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« Les partenaires sociaux portent leur part de responsabilité dans la faiblesse du dialogue social ».

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 25.05.2016 | Anne Fairise

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Le secrétaire général de l’Unsa revient sur les difficiles conditions d’élaboration de l’avis du Cese et sur les mesures, à ses yeux, les plus importantes. Pour lui, la balle est davantage dans le camp des partenaires sociaux que du gouvernement.

Le Cese a largement voté l’avis sur le développement de la culture du dialogue social en France, élaboré sur saisine gouvernementale. Son élaboration, pourtant, a été difficile, en pleine contestation de la « loi travail ». Vous êtes soulagé ?

Il est heureux que le Cese, dont la mission est d’organiser le dialogue entre les différentes composantes de la société civile, se soit largement prononcé sur la culture du dialogue social ! Sa crédibilité avait été largement entamée par la non-adoption, en juin 2014, du précédent rapport sur le dialogue social**. Cet épisode avait apporté de l’eau au moulin de ceux qui critiquent son utilité. Cette première saisine gouvernementale est donc un test, réussi, sur l’efficacité du Cese sous la nouvelle mandature.

Ce test est d’autant réussi que l’avis a été élaboré en pleine contestation de la « loi travail ». Cela a donné lieu a des débats parfois un peu tendus au sein de la section du travail et de l’emploi du Cese. La CGT, FO et Solidaires étaient interrogatifs quant à une éventuelle altération de l’indépendance du Cese. Il y a eu des craintes de "connivence" avec le gouvernement. Certaines ambiguïtés dans la formulation de la lettre de saisine expliquent ces positions : Manuel Valls parle notamment d’une feuille de route pour accompagner la mise en œuvre et la réussite de la réforme du droit du travail. Mais nous avons réussi à en sortir, en nous en tenant au cœur de la lettre de mission : formuler un avis sur le développement de la culture du dialogue social.

Quelles sont, à vos yeux, les mesures-clés de l'avis?

Les sept mesures ayant trait à la sensibilisation des jeunes au fonctionnement de la démocratie sociale sont importantes. Les préconisations pour former au dialogue social les futurs responsables, dirigeants et DRH des secteurs public et privé le sont aussi. Il est urgent d’intégrer, dans les formations managériales existantes, des modules portant sur le management des ressources humaines et des relations sociales. Les enseignements actuellement proposés, quand il y en a dans les formations d’ingénieurs ou de cadres, privilégient une approche exclusivement juridique. Ils ne disent rien du positionnement des acteurs, du déroulé des négociations, de la diffusion des informations...

Les autres recommandations-clés portent sur la nécessaire évolution des méthodes du dialogue social. Sur ce sujet, nous interpellons les acteurs mêmes du dialogue social. Trop souvent, ils se complaisent dans un formalisme juridique excessif, sans se soucier de la bonne compréhension des textes négociés par les salariés. Donner plus de visibilité à ce que font les partenaires sociaux est essentiel. Cela permettra d’engager un cercle vertueux ; les jeux de posture seront plus difficiles. C’est pourquoi l’avis recommande l’insertion systématique, dans les accords, de clause sur les modalités d’information des salariés et des employeurs, de clause prévoyant l’évaluation des modalités négociées…

Ces recommandations n’appellent pas d’intervention législative…

Les préconisations de l’avis, qui appellent une traduction législative, se comptent sur les doigts d’une main. Clarifier l’articulation entre démocratie sociale et politique, intégrer une définition des finalités du dialogue social dans les principes du droit du travail, ne peut se faire sans intervention législative. Mais toutes les autres recommandations, notamment celles sur l’évolution des méthodes du dialogue social, sont à destination des partenaires sociaux. Ils portent leur part de responsabilité dans la faiblesse du dialogue social en France. S’ils s’appliquaient les mesures qu’ils viennent de voter au Cese, la démocratie sociale s’en porterait mieux.

 

*Jean-François Pilliard, ancien « Monsieur social » du Medef, est également rapporteur de l’avis du Cese sur le développement de la culture du dialogue social en France.

 ** Cet avis, présenté par Jean-Luc Placet (Medef),  portait sur « le dialogue social, vecteur de démocratie, de progrès social et de compétitivité ». Présenté en juin 2014, il n’a pas été adopté en assemblée plénière.

Auteur

  • Anne Fairise