L’article 39 du PLFSS 2024 suscite une opposition de plus en plus vive. C’est au tour de la Fédération nationale des accidentés de la vie de s’opposer à cette disposition qui revient, selon elle, à réduire les montants versés au titre de la rente AT-MP.
L’article 39 du PLFSS 2024 continue de susciter de nouvelles réactions. Après l’association nationale de défense des victimes de l’amiante, puis Force Ouvrière, c’est au tour de l’association nationale des accidentés de la vie (Fnath) de dénoncer cette disposition. Elle regrette en premier lieu que le calcul du préjudice économique correspondant à la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité soit renvoyé à un décret « après consultation des partenaires sociaux ». La Fnath dénonce un premier tour de « passe-passe » qui revient à signer un « chèque en blanc » aux autorités réglementaires.
La Fnath dénonce aussi la diminution de la part de salaire aujourd’hui prise en compte pour calculer le montant de la rente AT-MP. Selon la Fnath, l’article 39 ouvre la voie à deux méthodes de calcul qui pourront aboutir à une diminution des montants versés. La première passe, selon la Fnath, par une réduction du salaire annuel pris en compte. Ainsi, un salaire annuel de 22 000 euros, aujourd’hui repris tel quel pour le calcul, pourrait ne plus être pris en compte qu’à hauteur de 20 000 euros. Une personne accidentée percevant ce salaire et avec un taux d’incapacité physique permanente (IPP) de 30 % ne percevrait plus que 3 000 euros par an au lieu de 3 300 euros aujourd’hui. Avec le même salaire et un taux d’IPP de 75 %, le montant de rente AT-MP versé annuellement passerait de 13 700 euros à 12 500 euros.
Une diminution de 1 446 euros
Une autre méthode possible, selon la Fnath, pourrait consister à ne prendre en compte qu’une fraction du salaire au-delà d’un seuil. L’association redoute ainsi que, sur un salaire annuel de 35 000 euros, la part dépassant les 20 049,09 euros, soit 14 950,91 euros, ne soit prise en compte qu’à hauteur d’un tiers, soit 4 983,63 euros. Au total, le montant du salaire retenu dans la formule de calcul ne serait plus de 35 000 euros, mais 25 000 euros. L’impact sur le montant de la rente AT-MP annuelle serait considérable puisqu’elle passerait de 5 200 euros à 3 754 euros, soit une diminution de 1 446 euros. La Fnath relève cependant qu’il « est impossible en l’état du texte de savoir jusqu’à quel point cette partie de la rente sera minorée ».
L'association estime que ces nouveaux modes de calcul reviennent à réduire le montant des rentes versées aux assurés sociaux percevant des salaires supérieurs à 1,5 plafond annuel de la Sécurité sociale (Pass), afin d’améliorer le montant de celles versées aux assurés dont le salaire annuel est inférieur à ce niveau de 1,5 Pass. La Fnath estime qu’il ne s’agit « en rien [d’]une amélioration, car c’est aux accidentés du travail que l’on va demander d’accepter une dégradation des modalités de calcul de la rente pour financer le complément d’indemnisation promis ».
La Fnath considère que celle évolution s’inscrit à contre-courant de la jurisprudence établie par la Cour de cassation qui, en janvier puis de nouveau le 28 septembre 2023, « a interprété le droit en vigueur de manière radicalement contraire en affirmant que le déficit fonctionnel permanent (DFP)1 ne faisait pas partie de la rente en se fondant précisément sur les modalités actuelles de calcul de la rente AT-MP ». Pour la Fnath, « les partenaires sociaux demandent au législateur de "casser" une jurisprudence » qui, selon ses calculs, va coûter 141 millions d’euros par an, alors que l’excédent de la branche AT-MP devrait s’élever à 1,9 milliard d’euros en 2023 et rester excédentaire jusqu’en 2027 (1,1 milliard d’euros), malgré la diminution à partir de 2024 du niveau des cotisations versées. Enfin, elle ne parvient pas à « comprendre […] sur le plan éthique » un dispositif qui empêche l’indemnisation intégrale par une entreprise, y compris pour faute inexcusable.
(1) DFP ou déficit fonctionnel permanent : la jurisprudence reconnaît deux postes de préjudice différents : l’un est patrimonial, il s’agit de la perte de gain professionnel futur ; l’autre est extra-patrimonial, c’est la perte de capacité de travail, autrement dit le déficit fonctionnel permanent.