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« Le regroupement des branches est autant une affaire de grandes que de petites branches »

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 17.12.2015 | Manuel Jardinaud et Anne-Cécile Geoffroy

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Dans son rapport sur la méthodologie du regroupement des branches, remis très discrètement le 17 décembre à la ministre du Travail, ce spécialiste propose de regarder la pertinence des avantages collectifs plus que leur nombre et de ne pas se focaliser sur les plus petites branches.

Quel est l’objectif de votre rapport ?

Nous avons une vision encore insuffisante du système des branches et de leur vitalité. L’objectif premier a donc été d'examiner la légitimité de certains champs conventionnels qui recèlent des conventions dont on ne sait même plus s’ils sont vraiment applicables, si certaines des règles ont été dénoncées ou pas. Par ailleurs, il existe des branches qui comportent des accords nationaux, éventuellement des conventions territoriales ou des conventions spécifiques aux cadres. C'est par exemple le cas dans les grandes branches comme la métallurgie ou le bâtiment. Avec cet ensemble très disparate, il est nécessaire de renforcer la légitimité des acteurs qui négocient, les sujets pertinents à aborder et le niveau auquel il convient de conclure des négociations.

En quoi le trop grand nombre de branches est-il un problème ?

Dans les très petits champs conventionnels, qu’ils soient territoriaux ou non, nous devons nous interroger sur leur pertinence et la sécurité juridique des accords qui s’y négocient. De fait, dans les petites branches, la capacité de réunir des compétences suffisantes au sein des partenaires sociaux, capables de mesurer la portée des stipulations qu'ils discutent et négocient, demeure relativement faible. Le rôle des branches professionnelles est aussi de proposer à leurs adhérents des services ou des avantages qu'elles ont pu négocier auprès d'organismes de formation ou encore de complémentaires santé. Et parfois, surtout pour les petites branches, le rapport de force est inversé. Dans certains cas, c’est même le prestataire qui peut dicter ses conditions au détriment des salariés et des entreprises. La troisième raison qui pousse au regroupement des branches tient à des questions économiques. Nous sommes entrés dans une économie mondialisée qui chahute nos entreprises. Des branches plus fortes, plus cohérentes permettront aux partenaires sociaux de mieux mesurer les enjeux auxquels ont à répondre les entreprises et leurs salariés.

Ce sont donc les petites branches qui posent un problème ?

Absolument pas. Le regroupement des branches est autant une affaire de grandes que de petites branches. D'ailleurs, il ne faudra pas se limiter au seul l’objectif de ne plus avoir de branches de moins de 5000 salariés. Les grandes branches doivent de ce côté donner l'exemple et l'envie aux autres. Il ne faut pas se laisser enfermer dans la seule perspective de la réunion des petits. Rien ne dit qu’additionner une branche de 2000 salariés et une de 3000 aboutira à un ensemble pertinent. Il convient de regarder le degré d’ouverture du champ conventionnel et sa cohérence sur le plan économique. Gérer la différence dans une branche d’une certaine taille, c’est possible et déjà le cas. Regardez la métallurgie qui inclut en son sein la sidérurgie avec une convention spécifique.

Les partenaires sociaux sont-ils prêts à se lancer dans ce processus ?

Il y a quelques années, dans le champs de la formation professionnelle, les opca -organismes paritaires collecteurs agréés- ont réalisé ce travail de regroupement, même si c'était sous la pression. Il n'est donc pas impossible d'y parvenir. Mais pour les syndicats de salariés comme pour les organisations patronales, la restructuration des branches va objectivement poser la question du nombre de mandats occupés jusqu'ici par leurs élus et donc leur diminution à moyen terme. Malgré cela, plusieurs organisations syndicales de salariés sont tout à fait favorables à ce processus avec l'objectif de voir émerger des branches où l'on négocie réellement sur l'avenir économique. Ils y voient matière à négocier de nouvelles garanties collectives, en faisant progresser en compétences leurs négociateurs. A contrario, certaines organisations professionnelles d'employeurs craignent une logique inflationniste. L’enjeu est surtout de créer des avantages plus pertinents par rapport à l'économie actuelle et pas obligatoirement plus nombreux. Par exemple, dans notre société où le chômage des jeunes est si élevé et où les seniors sont aussi plus nombreux au chômage, ne faut-il pas créer des règles spécifiques à certaines branches qui permettraient un meilleur accueil des jeunes travailleurs et une meilleure employabilité des seniors dans les entreprises? Pour dépasser les freins, il faut du temps. A mon sens, un délai de cinq ans pour mener correctement et sans blocage le processus, avec un objectif de 100 à 200 branches, est raisonnable.


Sur le même sujet, retrouvez l'article de la Semaine Sociale Lamy

 

Auteur

  • Manuel Jardinaud et Anne-Cécile Geoffroy