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Pour une réforme du régime de consultation du comité d’entreprise

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 13.03.2012 |

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Pour une réforme du régime de consultation du comité d’entreprise

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On le sait : il faut CONSULTER. Consulter le, ou les, comité(s) sur tout, ou presque, consulter avant toute décision. Consulter sous peine de tomber sous le coup d’un délit d’entrave. Cette obligation “attrape-tout” fait courir des risques croissants à l’entreprise et à ses représentants, tant les notions qu’elle recouvre sont floues. À cela s’ajoute une interprétation extensive de la jurisprudence et une instrumentalisation par certains comités d’entreprise qui n’hésitent plus à voter des “délits d’entrave” à tout bout de champ, pour masquer ce qui ne peut être qu’un simple désaccord sur un projet, ou sur une mesure accessoire mise en œuvre sans consultation préalable. Sans compter que certains projets, informatiques par exemple, prennent un retard considérable en raison des lenteurs du processus de consultation.

Ainsi, « les décisions de l’employeur sont précédées de la consultation du comité d’entreprise », sauf en matière d’OPA (C. trav., L. 2323-2). Ce texte, remarquable de concision, fait frémir, tant la notion de “décision” semble large. Et c’est bien ainsi que la jurisprudence l’entend. Prenons IBM, par exemple, qui avait cru pouvoir mettre en œuvre, sans consultation préalable, un projet qui concernait 6 personnes sur les 11 500 que compte la société, pour une mission temporaire reposant sur le volontariat et n’emportant ni modification ni rupture du contrat de travail. Erreur, puisque la chambre criminelle confirme le délit d’entrave au motif que le projet avait pour but de modifier l’organisation du service marketing, lequel jouait « un rôle nécessairement important dans cette entreprise commerciale ».

Dans les opérations d’acquisition internationales, cette l’obligation de consultation bien française oblige l’acquéreur et le cédant à tenir compte de cette “exception culturelle” d’un genre particulier. Ainsi, il n’est pas rare que, dans des opérations portant sur de très nombreux pays dans le monde, un contrat soit signé pour tous les pays, sauf la France pour laquelle l’acheteur ne peut que faire une offre en attendant que le CE de la société-cible soit consulté, au risque de remettre en cause tout l’équilibre de l’opération. L’expérience EDF-GDF est à cet égard caractéristique puisque les opérations de consultation combinées des CE français et du comité d’entreprise européen ont retardé l’opération au prix d’une guerre judiciaire qui restera dans les annales, la Cour de cassation décidant au passage que l’avis devait être rendu AVANT la tenue du conseil d’administration devant arrêter le projet de fusion.

Pire encore, la consultation s’impose même lorsque le projet ou la décision n’est pas arrêtée en France mais au niveau du groupe, ou même par un tiers. Les dirigeants de Marks and Spencer, condamnés pour délit d’entrave en raison de l’annonce de la fermeture des magasins français par la direction anglaise du groupe, après sept années de procédure, en ont fait la douloureuse expérience. De même, il est jugé que la consultation est obligatoire, même lorsque les modifications économiques et juridiques envisagées sont la conséquence de dispositions légales, parfaitement indépendantes de la volonté de l’employeur !

Malheureusement, il est peu probable que le pouvoir politique ose s’engager dans une réforme sur un sujet aussi sensible. Pourtant, un texte aux contours clairs, tant sur les délais et modes de la consultation que sur son objet, permettrait de réinstaurer la sécurité juridique nécessaire tant à la vie des affaires qu’à un dialogue social de qualité.

Nous appelons de nos vœux une nécessaire clarification qui, si elle ne vient pas du législateur lui-même, pourrait bien être décidée par le Conseil constitutionnel, si une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) venait à être accueillie sur ce thème.

Stéphanie Stein est avocate à la Cour, vice-présidente d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.