturent des honoraires au cabinet de placement ou à l’entreprise cliente. Ils doivent donc gérer eux-mêmes les obligations comptables inhérentes à la gestion de leur société et financer leur protection sociale.

D’autres formules sont possibles : le contrat de travail temporaire, le portage salarial ou le recrutement en CDI par un cabinet spécialisé. Elles posent toutefois la question du lien de subordination : « Le portage salarial est envisageable pour une mission de conseil ou d’audit, explique Pierre van den Broek, président de l’Association française du management de transition (AFMDT). Mais il exclut toute activité opérationnelle, car le collaborateur en portage ne peut avoir aucun lien de subordination avec l’entreprise qui l’emploie. Sinon, l’employeur peut être poursuivi au pénal pour prêt de main-d’œuvre ou marchandage. »

Le flou juridique dans lequel baigne le management transitionnel représente incontestablement un frein à son développement.

Auteur

  • SABINE GERMAIN