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Quatre personnalités qui ont marqué l'actualité sociale en 2015

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 21.12.2015 | Manuel Jardinaud, Emmanuelle Souffi et Stéphane Béchaux

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Jean-Denis Combrexelle, auteur d'un rapport décisif sur la négociation sociale ; Myriam El Khomri, inattendue nouvelle ministre du Travail ; Philippe Martinez, leader sans concessions de la CGT ; François Asselin, visage rajeuni de la CGPME… Ces quatre acteurs incarnent une année sociale 2015 riche en négociations, tensions et propositions. Portraits.  

Jean-Denis Combrexelle, conseiller d'Etat

Il a passé le mois d’août à écrire son rapport sur « Les accords collectifs et le travail », commandé en mai par Manuel Valls, et finalement remis le 9 septembre 2015. Un texte « rédigé entre mer et montagne, en Corse », précise Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’état.

Le document était très attendu des experts et des acteurs du social dans un timing chargé pour les partenaires sociaux. L’intéressé a, en tout cas, travaillé en toute liberté, en pragmatique qui cherche l’efficacité et combat la judiciarisation des relations de travail.

« Je ne vais pas chercher à faire de la théorie, mais à trouver le bon chemin pour faire évoluer l’articulation entre la loi et la négociation collective », précisait-il juste avant de rendre son rapport. Tout en réfutant l’expression « inversion des normes » portée par les plus libéraux.

Pédagogue

Qu’a cherché à faire l’ancien directeur général du travail ? « La société est de plus en plus complexe, il est donc de plus en plus difficile de poser des règles générales pour tout le monde », analyse-t-il. D’où l’importance de renforcer les accords « de terrain ». D’ailleurs, il porte un intérêt tout particulier aux TPE pour lesquelles « il y a certainement des modifications du Code du travail à apporter ».

Jean-Denis Combrexelle aime la pédagogie. Il saisit une feuille et un stylo. Et trace un schéma : l’état comme régulateur, puis les trois strates de négociations, le contrat de travail et, enfin, le salarié. Chacun des 16 membres de la commission qu’il a présidée a eu droit à son petit croquis pour avoir en tête ce qui pourrait être simplifié ou amélioré…

L’ancien directeur général du travail est focalisé sur le bout de la chaîne : « Je veux être compréhensible par tous, car les gens ne savent plus qui négocie quoi, ni le lien avec la loi ou le simple accord d’entreprise. » Se qualifiant de « social dans l’âme », Jean-Denis Combrexelle n’a eu aucune volonté de casser le système.

Rétablir la confiance

En revanche, il a souhaité faire évoluer la culture de la négociation, amener les jeunes à s’y impliquer, améliorer les remontées du terrain vers les branches et l’interpro. En clair : créer les conditions d’une négociation efficace, lisible et équilibrée.

« Il a une vraie vision des relations sociales, dans laquelle les partenaires sociaux ont un rôle central dans la création des normes », assure Jean-Dominique Simonpoli, ex-cégétiste à la tête de l’association Dialogues et membre de la commission. Coureur de fond à ses heures, le conseiller d’Etat espère redonner du souffle à ces acteurs souvent discrédités.

« Nous devons rétablir la confiance », insiste-t-il. Au fond, c’est le pari de son travail. Mieux : « Un enjeu démocratique. » Les suites données à son rapport, confiées à la commission Badinter sur la réforme du code du Travail, diront si son ambition est en passe de réussir.

 

Myriam El Khomri, nouvelle ministre du Travail

Paris 17e, fin septembre 2015. Venue signer la première convention régionale de lutte contre le travail illégal dans la sécurité, elle ne veut pas commencer son discours tant qu’on n’a pas fait une place à la dizaine d’agents restés coincés dehors. « Nous sommes ici chez eux, c’est important qu’ils puissent partager ce moment-là avec nous », lance la ministre en regardant les huiles qui se serrent autour d’elle.

C’est ça, le style El Khomri, un mélange de fraîcheur et de spontanéité. Toujours un mot pour les plus fragiles, mamans solos ou jeunes de quartiers, comme lors de la présentation des rapports Combrexelle et Mettling. Bien loin de la froideur d’une Élisabeth Guigou ou de la raideur d’une Martine Aubry, cette anti-énarque réveille les ors de l’Hôtel du Châtelet depuis sa nomination surprise, le 2 septembre 2015.

Social-démocrate

Depuis, fidèle à son tempérament d’élue locale, elle occupe le terrain avec au moins un déplacement par semaine. Sitôt la passation de pouvoir terminée avec François Rebsamen, elle part visiter une agence Pôle emploi. La garantie d’avoir des images au JT, mais aussi d’afficher que la lutte contre le chômage est son combat numéro un. Mais pas le seul : la qualité du service de l’emploi, le soutien aux décrocheurs, l’apprentissage, les discriminations figurent parmi ses priorités…

Se défendant d’être « une magicienne », la benjamine du gouvernement, âgée de 37 ans, est aussi un animal politique. Épaulée par un conseiller stratégie qui la suivait à la Ville, elle maîtrise déjà la catéchèse hollandaise. « Dialogue, concertation, mobilisation des énergies » : Myriam El Khomri se met dans les roues de la social-démocratie.

D’aucuns lui reprochent son absence d’expérience dans le privé ? L’ex-boursière rétorque en listant les jobs qu’elle a occupés – hôtesse d’accueil, vendeuse… – pour financer ses études et ses cours de théâtre.

Sens du contact

Cette diplômée en droit public a l’habitude des procès en inexpérience, accentués lors de sa « bourde » sur le nombre de CDD renouvelables. Elle les avait déjà subis lors de son arrivée dans l’équipe de Patrick Kanner. Mais sa modestie et son sens du concret l’ont vite emporté. « Sur tous les dossiers que j’ai eus à traiter avec elle, c’est un sans-faute, confie Alexis Bachelay, député PS. Elle sait de quoi elle parle, elle veut comprendre les enjeux. »

Rue de Grenelle, cette proche d’Anne Hidalgo a conservé l’essentiel de l’équipe de son prédécesseur, à commencer par le directeur de cabinet. De quoi rassurer les partenaires sociaux. Son style fait également mouche dans l’administration. « Elle soulève le capot et pose des questions opérationnelles sans avoir peur du ridicule », apprécie un directeur du travail. Réforme du code du travail, portée via son projet de loi qui sera présenté en mars 2016, et évolution des chiffres du chômage toujours en berne seront ses juges de paix.


Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

Non, Philippe Martinez ne manque pas d’humour. C’est même l’un des principaux traits de caractère de ce natif… du 1er avril ! Ses bacchantes lui donnent un faux air de Dupond et Dupont ? Il en joue. « Vous voyez que ce sont des vraies. Mais je préfère les tirer moi-même plutôt que ce soit vous ! » lance-t-il aux journalistes lors de sa première conférence de presse, le 14 janvier 2015.

« Pressenti » pour diriger la CGT depuis le départ en catastrophe et en catimini de Thierry Lepaon, l’homme était très attendu. Et pas seulement pour ses bons mots, dans une maison sans cap ni boussole, déchirée par une impitoyable lutte de clans et de personnes. Un brin langue de bois, il réfute pourtant toute idée de « crise majeure », préférant parler de « période inédite ». Il a pris officiellement les rênes de la confédération le 9 février 2015 au terme d'une période tragi-comique.

Ligne dure

Âgé de 53 ans, cet ancien technicien au centre de R & D de Renault, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), incarne la ligne dure de la centrale. Celle dite « de Boulogne-Billancourt », très liée au Parti communiste. Patron de la Fédération de la métallurgie depuis 2008, il a mis ses pas dans ceux de son prédécesseur, Daniel Sanchez, qui ne signait jamais rien. Et lui ne participe même pas aux négociations de branche. « Il envoie ses secrétaires confédéraux.

« C’est un contestataire qui ne signe pas, y compris les accords sur l’alternance ou la formation », observe l’un de ses alter ego. Cette réputation de cégétiste « vieille école », cet homme plutôt secret la revendique. « Le rapport de force, ça veut dire quelque chose. Le syndicalisme, c’est tout sauf de la délégation de pouvoir », assène-t-il.

Une ligne qui, à Montreuil, fait craindre aux partisans de l’ouverture que la CGT fasse, une fois encore, l’économie d’une vaste réflexion sur ses orientations et ses pratiques. « On repart pour un tour. Il aurait fallu quelqu’un de neuf, avec des idées nouvelles. S’il s’est imposé, c’est qu’on en avait tous ras-le-bol de la guerre des chefs », confie un permanent confédéral.

Orthodoxe et fiable

Le quinquagénaire ne manque pourtant pas de talent. Chez Renault, où il entre en 1982, il s’est ainsi taillé un costume de héraut lors de la fermeture de l’usine belge de Vilvorde, en 1997. Le premier euroconflit, à une époque où la CGT ne fait pas partie de la Confédération européenne des syndicats.

« Sa manière de s’exprimer parlait aux ouvriers et aux techniciens, se souvient Jean-Christophe Sciberras, l’ancien directeur des relations sociales du constructeur. C’est un leader orthodoxe mais fiable et capable de voir où sont les intérêts partagés. Et qui connaît les contraintes de l’entreprise privée soumise à la guerre économique. »

Des qualités indispensables dans une centrale syndicale encore très marquée par le poids du secteur public. Et qui doit faire très vite la preuve de sa capacité de rebond. Il sera très probablement réélu lors du congrés de la CGT en avril 2016. Grâce à une stratégie qui n'a pas bougé d'un iota depuis son accession à la tête de la centrale : une ligne dure contre le gouvernement.

 

François Asselin, président de la CGPME

La guerre des chefs n’a pas eu lieu. Pas à la CGPME tout au moins. Le 21 janvier 2015, Jean-François Roubaud a cédé son poste à François Asselin sans la moindre goutte de sang. Plutôt rare !

« On souhaitait montrer que notre organisation était responsable. Et on ne voulait pas se priver des compétences des uns ou des autres », expliquait alors le futur leader, un entrepreneur de 50 ans, aux manettes de la société créée par son père à Thouars (Deux-Sèvres), spécialisée dans la menuiserie, la charpente et la ferronnerie.

Sur le terrain

Dans l’organisation, le nom de François Asselin circulait depuis des mois. Père de quatre enfants, cet homme chaleureux et direct dispose du parfait pedigree. Président de la CGPME de Poitou-Charentes, il a pu compter sur le soutien des structures territoriales. Patron très engagé au sein de la Fédération française du bâtiment (FFB), il a bénéficié de l’appui du premier bailleur de la maison.

Strasbourg, Montpellier, Bordeaux… Durant des semaines, François Asselin a battu la campagne. Ce qu'il continue à faire depuis son élection. « On peut avoir l’impression que l’appareil est obsolète mais, sur le terrain, je rencontre énormément de jeunes dirigeants prêts à s’investir », assure le futur porte-parole des petits patrons.

Soucieux de donner l’exemple, il s’est engagé à faire modifier les statuts. Pour limiter à deux, soit dix ans, le nombre de mandats du président. « Il faut que les dirigeants soient de passage, pas qu’ils fassent de l’organisation leur machin », justifie-t-il.

Face au Medef

Entrepreneur dans le bâtiment, François Asselin n’a rien de l’artisan maçon. Titulaire d’un DUT de comptabilité, il n’est pas du métier. À ses débuts, il travaille dans une entreprise de fournitures de bureau allemande, AEG Olympia. En 1993, il rachète l’entreprise familiale et se lance.

Avec succès. En deux décennies, les 44 salariés deviennent 140. Et la maison se taille une jolie réputation dans la restauration du patrimoine. Un savoir-faire qu’elle exporte aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Suisse chez de riches clients.

Ce positionnement haut de gamme ne l’empêche pas de porter les valeurs traditionnelles de la CGPME face à un Medef lorgnant de plus en plus sur son pré carré. Il travaille à faire de son organisation une vraie force de propositions. « Les Français doivent accepter de perdre en sécurité pour gagner en liberté. Il faut encourager ceux qui prennent des risques », martèle-t-il. Un leitmotiv qu’il a développé tout au long de l’année 2015.

Auteur

  • Manuel Jardinaud, Emmanuelle Souffi et Stéphane Béchaux