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"Le projet de loi travail est la goutte d’eau de trop pour une jeunesse qui se sent trahie"

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 30.03.2016 | Emmanuelle Souffi

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Pour le président du Groupe d'études et de recherche sur les mouvements étudiants, les mobilisations autour du projet de loi El Khomri illustrent le désarroi d'une jeunesse qui ne fait plus confiance au marché du travail pour trouver sa place.

Quels sont les ferments de la contestation étudiante autour du projet de loi El Khomri ?

Après l’état d’urgence, les débats autour de la déchéance de nationalité, ce projet de loi est la goutte d’eau de trop pour une jeunesse qui se sent trahie. Elle a voté massivement pour François Hollande en 2012 et quatre ans après, elle a le sentiment que les promesses n’ont pas été tenues. Et même pire, que ce qui est proposé ne va pas dans le bon sens pour elle. La précarité est son seul horizon.

Cette jeunesse en colère est-elle instrumentalisée ?

Certes, il y a des zones de convergences sur le fond entre les frondeurs, les dissidents du Parti socialiste et l’Unef sans qu'il y ait pour autant de lien de subordination. Dans le passé, il y a eu des sujets sur lesquels on a "pressé le bouton" et pourtant la jeunesse n'a pas bougé ! La pétition citoyenne lancée par Caroline de Haas (1,2 million de signatures ce 30 mars, ndlr) rassemble très largement car elle fait écho aux doutes qu'ont les jeunes quant à leur avenir. Ils se mobilisent non plus en tant que lycéens ou étudiants mais en tant que composante du monde du travail.

Quel regard portent-ils sur le monde du travail ?

Ils le perçoivent comme dur, voire hostile, lors des discussions en famille, mais aussi dans leurs quartiers et dans leur emploi. Ils en ont une image fluctuante, nourrie d’une série de peurs pas toutes infondées. Ils savent qu’ils ne seront pas embauchés au niveau de leur qualification, qu’il leur faudra du temps pour être insérés durablement. Ces craintes s’exprimaient déjà dans les cortèges de mai 1968. Mais elles sont intégrées par les générations actuelles qui ont le sentiment de subir un mauvais héritage : elles redoutent de vivre moins bien que leurs parents qui, eux-mêmes, vivent déjà moins bien que les leurs.

Cette mobilisation peut-elle durer ?

Certainement, tant les espoirs sont douchés. Il y a eu la déferlante Devaquet puis les manifestations anti-CPE qui avaient mis du temps à prendre pour ensuite faire tâche d’huile. Là, vu le calendrier parlementaire, il faut s’attendre à un mouvement de guérilla avec des journées d’action et des AG régulières, une sorte d’état de vigilance durable qui n'est pas sans risque de dérapages.  

Faut-il redouter des actes de violence ?

La peur des attentats accroît la présence policière, qui peut être mal interprétée par les jeunes. Si la mobilisation est limitée, avec une minorité très active, c’est là que des risques de débordements existent, avec des actes de provocation de parts et d’autres. En revanche, si les mobilisations sont très importantes, il y aura peu de violence car celle-ci sera noyée dans la masse. À moins que le gouvernement ne joue la tension.

Auteur

  • Emmanuelle Souffi