E & C : Notre sondage révèle une préoccupation forte des DRH sur les questions d'attraction et de fidélisation des salariés. Ce résultat vous surprend-il ?
F. D. : Dans un contexte social très marqué par des sujets tels que le stress professionnel, les risques psychosociaux ou les suicides de salariés, l'importance de cette thématique d'apparence relativement traditionnelle peut sans doute surprendre. Les DRH seraient-ils insensibles à l'actualité ? Pour moi, ce décalage n'est toutefois qu'apparent. Cette préoccupation traduit en fait leur conscience d'une crise de légitimité de l'entreprise et leur crainte de ne pas parvenir à préserver la motivation et l'énergie des salariés sur le long terme.
E & C : Quelles actions préconisez-vous pour limiter la perte d'attractivité de l'entreprise ?
F. D. : Il me paraît prioritaire de remettre à plat l'organisation du travail. Dans leur volonté d'accroître sans cesse leur productivité, les entreprises ont poussé leurs exigences jusqu'à un seuil intolérable. L'individualisation aboutit notamment à ériger comme nouvelle norme les standards des salariés ultra-compétents, ultra-disponibles et ultra-dévoués. En dépit d'efforts récents pour réconcilier vie professionnelle et vie privée, les entreprises françaises ont encore de gros progrès à faire sur les questions de temps partagé ou de carrières «en pointillé».
Repenser l'organisation du travail leur permettrait pourtant de regagner en attractivité aux yeux de ceux qui n'entendent ni tout sacrifier à leur vie professionnelle, ni renoncer à toute ambition en matière de développement professionnel. Une évolution essentielle dans cette perspective serait alors d'accorder plus d'attention au contenu du travail. On a trop longtemps considéré qu'il suffisait de fixer des objectifs pour que les salariés se débrouillent par la suite, quels que soient les moyens dont ils disposent. Or, les DRH ne pourront prétendre redonner du sens au travail s'ils ne savent pas à quoi ressemble concrètement le quotidien des salariés qu'ils gèrent.
