Longtemps, le dialogue social fut un jeu à deux. D’un côté de la table, les organisations représentant les employeurs ; en face, celles représentant les salariés. Et au-dessus, l’État, garant à la fois du cadre réglementaire de ce dialogue social et parfois, comme pour l’Unédic, de sa situation financière. Mais depuis trois décennies, les règles ont changé. L’État a de plus en plus quitté son statut d’arbitre pour se mêler au jeu, allant même, et avec une nette accélération ces dernières années, reprendre les rênes de certains organismes paritaires – notamment ceux qui dégagent des excédents budgétaires –, ne laissant aux partenaires sociaux qu’un strapontin décisionnel. Rien que dans le quinquennat passé, la formation professionnelle et l’assurance-chômage sont largement repassées sous pavillon étatique. Et demain, peut-être les retraites complémentaires des salariés (Agirc-Arrco) ou la santé au travail…
Mais, dans le même temps, la pratique du dialogue social a changé d’espace. « Dotée d’une autonomie contractuelle accrue, l’entreprise est devenue l’acteur-clé d’un dialogue social structuré autour de thématiques nationales, voire internationales, telles que l’emploi et la performance économique. Ce dialogue, qui s’est fortement institutionnalisé, en vient à supplanter la négociation collective », écrivent Martial Foucault et Guy Groux, chercheurs au Cevipof, le centre de recherche politique de Sciences Po dans l’ouvrage L’État et le dialogue social, paru en mars 2023. Dans cet essai, les deux auteurs établissent le constat du changement historique qui s’est accompli en matière de dialogue social ces trente dernières années et dressent le panorama d’un nouveau paradigme, où démocratie sociale et social-démocratie prennent des chemins de plus en plus séparés... À lire.
L’État et le dialogue social. Guy Groux et Martial Foucault. Les Presses de Science Po. Collection « Sécuriser l’emploi ». 9 euros.