Alors que l’intersyndicale appelle à une cinquième journée de grève, le directeur général Martin Hirsch fait assaut de communication. Enjeu : le nombre de grévistes qui battront le pavé le 17 septembre.
Difficile rentrée pour Martin Hirsch, toujours empêtré dans sa réforme des 35 heures. Le directeur général des hôpitaux de Paris va affronter une cinquième journée de grève le 17 septembre, après un été très tendu. Depuis la première semaine de juillet, le dialogue est rompu avec l’intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, Unsa et SUD), toujours unie, qui continue d’exiger le « retrait définitif » du projet et vient de demander au Premier ministre Manuel Valls d’intervenir.
Les instances de représentation du personnel, boycottées par les représentants du personnel, sont entièrement paralysées. Pis, l’enquête sur les conditions de travail, que Martin Hirsch avait proposée au début de l’été pour sortir l’AP-HP de l’impasse, n’a pu se tenir avec l’ampleur souhaitée. Alors même qu’elle était sensée inspirer le nouveau document devant servir de base à la reprise des négociations annoncées à l’automne...
L’intersyndicale a refusé d’y être associée. Dans de nombreux services, les agents ou les représentants du personnel se sont opposés à ce que ces réunions, présentées comme des « espaces de discussion entre l’encadrement et les salariés », se tiennent.
Guerre de la communication
« Comment peut-on programmer des réunions sur les conditions de travail en plein été, alors que les personnels sont sous tension en raison des départs en congés? Martin Hirsch a discrédité sa prétendue nouvelle politique de la main tendue », martèle Rose-May Rousseau, secrétaire générale de la CGT. « Nous sommes tout à fait prêts à discuter d’organisation du travail dans un cadre clarifié et organisé, pas ainsi de manière volatile », commente Didier Chopelet, secrétaire général adjoint de la CFDT.
Le changement de méthode, de calendrier et de copie proposé par Martin Hirsch, à la demande directe de la ministre de la Santé Marisol Touraine, n’a pas convaincu. Le point d’achoppement reste le même : le travail en 7h30 proposé comme « la référence de jour » dans les nouveaux schémas horaires. Sa mise en place se traduirait par une diminution de 20 à 15 jours de RTT pour une majorité de personnel, plus de 60% des agents travaillant actuellement 7h36 ou 7h50 par jour. « La direction a refusé d’envisager d’autres possibilités », commente la CFDT.
Pourtant, ces réunions sur les conditions de travail n’ont pas été vaines, selon Martin Hirsch, qui fait assaut de communication auprès des 75000 agents (hors médecins). Dans une lettre diffusée mi-août, renvoyée mardi 8 septembre et même jointe aux fiches de paie distribuées cette semaine, le patron de l’AP-HP entend tranquilliser le personnel. « Nous sommes à votre écoute et nous tenons compte des messages qui sont remontés avant l’été et des études de terrain », explique-t-il dans ce document de deux pages que Liaisons sociales magazine a pu consulter. À aucun moment, il n’évoque l’explosive réforme des 35 heures mise sur la table début mai.
Contreparties tangibles
Par contre, il cherche à rassurer le personnel sur les changements d’organisations et de rythmes envisagés. À ceux qui « craignent de perdre par rapport à la situation actuelle, sans rien gagner en échange et sans garantie pour l’avenir », il explique travailler à des « contreparties tangibles », qu’il espère « pouvoir discuter prochainement avec les représentants du personnel ».
Telle une meilleure prise en compte de la réalité du travail – « de telle sorte que les dépassements d’horaires justifiés soient effectivement rémunérés ou récupérés » –, plus de stabilité dans les plannings « avec des garanties sur la possibilité de prendre les jours posés » et un renforcement des équipes de suppléance.
Ses propositions, qui en disent long sur la souffrance au travail, ne sont pas vraiment nouvelles. Elles étaient sur la table dès l’ouverture, début mai, des discussions... « Martin Hirsch ne propose rien de nouveau et personne n’est dupe », commente la cégétiste Rose-May Rousseau, pour qui « il est de toutes manières hors de question de troquer une aggravation des conditions de travail sans précédent pour des mesurettes qui ne sont même pas pérennes. Ces contreparties sont risibles au regard de l’ampleur de la réforme envisagée ».
Rupture dans la tradition sociale
La lettre va-t-elle jouer sur la mobilisation du 17 septembre? C’est bien là tout l’enjeu. La dernière journée de grève, le 17 juin, avait été nettement moins suivie que les précédentes. Le taux de grévistes était tombé à 12,5%, contre 21,5% le 11 juin. Et le nombre de manifestants avait chuté drastiquement, à un millier contre plus de 8000 la semaine précédente.
Intervenues en juin, juillet et août, les retenues sur le salaire des grévistes risquent aussi de saper la mobilisation. « 80 à 100 euros en moins sur la fiche de paie par jour de grève, ça pèse ! » commente une infirmière. Les syndicats l’ont bien compris. Ils ont trouvé une astuce « pour assurer un taux élevé de mobilisation sans peser sur les revenus des agents », explique Thierry Amouroux de la CFE-CGC.
Lors des assemblées générales, qui se multiplient en vue de la mobilisation, l’intersyndicale propose aux agents de ne poser qu’une seule heure de grève, qu’elle complète en déposant pour chacun trois heures d’information syndicale. « Il n’y a pas besoin d’être syndiqué pour utiliser ce temps », précise Thierry Amouroux. De quoi assurer à chaque gréviste une demi-journée de débrayage.
Le choix de la direction de procéder, pendant l’été, aux retenues surprend. « C’est une rupture dans la tradition sociale de l’AP-HP, tempête Jean-Marc Devauchelle, de SUD. Ces retenues ne se font jamais au fur et à mesure d’un conflit. Elles se négocient à son issue. On détermine alors les modalités de paiement, en salaire ou en jours RTT, et les étalements possibles ».
La CGT, premier syndicat, a déjà exigé l’ouverture de négociations sur le sujet. « Si Martin Hirsch pratiquait réellement une politique de la main tendue, comme il le prétend, il aurait proposé aux agents de payer en jours RTT puisque les compteurs explosent », remarque Rose-May Rousseau, de la CGT. À l’AP-HP, le bras-de-fer est bel et bien engagé.