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Medef et CGPME au bord de la crise de nerfs

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 18.11.2015 | Manuel Jardinaud

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Sur la mesure de la représentativité, les deux organisations patronales sont à couteaux tirés. Alors que le Medef a porté la bataille sur le terrain juridique, la CGPME communique vertement contre l’organisation de Pierre Gattaz.  

Entre Medef et CGPME, le bras de fer est rude depuis des mois. L'ambiance est même détestable. Dernier acte dans cette guerre larvée : un communiqué de la CGPME du 9 novembre réagissant vertement à la campagne de communication pro TPE-PME du Medef ces jours-ci. Le texte se conclut par : « Une PME patrimoniale n'est pas une entreprise du CAC 40. La CGPME n'est pas le MEDEF. Et toutes les campagnes de pub du monde ne peuvent rien y changer. » CQFD. Un pas supplémentaire, et assez inhabituel, dans une lutte d’influence déjà engagée depuis l’élection de Pierre Gattaz.

Décret de la discorde

En toile de fond, le décret du 10 juin 2015 fixant les critères de représentativité où seul compte le nombre d’entreprises adhérentes pour évaluer le poids de chaque organisation dans les différentes instances paritaires et dans l’allocation des fonds finançant les organisations professionnelles. Avec l’UPA, Medef et CGPME sont censés se mettre d’accord. En cas d’échec, le gouvernement doit trancher par ordonnance. Depuis le 15 novembre, il a 18 mois pour prendre une décision. Un calendrier pour le moins cocasse puisque fin 2016, l’audience sera déjà calculée…

Le décret ne satisfait pas l’organisation de Pierre Gattaz. Le Medef voudrait introduire une pondération prenant en compte le nombre de salariés dans le calcul. Ce qui l’avantagerait à coup sûr puisqu’il réunit les branches avec les plus grandes entreprises. Son fort lobbying auprès du gouvernement a conduit à rouvrir les discussions. Ce qui avait fait enrager la CGPME qui campe sur le respect de la règle « une entreprise = une voix ».

Terrain juridique

« Le texte est bancal », justifie-t-on avenue Bosquet car les critères ne sont pas les mêmes pour mesurer le poids des organisations sur la négociation interpro d’un côté – où les salariés sont pris en compte - et pour le financement et les mandats de l’autre – où seule l’entreprise adhérente compte. Le Medef fait valoir le manque de cohérence de la loi pour porter le fer sur le terrain juridique.

En août, avec certaines de ses branches (FBF, UIMM, FFB, FFSA…), il a donc saisi le conseil d’Etat. Lequel a estimé le 9 novembre dernier qu'une QPC était pertinente sur le sujet de la "pondération". Décision des Sages d’ici à trois mois.

Exaspération

L'action a fait bondir la CGPME : « Nous sommes exaspérés par cette démarche car le texte de loi avait demandé des heures et des heures de discussions », dit-on au sein de l’organisation de François Asselin. Ce que l’on réfute au Medef : « Tout juste un protocole avait été rédigé, ce qui avait donné lieu au rapport Combrexelle sur la représentativité patronale, puis à la transposition dans la loi Rebsamen », nuance-t-on dans l’entourage de Pierre Gattaz.

Pour l’organisation des TPE-PME, qui ne décolère pas, le plus étrange est de discuter à nouveau des critères tout en portant la question devant la haute juridiction. Elle dénonce aussi l’action du gouvernement en sous-main qui, avec cette nouvelle concertation introduite dans la loi, a conduit à cet engrenage néfaste.

Bataille pathétique

La tension est si forte que les organisations patronales ne se sont pas encore rencontrées sur le sujet. Elles auraient dû le faire dès septembre. « On a eu quelques échanges », assure timidement un négociateur. Un autre affirme qu’une telle rencontre formelle ne devrait plus tarder. Sans donner de date précise pour autant… Ajoutant : « C'est extrêmement tendu depuis le début… » Au Medef, certains jugent « pathétique cette bataille d’appareils » autour des règles de la représentativité en reconnaissant néanmoins l’importance des enjeux d’argent et de mandats au sein des organisations professionnelles.

Au milieu de cette cacophonie, seul un acteur semble garder le sourire. Le directeur général du travail, Yves Struillou, dont l’administration est en charge de récupérer les informations relatives aux entreprises adhérentes aux organisations professionnelles. Et qui calculera la représentativité de celles-ci.

Devant les journalistes de l’Ajis (Association des journalistes de l’information sociale), le 13 novembre, il a affirmé que les deux critères – nombre d’entreprises et nombre de salariés – seront intégrés au système d’information. Pour être prêt à opérer un décompte précis, quelque soit l’issue de la concertation. Le DGT reconnaît néanmoins que cette réforme de la représentativité est « une secousse tellurique » pour le patronat. Secousse qui fait déjà des dégâts, ne serait-ce qu’en terme d’image.

 

 

Auteur

  • Manuel Jardinaud