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Quand le travail temporaire devient permanent

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 08.11.2011 | CHRISTIAN ROBISCHON

Une agence d’intérim hébergée dans l’enceinte même d’une usine pour pourvoir à des besoins réguliers et massifs de contrats temporaires : Randstad décline ce concept depuis dix ans, désormais dans cent sites en France. La réduction de la frontière entre la permanence et le temporaire fait débat.

Entreprise d’aéronautique à Besançon, ECE abrite depuis quelques mois la 100e agence hébergée de Randstad France. Le groupe néerlandais d’intérim a commencé voici dix ans à appliquer dans l’Hexagone ce concept, qui consiste à installer une agence à demeure, dans l’enceinte même d’une usine qui recourt de manière régulière et massive au travail temporaire – il fixe le plancher à 60 équivalents temps plein, correspondant au point d’équilibre économique. Cette offre “inhouse” se distingue ainsi de l’implant, qui dédie également un ou quelques conseillers à un client unique, mais en les laissant installés dans les locaux d’une agence classique. Les cent agences RIS (Randstad Inhouse Services) accompagnent désormais près de 9 000 intérimaires, essentiellement des opérateurs de l’industrie (automobile, agroalimentaire…) et de la logistique.

Information plus accessible

À ECE, filiale de Zodiac Aerospace, l’agence hébergée suit actuellement 90 intérimaires : « Ce concept de proximité nous a semblé pertinent pour stabiliser voire diminuer le turnover, ce qui se confirme au bout de quelques mois. En outre, pour le salarié, il rend l’information plus accessible, puisqu’apportée sur le lieu de travail, sur toutes les questions sociales spécifiques à son statut : rémunération, prévoyance, prestations – logement, prêt… Le conseiller RIS devient de fait le RH de nos intérimaires », relève Didier Cote, directeur de ce site de 150 salariés permanents.

Une recherche de profils très ciblés

Utilisateur depuis un an, un ensemble de quatre sites logistiques de DHL dans l’Essonne attendait en priorité une amélioration de la qualité du recrutement, qu’il considérait comme un point faible de la prestation classique d’intérim : « Après trois à quatre mois de rodage, cet objectif est en passe d’être atteint. Connaissant nos besoins, associée à l’élaboration de la fiche de poste, l’équipe de RIS sait trouver les profils très ciblés des préparateurs de commandes que nous recherchons.Ses candidats connaissent le métier et ses conditions d’exercice. Du coup, l’intégration s’accélère, elle requiert moins de formation, l’absentéisme et le turnover baissent », affirme Philippe Vidal, directeur de ces sites.

Pour les 100 agences hébergées, Randstad France signale une réduction de moitié du turn-over et une baisse de 30 % de l’absentéisme, qu’il attribue notamment à la connaissance de l’entreprise “de l’intérieur” : « Présente en permanence sur place, l’équipe “inhouse” s’approprie le fonctionnement quotidien de l’établissement, son ambiance, ses codes non écrits. Elle saura que, selon son profil, tel candidat a de meilleures chances de s’intégrer dans telle équipe plutôt que dans telle autre, pour un tas de raisons qu’on n’identifie pas de l’extérieur », souligne Hélène Perrot, directrice clientèle Grand-Est.

Source de polyvalence

Autre constat que dresse le prestataire : les missions sont plus longues (quatorze semaines au lieu de sept en moyenne), et elles font souvent se succéder plusieurs postes différents, source de polyvalence. En fin de mission (s), l’intérimaire repart en agence classique, muni d’un “passeport compétences”… ou il intègre définitivement l’entreprise. Selon Randstad France, les employeurs opèrent 90 % de leurs recrutements en CDI parmi les effectifs de l’agence “inhouse”.

Le ratio est à peu près vérifié dans une grosse entreprise agroalimentaire d’Alsace : 12 “inhouse” parmi les 15 embauches des derniers mois, à l’issue de missions de plusieurs mois générées surtout par le besoin de remplacer des permanents partis en formation ou en détachement de longue durée. Selon le RRH, la formule donne plus de chances d’embauche définitive à des publics tels que les jeunes sans expérience, les non-qualifiés dans le métier et les seniors, car elle permet de faire ses preuves au préalable pendant longtemps. Dans cette entreprise à la communication particulièrement cadrée, le propos est abondé par le témoignage d’un cariste de 52 ans, recruté en intérim et passé en CDI au bout des dix-huit mois de mission, alors qu’il ne s’y attendait pas. L’agence hébergée n’exclut pas de recourir en complément à l’intérim classique : celui-ci accompagne par exemple 30 autres intérimaires chez ECE.

Frontière floue

Seul à développer l’agence “inhouse” en France, Randstad en estime le potentiel à 100 000 salariés. Sous réserve d’acceptation générale. Car une telle offre rend un peu moins épaisse encore la frontière entre intérim et salariés titulaires, et les syndicats sont les premiers à s’interroger sur son impact : « C’est officialiser la permanence du travail temporaire, deux termes contradictoires », estime Bruno Lemerle, délégué CGT à PSA. Le constructeur n’a pas adopté le concept. « Nous ne le tolérerions pas. L’intérim a sa justification, mais jusqu’à un certain point : pas plus de 10 % de l’effectif selon nous, et pas pour bloquer l’embauche en CDI. Un tel dispositif le pousse très loin », appuie Christian Lafaye, délégué central FO. L’innovation de Randstad pose, en termes renouvelés, la question de l’équilibre entre travail temporaire et permanent.

Auteur

  • CHRISTIAN ROBISCHON