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Manifestation : les valses-hésitations du gouvernement

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 22.06.2016 | Emmanuelle Souffi

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Interdite puis à nouveau autorisée : les volte-face de l’exécutif quant à la journée de mobilisation du 23 juin témoignent de sa fébrilité et d’une reprise en main du président de la République face à la fermeté affichée par son Premier ministre.

Non. Et finalement oui. Mais pas trop longtemps. Cette matinée du 22 juin a été riche en rebondissements. A 9 heures, la préfecture de Paris annonçait l’interdiction de la manifestation du lendemain organisée par la CGT, FO, la FSU, Solidaires et les organisations de jeunesse contre le projet de loi travail. Dans le même temps, les leaders Philippe Martinez (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO) négociaient ferme dans le bureau de Bernard Cazeneuve, place Beauvau, sans visiblement que le préfet ne soit au courant. Quatre heures plus tard, patatras, les mêmes criaient victoire : le ministre de l’Intérieur les autorisait à défiler. Mais a minima. Le tracé choisi par la place Beauvau est des plus originaux : départ et arrivée place de la Bastille après un parcours en carré autour du bassin de l’Arsenal. Soit 1,6 km de déambulations.

Vu la publicité donnée au mouvement par les menaces d’interdiction et le relatif succès des précédentes mobilisations, ceux qui désireront battre le pavé ce 23 juin risquent de faire du surplace. On n'est pas très loin du « rassemblement statique » préconisé par la préfecture de Paris et balayé par les syndicats. Reste que pour les opposants au projet de loi El Khomri, la face est sauve car ils ont réussi à faire plier un gouvernement qui peine à trouver une issue digne à un conflit qui dure depuis plus de trois mois.

Discussions serrées

Piégé par la CGT qui a gagné en visibilité, l’exécutif s’enlise comme il s’est enfoncé jadis dans le bourbier de la déchéance de nationalité. Après les dégradations du 14 juin, notamment à l’hôpital Necker, Manuel Valls a voulu faire preuve d’autorité en brandissant une interdiction justifiée selon lui par le maintien de l’ordre public. François Hollande, auquel les opposants ont écrit sans obtenir de réponse, a dû entrevoir les risques politiques d’une telle décision. Les dernières interdictions de manifestation remontent au préfet... Papon. Et à la période de 1954-1967, au moment de la guerre d’Algérie. Pour un gouvernement de gauche, aller sur un terrain emprunté autrefois par la droite en se coupant de ses alliés naturels, ça fait un peu désordre.

D’autant que le clan des réformistes commence à sonner le tocsin. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, s’est fermement opposé à une interdiction qui risquerait de victimiser la CGT. La centrale, quant à elle, était bien décidée à aller au front. Dans les discussions « serrées » selon Jean-Claude Mailly avec Bernard Cazeneuve, l’hypothèse d’un recours en référé des opposants pour demander l’annulation de la décision du préfet a été brandie. Face au peu de soutien, le président de la République n’avait donc pas d’autre choix que de reculer. Encore une fois. Quitte à donner « un bon pour » aux anti loi travail.

Car pourquoi ne reculerait-il pas à nouveau ? « Le gouvernement doit arrêter de s’enfoncer et réunir les organisations syndicales pour rediscuter du projet », réclame Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. Sur la base de quelles propositions ? Un volet sur lequel les contestataires sont, pour le coup, nettement moins diserts…

Auteur

  • Emmanuelle Souffi