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Travailleur des plateformes : « un statut plein d'opportunités s'il est bien accompagné »

Dialogue social | publié le : 07.10.2022 | Benjamin d'Alguerre

Les représentants des plateformes d’emploi et ceux des VTC et livreurs étant désormais désignés, le dialogue social va pouvoir s’ouvrir pour déterminer le socle des droits des travailleurs des plateformes (type Uber ou Deliveroo). Un point sur la situation avec Guillaume Cairou, président de l’Observatoire du travail indépendant (OTI), de la CCI de Versailles-Yvelines et fondateur de la Fédération des entreprises de portage salarial (Feps). 

Quel regard portez-vous sur le dialogue social qui va s’engager dans les plateformes d’emploi au vu de la très faible participation aux élections professionnelles (1,83 % pour les livreurs ; 3,91 % pour les chauffeurs VTC) du 16 mai dernier ?

Guillaume Cairou : En tant que président de chambre de commerce et d’industrie, je sais à quel point il peut être difficile de mobiliser des travailleurs indépendants qui préfèrent consacrer leur temps au développement de leur activité qu’à des élections professionnelles. En tant que président de l’Observatoire du travail indépendant, je suis sceptique. Cette très faible participation va exiger que les acteurs du secteur travaillent davantage les uns avec les autres. La Fédération du portage salarial (Feps) travaille depuis deux ans avec plusieurs plateformes pour les convaincre d’adopter le portage salarial pour les travailleurs, selon une recommandation qui figurait d’ailleurs déjà dans le rapport Frouin. Cependant, on ne peut pas non plus affirmer que le travail des plateformes correspond au profil type hébergé dans les coopératives d’activité et d’emploi. Beaucoup de ceux qui exercent ces métiers ne restent pas suffisamment longtemps dans la carrière. C’est pour cela qu’il faudrait envisager de multiplier les expériences d’accompagnement des micro-entrepreneurs vers le statut de professionnels libéraux afin que ce statut puisse constituer un tremplin vers l’activité économique. Toutefois, il nous semble que les dispositifs de type insertion par l’activité économique (IAE) pourraient mieux correspondre à la situation des travailleurs des plateformes. L’article 16 de la loi de renforcement de l’insertion par l’activité économique de 2020 prévoit ainsi que les entreprises de portage salarial peuvent avoir recours au contrat de professionnalisation. C’est une option qui permettrait de dépasser le point bloquant de la rémunération et permettre à certains travailleurs d’accéder à une qualification. C’est un sujet que les négociateurs devraient aborder dans le volet « formation » de la négociation visant à établir un socle des droits pour ces travailleurs.

Cette négociation va débuter dans un contexte tendu pour les plateformes puisque l’une des plus emblématiques – Deliveroo – a été condamnée, le 1er septembre dernier, pour travail dissimulé. Pensez-vous que cela pourrait peser sur les négociations à venir ?

G. C. : Non, car le sujet de cette négociation, c’est d’adapter en droit français les recommandations de la recommandation de la proposition de directive de la commission européenne sur le statut des travailleurs des plateformes de décembre 2021. Celle-ci fournit une liste de critères permettant de déterminer si la plateforme est un employeur ou non (rémunérations, contrôle du travail à distance, choix des horaires, choix des tâches, contraintes, possibilité pour le travailleur de constituer sa propre clientèle, etc.). Si la plateforme remplit les critères requis, elle est légalement présumée être un employeur. [À la suite de la proposition de directive, la commission européenne estime qu’entre 1,7 et 4,1 millions de personnes pourraient être reclassées en tant que travailleurs, NDLR]. Si ces critères ne sont pas remplis, les travailleurs sont reconnus indépendants. Ce sera justement ce dialogue social qui s’engage sous l’égide de l’Autorité des relations des plateformes d’emploi (Arpe) à déterminer ce qui relève de la présomption de salariat ou non.

Parmi les organisations syndicales présentes autour de la table, au moins deux (la CGT et Sud-Commerce) annoncent qu’elles ne souhaitent pas négocier un statut, mais faire requalifier par les tribunaux la relation entre travailleurs et plateforme comme relation salariale. Cela ne risque-t-il pas de limiter la portée de la négociation ?

G. C. : Je ne le pense pas. Mais il faut entendre les points de vue de toutes les organisations, y compris les minoritaires. Lors du scrutin, les travailleurs ont massivement porté leurs voix sur deux organisations : l’Union indépendants, soutenue par la CFDT et la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE) qui sont favorables à des discussions autour de l’adaptation de la directive européenne à la situation française. D’ailleurs, lorsque je rencontre des micro-entrepreneurs, je n’entends quasiment jamais parler de requalification en salariat. Je ne pense pas que cette idée soit partagée par les travailleurs des plateformes.

Comment les plateformes vont-elles gérer la protection sociale de ces travailleurs ?

G. C. : Il appartiendra au dialogue social de trouver les éléments permettant de mettre en place de meilleures garanties sociales et de meilleures rémunérations au sein des plateformes. Cela passera aussi par l’instauration de vraies politiques relatives à la formation professionnelle et à l’accompagnement de ces travailleurs vers d’autres formes d’emplois s’ils le désirent. Ce nouveau statut à mi-chemin entre l’indépendance et le salariat peut devenir une opportunité s’il est bien accompagné.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre