Temps complexes mais temps bénis où nous nous sommes mis à cultiver… des légumes sur nos balcons citadins, et bien d’autres choses – touchant à notre quotidien professionnel. La crise que nous avons vécue, et vivons encore, a, hormis persil et cucurbitacées, semé, fait germer et éclore d’autres graines : celles de l’empathie, de l’optimisme¹, de la créativité… Autant de composantes de l’intelligence émotionnelle et sociale, selon Daniel Goleman². Nous nous sommes mis, enfin, à exprimer et à analyser nos émotions et à considérer comment elles guidaient nos actions dans un cadre différent que nous avions du mal à légitimer auparavant : celui de l’environnement professionnel.

Nous avons tous pris conscience d’une évidence pourtant simple : personne ne laisse ses émotions derrière soi avant de pénétrer sur son lieu de travail. Elles nous accompagnent au quotidien : le plaisir, voire la joie de retrouver des collègues, l’enthousiasme et les craintes générés par un projet, l’angoisse de la pandémie et l’énervement lié aux incertitudes permanentes, le doute quant aux changements de consignes et de contraintes. À distance, toutes ces émotions existent aussi, charge aux managers de leur permettre de s’exprimer, pour les intégrer comme des données importantes du quotidien, de celles qui ont un impact fort sur la productivité, l’efficacité, voire sur la rentabilité et la survie de l’entreprise.

Comment ne pas douter de nos capacités à nous gérer nous-mêmes et, pour les managers, à gérer les équipes à distance tout en gardant un certain lien de proximité ? À marche forcée pour certains, dans la continuation de ces pratiques pour d’autres vers plus et mieux de télétravail, nous avons tous été amenés à réfléchir sous un angle différent à l’éminence de nos émotions et au rôle de l’interaction sociale dans nos constantes professionnelles, dans nos motivations personnelles, et au-delà, dans nos besoins fondamentaux.

L’un des plus grands défis que les managers connaissent aujourd’hui – outre l’agilité et l’innovation frugale – consiste à dépasser l’enjeu du télétravail qui demeurera une modalité ancrée dans nos habitudes de travail. Comment développer confiance³, engagement et coopération aussi à distance ? En faisant de la puissance des émotions une force, un atout supplémentaire au travail !

Or en France, l’intelligence émotionnelle est encore trop souvent abordée comme un sujet de développement personnel et non comme un ensemble de compétences à développer suivant les métiers et les fonctions, pour être un réel outil d’efficience et de bien-être. Malgré une certaine prise de conscience depuis quelques années, les émotions ont encore mauvaise presse en entreprise, où dominent largement la rationalité et la logique. Pourtant, contrôler l’expression de ses émotions consiste à les identifier puis à rester en contact avec elles et à savoir les utiliser pour agir avec sérénité et efficacité.

Être capable de cultiver son intelligence émotionnelle et sociale, c’est développer sa capacité à percevoir les émotions, les siennes et celles des autres, et à les intégrer dans sa communication et dans sa prise de décision. Pour les managers, les enjeux sont de taille, notamment dans les modes d’organisation hybride du travail qui vont sans doute se pérenniser⁴ : communication plus fluide, qualité des relations, efficacité collective, coopération et engagement, gestion du stress liés aux objectifs ambitieux et à la résolution des obstacles rencontrés dans l’action, influence et leadership pour lever ces obstacles, piloter et conduire l’action… Aux DRH de s’emparer de ce thème de l’intelligence émotionnelle et le mettre en haut de l’agenda des dirigeants qui pourront y voir un atout supplémentaire pour agir dans un environnement de plus en plus imprévisible comme nous l’a montré l’expérience de cette crise sanitaire.