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"N’est-il pas temps de remettre clairement en question la stratégie qui a présidé la création de l’Épic Afpa ?" (André Thomas, CFE-CGC)

Formation | publié le : 31.10.2023 | Benjamin d'Alguerre

"N’est-il pas temps de remettre clairement en question la stratégie qui a présidé la création de l’Épic Afpa ?" (André Thomas, CFE-CGC)

"N’est-il pas temps de remettre clairement en question la stratégie qui a présidé la création de l’Épic Afpa ?" (André Thomas, CFE-CGC)

Crédit photo DR

Une situation économique difficile, une dette domaniale qui se creuse, des NAO 2024 décevante… 2023 semble, conformément aux annonces de sa directrice générale fin septembre dernier, constituer une année particulièrement difficile pour l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes. Pour la CFE-CGC, premier syndicat chez l’opérateur, il est temps de réinterroger le modèle de l’Agence établi en 2017.

Le 26 septembre dernier, la directrice de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), Pascale d’Artois, publiait une vidéo dans laquelle elle annonçait aux salariés de l’établissement public à caractère industriel et commercial (Épic) que l’année 2023 allait être particulièrement mauvaise. Comment l’annonce a-t-elle été reçue par ceux-ci ?

André Thomas : Au vu des nombreux retours que j’en ai, je suis persuadé que cette annonce a refroidi l’optimisme des salariés pour l’avenir de l’Afpa. Lorsque la direction nous explique que les difficultés de l’Agence sont conjoncturelles, il y a de quoi être circonspect ! On voudrait nous faire croire que les problèmes de l’Afpa sont la cause du coût de l’énergie qui ont triplé, passant de 20à 60 millions d’euros cette année, et à de moindres inscriptions de demandeurs d’emploi en formation du fait de la bonne situation de l’emploi. Mais dans ce cas, comment expliquer que les résultats financiers soient en baisse depuis 2017, date de création de l’Épic ? Ce sont pourtant bien les difficultés financières de l’Agence qui, à l’époque, avaient justifié le PSE qui a été mis en place à partir de 2018 ! En 2017, le chiffre d’affaires de l’Afpa était de 727 millions. Il devrait être à 640 millions cette année si l’on en croit les chiffres de la direction, et ce, avec des effectifs amputés de 1 200 salariés par le PSE. N’est-il pas temps de remettre clairement en question la stratégie qui a présidé la création de l’Épic il y aura bientôt sept ans ? Je ne vois pas comment la direction générale pourrait faire redémarrer l’Agence dans ces conditions…

La dette domaniale pèse-t-elle toujours autant dans les comptes de l’Afpa malgré la cession d’environ 2 millions de m2 depuis 2017 ?

A. T. : Fin 2022, cette dette représentait 177,4 millions d’euros et 241,1 millions d’emprunts obligatoires. L’étude réalisée en 2023 par un cabinet d’expertise estimait à 840 millions la rénovation du parc de l’Afpa ! Avec la stratégie actuelle, jamais ces dettes ne seront remboursées, à moins de geler les salaires à nouveau durant 15 ans, de passer tout l’effectif au Smic et de vendre la moitié des bâtiments. Alors, certes, l’augmentation des coûts de l’énergie a dû jouer, mais franchement à la marge. En outre, les deux millions de m2 déjà vendus ces dernières années n’ont pas contribué à redresser les comptes de l’Afpa, alors pourquoi en céder davantage le permettrait ?

Comment se sont déroulées les NAO 2024 ? Celles de l’année précédente avaient déçu les organisations syndicales du fait de la faible augmentation des salaires…

A. T. : La dernière séance de négociation a eu lieu le 10 octobre et aucune organisation syndicale n’a signé le projet d’accord. La direction a donc mis en place une augmentation de l’appointement individuel de base (AIB) de 2 % à compter du mois de juillet dernier. Ce qui fait qu’en réalité, elle ne représentera qu’une hausse de 1 % sur l’année. Et encore, pas complètement, puisque cette augmentation ne vaut que sur la partie fixe des salaires – beaucoup de salariés de l’Afpa disposent d’un variable (généralement égal à un tiers de la rémunération totale) – soit au total une augmentation de 0,65 %si l’on fait le calcul exact… À cela se rajoutent quelques bonus, comme une prime de partage de la valeur de 400 euros et quelques autres gratifications (revalorisation de l’indemnité télétravail, de l’indemnisation des frais de déplacement, etc.). Rien qui ne compense vraiment les sacrifices exigés des salariés ces douze dernières années ! La seule victoire syndicale dans cette négociation est d’être parvenus à retirer l’intégration du 13e mois dans l’AIB, ce qui était une demande de la direction. Si nous avions accepté, cela aurait constitué une violation des accords fondateurs de 1996 – qui mettaient notamment en place ce 13e mois –, ce qui aurait permis à la direction de les dénoncer. Or, ces accords n’étaient pas relatifs qu’au 13e mois, car ils instauraient aussi cinq jours par an de congés spécifiques d’enseignement. Une compensation pour les formateurs Afpa qui passent 35 heures par semaine à faire de la pédagogie face aux stagiaires, contrairement à ce qui se pratique dans d’autres organismes de formation. Cela contribue aussi à l’attractivité de l’Afpa qui embauche prioritairement comme formateurs des anciens salariés disposant d’une importante expérience professionnelle dans la matière qu’ils enseignent.

Quid des élections professionnelles qui se tiennent dans quelques mois ? Il semblerait que quelque 800 salariés relevant anciennement des catégories cadres et assimilées aient basculé dans celle des employés. Pourquoi ?

A. T. : La direction redoute qu’au vu de notre évolution électorale, la CFE-CGC ne représente 50 % à elle seule. Nous étions à 40 % l’an passé, à 30 % l’année précédente et c’est un objectif atteignable. C’est pourquoi elle a choisi de « transvaser » environ 800 salariés du collège 3 (cadres) au collège 2 (Etam) et du collège 1 (employés). Cela a surtout concerné les fonctions d’animateurs socio-éducatifs et d’assistants de formation, deux catégories Etam aujourd’hui reléguées chez les employés sous prétexte qu’elles seraient en position d’exécution, ce qui est totalement absurde lorsque l’on connait la réalité de leur travail. Grâce à cette manœuvre, la population « employés » auprès de laquelle la CFE-CGC ne peut pas se présenter, passe de 5 % des effectifs à 15. C’est inacceptable et nous avons introduit un recours en justice.

Où en est-on de la mission d’information parlementaire sur l’Afpa que votre syndicat a réclamée ?

A. T. : Nous avons relancé les députés pas plus tard que vendredi 27 octobre et certains membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires nous appuient. J’ai demandé à rencontrer Charlotte Parmentier-Lecocq, la nouvelle présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée pour évoquer le problème avec elle.

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre