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Les trois défis de Philippe Martinez

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 13.04.2016 | Emmanuelle Souffi

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Le 51ème congrès de la CGT aura lieu du 18 au 22 avril à Marseille. Son secrétaire général, Philippe Martinez, doit mener des réformes majeures au risque de devenir, en 2017, la deuxième organisation syndicale derrière la CFDT.

Le 51ème congrès de la CGT qui se déroule du 18 au 22 avril à Marseille sera un temps fort du printemps social. Le projet de loi El Khomri donne du grain à moudre à la centrale qui n’a eu de cesse de radicaliser son discours pour ressouder ses troupes passablement divisée après l’affaire Lepaon. L’onde de choc des travaux dans l’appartement de l’ancien secrétaire général a laissé des séquelles. Y compris du côté des adhérents.

Ce 13 avril, devant l’Association des journalistes de l’information sociale, Philippe Martinez, son successeur, a admis « des retards dans le paiement des cotisations en 2015. » L’image du premier syndicat de France reste encore entachée. La fronde contre la réforme du code du travail le montre bien. Les « Nuit debout » qui se multiplient partout en France ne se revendiquent d’aucun mouvement syndical. Bien au contraire. Certains y sont même hostiles, redoutant des tentatives d’instrumentalisation. La grogne contre la réforme du code du travail provient du terrain, de citoyens qui donnent le tempo des mobilisations. La CGT, comme les autres opposants, apparait à la remorque, quand bien même son numéro un le nie. D’après lui, depuis début mars, le nombre d’adhésions en ligne aurait bondi d’un tiers.

A la différence de certains membres de la direction tels Sophie Binet de l’Union des ingénieurs et cadres ou Mohamed Oussedik de la fédération CGT Verre-Céramique, Philippe Martinez n’a pas signé la pétition initiée par Caroline de Haas. Demander le retrait du texte tout en prenant ses distances avec un mouvement qui s'amplifie… Le pas de deux est délicat et symptomatique de la difficulté pour cette organisation centenaire d’afficher une ligne claire. Le congrès ne devrait pas l’éclairer davantage, la recherche de compromis étant une constante pour faire adopter le plus largement possible le document d’orientation. 3000 amendements ont été déposés.

Afficher une ligne claire

Face au risque d’être rétrogradée au rang de numéro deux derrière la CFDT lors du prochain décompte des organisations représentatives en 2017, la CGT doit relever trois défis majeurs, selon son dirigeant. D’abord, « réaffirmer sa conception du syndicalisme ». Ni réformiste, ni purement contestataire, Philippe Martinez prône l’entre deux. Soit « proposer des alternatives sociales pour changer radicalement de politique », résume l’ancien délégué syndical de Renault.

L’idée de passer aux 32 heures en fait partie. Seul hic et pas des moindres, la centrale « ne rayonne que sur 25 % du salariat », comme le reconnait le document d’orientation. Très présente dans la fonction publique, elle a perdu du terrain dans certains bastions du privé (PSA, Orange, Renault…) et peine à s’implanter dans les TPE-PME. « Il y a un différentiel de 300 000 électeurs entre nous et la CFDT. Nous devons être la CGT de tous les salariés », plaide-t-il.

Lutter contre l’institutionnalisation

Quand les délégués passent leur temps en réunion de comité d'entreprise, la confédération court les négociations interprofessionnelles. Ce temps dédié au dialogue social concourt à institutionnaliser la centrale, selon son chef. « On ne peut nourrir et confronter nos idées qu’avec les salariés », pense-t-il. Retisser des liens avec la base, adapter les structures à l’évolution du salariat… Ce débat agite la Porte de Montreuil depuis des années.

La réforme des fédérations –même Philippe Martinez a du mal à les compter !- n’a jamais été réellement mise en œuvre. Ni celle des unions locales. Les syndicats de site, pour représenter des salariés de différentes sociétés, n’existent que sur le papier. Ceux qui veulent adhérer ne savent pas toujours très bien à qui s’adresser. Forte de 676 623 adhérents en 2014 –en baisse de 1.79 %- la CGT doit aussi démontrer son utilité auprès des retraités qui la quittent à la fin de leur activité. Sans parler des jeunes qui peinent à se reconnaître dans son discours.

Travailler à un « syndicalisme rassemblé »

Cette notion fait débat en interne, certains redoutant une dilution des fondamentaux cégétistes, voire une compromission. La CGT fait pavé commun avec la FSU, Solidaires. Mais la proximité est plus dans la lutte que sur le terrain des idées. Avec la CFDT, le divorce semble consommé. Avec FO, « le rapprochement, c’est juste derrière la banderole du carré de tête ! », plaisante, non sans ironie, Philippe Martinez. De fait, la politique du poing sur la table contribue à isoler la centrale qui peine à être audible.

Pourtant, elle veut croire que des revendications communes peuvent être portées. Y compris… avec la CGPME ! Philippe Martinez aurait discuté avec François Asselin, son président. « Je regrette que la CGPME ne travaille pas plus avec nous sur les relations donneurs d’ordre/sous-traitants, les délais de paiement…, égraine-t-il, mais je comprends que cela soit difficile de s’élever contre ceux qui vous donnent du travail. » Salariés-petit patronat, même combat ?

Auteur

  • Emmanuelle Souffi