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Renaissance vient-elle de pirater la négociation sur le partage de la valeur?

Dialogue social | publié le : 30.11.2022 | Benjamin d'Alguerre

Alors que les partenaires sont engagés dans la négociation sur le partage de la valeur ajoutée en entreprise, Renaissance vient de dévoiler ses propositions pour la mise en place d’un dividende salarié et de mécanismes de « super-participation » pour les salariés. Au risque d'interférer dans les débats en cours.

Le parti présidentiel vient de mettre les pieds dans le plat. En dévoilant, le 29 novembre, ses propositions sur le dividende salarié et la « super-participation », Renaissance a court-circuité la négociation en cours sur le partage de la valeur, que les partenaires sociaux ont engagé début novembre. « C’est complètement contradictoire avec la lettre d’orientation d’Olivier Dussopt, qui nous invitait à négocier sur le partage de la valeur ajoutée et proposait même un délai supplémentaire ! » tombe des nues Raphaëlle Bertholon, négociatrice CFE-CGC, alors que son homologue cédétiste, Laurent Mathieu, y voit « une interférence » avec les débats en cours. Côté patronal, la CPME, déjà pas franchement emballée au départ de se lancer dans une négociation qui risquerait d’aboutir par l’instauration de dispositifs de participation obligatoire dans les petites entreprises, menace de quitter la table des négociations… 

Pas de dividende salarié dans la lettre d'orientation...

Concrètement, le document de cadrage transmis aux organisations syndicales et patronales prévoyait trois thèmes majeurs de négociation: la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans toutes les entreprises, particulièrement les TPE-PME qui n’y sont aujourd’hui pas soumises si leurs effectifs ne dépassent pas 50 salariés, la démocratisation de la prime de partage de la valeur (PPV, l’ex-« prime Macron » réformée cet été) et l’orientation des dispositifs d’épargne salariale vers des investissements socialement et écologiquement responsables. La question du dividende salarié – promesse de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron visant à imposer aux entreprises le versement de dividendes aux salariés lorsque l’entreprise en verse aux actionnaires – n’y figurait initialement pas, bien qu'il soit visible entre les lignes. Des sujets sur lesquels les partenaires sociaux s’étaient accordé une douzaine de séances pour en discuter d’ici janvier 2023.

... mais dans de futurs amendements?

Sauf que Renaissance vient de renverser la table des négociations en présentant son projet. En annonçant que les sujets du dividende salarié – c’est-à-dire de la participation obligatoire dans les entreprises de moins de 50 salariés – et du versement de « super-dividendes » aux actionnaires (de 20% supérieurs à ceux versés les cinq années précédentes) seraient corrélés à l’octroi de mécanismes de « super-participations » pour les salariés, Pascal Canfin, responsable du projet, a rebattu les cartes. L’eurodéputé Renew a bien assuré qu’il appartiendrait aux partenaires sociaux de mettre en musique ces réformes annoncées, en fixant les seuils minimaux de salariés rendant l’entreprise éligible aux dispositifs de participation ou en imaginant les différents mécanismes financiers à activer dans le cadre de la « super-participation ». Mais en considérant qu’une commission du parti (à laquelle sont conviés les alliés Horizons et Modem) se penche sur ces propositions en début d’année prochaine, peu de doutes restent sur le fait que le futur projet de loi fasse l’objet de nombreux amendements venant du Gouvernement ou de sa majorité parlementaire. Rue de Grenelle, on a beau faire le distinguo entre ce qui relève de la production intellectuelle du parti et l’activité du ministère du Travail, c’est bien le même Olivier Dussopt qui coprésidera (aux côtés de Bruno Le Maire) la commission chargée en janvier ou février prochain « d’examiner les propositions concrètes qui seront soumises au Gouvernement », ce qui pourrait laisser imaginer une forme de kidnapping des discussions des partenaires sociaux.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre