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Le vrai visage des représentants du personnel

Entreprise & Carrières | Dialogue Social | publié le : 18.01.2016 | Emmanuel Franck

Plus féminisés et diplômés qu’on ne le pense, cumulards par la force des choses, rarement permanents, protégés mais discriminés... : saisissant portrait des représentants du personnel dressé par un chercheur.

Dans la perspective de la réforme du Code du travail, voici des statistiques qui font tomber des idées reçues sur les représentants du personnel. Le chercheur Thomas Breda (CNRS, École d’économie de Paris) s’est appuyé sur l’enquête Reponse 2010 de la Dares et sur les déclarations annuelles des données sociales pour dresser le premier portrait de grande ampleur des représentants du personnel en France*.

6 % des salariés Les entreprises de l’Hexagone comptent 500 000 représentants du personnel (6 % des salariés du secteur marchand hors agriculture). Contrairement à l’idée répandue d’un syndicalisme quasi exclusivement masculin, il y a 36,6 % de femmes parmi les représentants du personnel (RP), seulement 5 points de moins que leur part dans les effectifs salariés (41 %).

Les RP ne sont pas, non plus, moins diplômés que les autres salariés. Ils sont même moins souvent sans diplôme (8 % contre 10 % des salariés). Comme on le savait déjà, les RP des grands établissements sont presque tous syndiqués, tandis qu’ils ne le sont majoritairement pas dans les petits. La raison étant que, dans les grands établissements, « il y a suffisamment de candidats au premier tour pour qu’il n’y ait pas besoin d’ouvrir aux candidats non syndiqués au second tour », selon Thomas Breda.

Les RP travaillent

 On savait également qu’ils étaient cumulards (80 % occupent plus d’un mandat), mais moins que ce cumul était sans doute subi dans la majorité des cas : 40 % déclarent qu’ils manquent de candidats aux IRP. Hormis pour quelques cas emblématiques – les dirigeants des confédérations –, la quasi-totalité des RP ont pour principale activité de… travailler : 95 % disposent d’un temps de délégation inférieur à 50 % de leur temps de travail. Autre lieu commun remis en cause : les RP ne sont pas totalement protégés contre le licenciement ; 80 % des demandes adressées à l’inspection du travail sont acceptées et rarement contestées (2 %).

Au final, le taux de licenciement des salariés protégés est évalué par Thomas Breda entre 1,24 % et 1,86 % ; un peu inférieur, tout de même, à celui de l’ensemble des salariés (2,49 %). Le recours à la rupture conventionnelle apparaît très fort pour les RP : 44 % des séparations, contre 28 % pour l’ensemble des salariés. « La rupture conventionnelle a permis aux RP qui souhaitaient partir de leur entreprise en échange d’une indemnité de pouvoir trouver un accord avec leur employeur alors que, jusque-là, ils étaient les seuls à ne pas pouvoir le faire. »

10% d'écart de salaire Enfin, le chercheur fait état d’un « faisceau d’éléments » allant dans le sens d’une « discrimination importante ciblée sur certains représentants ». Il constate que les RP syndiqués subissent une pénalité salariale de 4 % et les délégués syndicaux une pénalité de 10 %. Cet écart entre représentants provient, selon Thomas Breda, du rôle dévolu aux délégués dans les négociations salariales : une façon de sanctionner ce que des directions ont tendance à considérer comme une captation de la valeur au profit des salariés. 

* Presses de Sciences Po, parution en mars 2016.

Auteur

  • Emmanuel Franck