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Le patronat devant le Conseil constitutionnel

Liaisons Sociales Magazine | Dialogue Social | publié le : 26.01.2016 | Manuel Jardinaud

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Les Sages ont examiné le 26 janvier une question prioritaire de constitutionnalité sur la mesure de la représentativité patronale, objet d’une division féroce entre le Medef, d’une part, et la CGPME et l’UPA, de l’autre. Chacun a fourbi ses arguments, toujours aussi irréconciliables.

La joute verbale était plus feutrée que par communiqués interposés. Elle n’en était pas moins radicale. Le mardi 26 janvier, le Conseil constitutionnel examinait une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la représentativité patronale qui déchire les organisations professionnelles.

D’un côté, le Medef, à l’origine de cette procédure et favorable à l’introduction d’une pondération prenant en compte le nombre de salariés des entreprises adhérentes. De l’autre, l’UPA et la CGPME souhaitant conserver le décret en l’état et le principe « une entreprise, une voix ». Une bataille qui pourrit les relations entre les grandes organisations depuis des mois.

Pas de dialogue constructif

Le décret issu de la loi sur l’emploi et le dialogue social instaure que la représentativité des organisations professionnelles pour les négociations de branche se mesure sur la base du nombre des entreprises adhérentes. Une pondération prenant en compte le nombre de salariés est introduite pour le droit d’opposition aux accords signés. Ce système garantit la démocratie sociale a plaidé le représentant du gouvernement, campant sur ses positions.

Devant les Sages, les avocats des parties ont réitéré leurs arguments, à ce stade toujours inconciliables. Jean-Jacques Gatineau, le conseil de l’organisation de Pierre Gattaz, s’étonne que « le même poids soit accordé au petit garagiste qu’à la société Renault ». Exemples à l’appui, il souhaite invalider ce décret qui produit « un système dangereux, inefficace ».

Selon lui, c’est ainsi le cas dans l’intérim : les huit principales entreprises représentent 0,5% des opérateurs mais 75% de l’emploi. Elles ne pèseront pas plus qu’une TPE du secteur. Mêmes conséquences dans les travaux publics où 66 des plus importantes sociétés contribuent à 35% des emplois. « Ces entreprises n’auront pas accès à la table des négociations », prophétise-t-il. Malgré la prise en compte de l’effectif dans le droit d’opposition, « cela ne permettra pas un dialogue sain et constructif ». Il y voit une dynamique de contentieux à venir.

L’UPA et la CGPME affrontent ce point de vue depuis que le gouvernement a demandé aux organisations patronales de négocier à nouveau malgré la publication du décret. Jean-Michel Leprêtre, avocat de l’organisation des artisans, balaie l’argument relatif aux grandes entreprises comme Renault, « chaque filiale étant adhérente d’une organisation professionnelle ».   

Hégémonie du Medef

Il voit dans l’action du Medef et de certaines autres fédérations ou unions associées à la démarche (UIMM, FFB, FFSA…) une volonté de préserver leur financement et de conserver des sièges au sein des conseils paritaires. Un argument très politique porté depuis des semaines par François Asselin, président de la CGPME.

Face à un Medef « hégémonique »  et « qui ne veut pas laisser éclore les autres », le juriste insiste sur le caractère équilibré du texte qui aidera à dégager un consensus lors des négociations de branche. Le Conseil constitutionnel doit rendre sa décision le 3 février prochain. Quelle qu’elle soit, elle ne permettra pas d’apaiser les vives tensions entre les trois organisations patronales.

Un risque de confrontation durable pour celles-ci alors qu’elles doivent s’entendre lors de négociations centrales à venir, comme celle de l’assurance chômage. Mais aussi pour le gouvernement, qui place le dialogue social au cœur de sa politique.

Auteur

  • Manuel Jardinaud