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"L’œuvre de François Hollande est considérable en matière de droits collectifs et individuels"

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 23.09.2015 | Emmanuelle Souffi

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Conseiller de François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012, l'ex-cédétiste Jacky Bontems* vante l'efficacité de la méthode utilisée par le chef de l'Etat pour réformer. Avec force.

En quoi la méthode Hollande est-elle la bonne ?

Le dialogue social à la française, dans lequel l’Etat joue un rôle de chef d’orchestre au lieu d’être jacobin, a des vertus. D’abord, il revivifie une démocratie politique en panne. Injecter de la démocratie sociale permet d’augmenter la légitimité du politique. Ensuite, le rôle pré-initiateur des partenaires sociaux offre une meilleure prise en compte des réalités des entreprises et des branches. Résultat, la probabilité est plus grande de susciter l’adhésion des acteurs concernés. Pour preuve, depuis 2012, il n’y a quasiment pas eu de grands mouvements de contestation des réformes engagées.

N’est-ce pas un moyen pour le politique de se défausser, quitte à reprendre la main pour jouer les sauveurs ?

Bien sûr que non ! La place et la reconnaissance de la responsabilité du dialogue social dans la détermination des normes sont au fondement même de la démocratie politique. Cette dernière repose sur deux jambes : les élus locaux et les partenaires sociaux. Les uns ne vont pas sans les autres.

Mais les syndicats sont délégitimés…

Comme les politiques, ils sont atteints par la crise de confiance. Récemment, le rapport de l’Institut Montaigne faisait état d’une fin de cycle du dialogue social et de la négociation interprofessionnelle. On ne vit pas sur la même planète ! Jamais le nombre d’accords n’a été aussi élevé au cours de ces dernières années ! Le dialogue social n’est pas un long fleuve tranquille. Il ne peut pas être un consensus mou ou le fruit du plus petit dénominateur commun. Il repose sur des rapports de force avec des postures diverses. De là naissent des compromis sociaux. Comme dans un couple, ça n’est pas toujours facile, l’échec et les difficultés sont dans l’essence même du dialogue social. Mais il est faux de dire qu’il est en panne.

Que pensez-vous du rôle du patronat ?

Nous sommes dans une situation pré-électorale où il est de bon ton de hausser le ton. J’ai parfois du mal à cerner la stratégie du Medef. La période de crise que nous traversons, les mutations de la société mais aussi la situation financière des régimes sociaux compliquent la recherche d’accords comme on a pu le voir lors des négociations sur l’assurance chômage et les retraites complémentaires.

La démocratie sociale produit-elle des effets positifs ?

Dans quelques années, on se rendra compte que l’œuvre entreprise par François Hollande est considérable en matière de droits collectifs et individuels. Qu'il s'agisse des droits rechargeables, du compte personnel de formation, du temps partiel, de l'encadrement des stages, de la base de données uniques, des commissions paritaires régionales, des administrateurs salariés. Les relations sociales ont été bouleversées beaucoup plus qu’avec les lois Auroux de 1982. Tout cela s’est fait progressivement et en douceur.

Pourquoi l’opinion publique a-t-elle le sentiment que rien ne change ?

Les modifications des règles collectives sont difficilement « vendables » car complexes et techniques. C’est un peu de la « cuisine » dans les entreprises. Et puis le temps social n’est ni le temps médiatique ni le temps politique. Adoptée en 2012, la généralisation de la complémentaire santé ne verra le jour que l’an prochain. L’élargissement des bénéficiaires des départs en retraite pour carrière longue profite à 150 000 personnes mais tout le monde l’a oublié ! Le gradualisme, c’est la méthode Hollande. Des avancées pas à pas plutôt que dans la précipitation, ce qui évite les protestations.

 

*Jacky Bontems, ex-numéro deux de la CFDT, est président du groupe de réflexion Réseau 812 et chargé de mission à France Stratégie. Il est l'auteur, avec Aude de Castet et Michel Noblecourt, de "Le moteur du changement : la démocratie sociale" (Ed. Lignes de repères-Fondation Jean Jaurès).


Auteur

  • Emmanuelle Souffi