Dominique Bellos Consultante, formatrice Devenir SoiTM et coach en entreprise1 ; Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC Paris
À l’heure où, avec l’invasion de l’Ukraine, l’Europe vit des heures parmi les plus sombres de son histoire récente, il peut sembler un peu superficiel de s’intéresser à des questions comme celle de la place de l’humain dans l’entreprise… Mais c’est précisément par le rôle clé de l’humain, le courage de ses femmes et de ses hommes, que ce pays menacé fait preuve d’une capacité de résistance inattendue face au rouleau compresseur russe. Dans des circonstances beaucoup moins dramatiques, le parallèle avec l’entreprise permet de souligner que ce qui fait la différence entre une entreprise performante et une entreprise non performante, c’est d’abord le facteur humain, « tout le reste peut s’apprendre, s’acheter ou se copier. »2
Règle n° 1 : Mettre l’humain au cœur de l’entreprise. Combien de fois n’avons-nous pas lu cette injonction en parcourant la charte affichée dans le hall des entreprises ? Souvent entourée de portraits souriants de collaborateurs, cette charte se veut rassurante pour tout visiteur qui la découvre. Mais combien de fois peut-on constater qu’entre la règle et son application, il reste encore de beaux jours pour les consultants qui guideront l’entreprise dans l’art de transformer cette injonction en réalité3 ?
Force est de constater qu’à l’ère où l’on prône le bien-être au travail, mettre l’humain au cœur de l’entreprise, c’est-à-dire lui donner, en toute autonomie et avec confiance, sa juste place dans la coconstruction du projet collectif de celle-ci et lui en être reconnaissant, relève encore trop souvent d’une option. Or c’est à cette seule condition que l’entreprise se dotera d’un atout concurrentiel hors du commun, qui servira son unicité et sa pérennité.
L’humain est, en effet, de tous les facteurs clés de différenciation, celui qui permet à l’entreprise d’afficher sur le long terme un niveau de réussite jamais égalé, comme l’a défendu avec conviction il y a plus de dix ans le dirigeant indien Vineet Nayar avec sa célèbre formule « Employés d’abord, clients ensuite »4. Pourquoi ?
Dans un contexte économique et concurrentiel exacerbé, l’entreprise, petite, moyenne ou grande, doit faire face aujourd’hui :
• non seulement à la pénurie et au surcoût des matières premières, particulièrement en cette période de guerre en Ukraine, et des talents,
• mais également aux démissions et aux difficultés de fidélisation de ses collaborateurs5.
Pour ne pas se retrouver dans l’obligation de réduire ses ambitions de croissance, voire de cesser toute activité faute de combattants, mais bien au contraire pour se donner toutes les chances de s’engager sur la voie du succès, l’entreprise n’a pas d’autre choix face à la concurrence que de développer son unicité et sa différence.
Comment ? Avant tout, en permettant aux femmes et hommes qui la composent d’exprimer leur unicité en toute confiance et authenticité. Elle devra pour ce faire veiller à ce que tous :
• adhèrent à la mission de l’entreprise ;
• disposent du droit à l’initiative et donc du droit à l’erreur ;
• pour mener à bien leur mission avec créativité ;
• en déployant tous leurs talents ;
• et en les mettant avec plaisir et fierté au service du projet de l’entreprise.
« Là où leurs talents rencontreront les besoins de l’entreprise, là sera leur vocation », aurait pu conclure Aristote, ce à quoi nous rajouterons : « pour le plus grand succès de leur entreprise ».
Dans cette perspective, les DRH ont un rôle clé pour mettre définitivement l’humain en haut de l’agenda stratégique des dirigeants, comme on l’a vu il y a deux ans avec le début de la crise sanitaire – quand la première préoccupation des directions générales était de protéger le capital le plus précieux de leurs entreprises : le capital humain.
Sans l’engagement total des DRH, cet objectif n’aurait pas pu être atteint. Qu’ils/elles en soient ici remercié(e)s !
(1) Auteure du livre : Il était une fois… une femme dans l’industrie, Éditions L’Harmattan, 2021.
(2) Vermot-Gaud, C : La Politique sociale de l’entreprise, Éditions d’Organisation, 1986.
(3) Pfeffer, J. & Sutton R. : The knowing-doing gap, Harvard Business Review Press, 1999.
(4) Nayar, V. : Les Employés d’abord, les clients ensuite, Diateino, (2e ed), 2018.
(5) Besseyre des Horts, CH : La grande démission : un risque limité mais des actions pour l’éviter, Entreprise &Carrières, n° 1562, du 7 au 12 février 2022, p. 22.